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Apple pourrait-il survivre sans l'iPhone?

"Alors que les ventes d'iPhone représentent désormais les deux tiers du chiffre d'affaires du groupe, nous avons tenté d'imaginer ce que serait Apple aujourd'hui si Steve Jobs n'avait pas imaginé son smartphone mythique au milieu des années 2000. Réponse: la firme ne serait peut-être plus là."

L'iPhone est en vente depuis 10 ans. C'est le 29 juin 2007 qu'Apple a commencé la commercialisation de son mythique téléphone. Et si à l'époque, peu nombreux étaient ceux qui pensaient qu'Apple réussirait à se faire une place entre Nokia et Motorola, champions de la téléphonie des années 2000, ils étaient encore moins nombreux à imaginer que l'américain écraserait la concurrence avec son téléphone à plus de 600 euros. 

Et pourtant 10 ans après, aucun produit n'a jamais généré autant d'argent dans le monde. Rien qu'en 2016, le chiffre d'affaires de l'iPhone s'est élevé à près de 136 milliards de dollars, soit 120 milliards d'euros. Si le smartphone d'Apple était une entreprise, ce serait le deuxième plus gros chiffre d'affaires de France derrière Total. Au niveau mondial, l'iPhone serait 20ème dans le classement de Fortune des plus grandes entreprises du monde. "Il n'y a quasiment aucun produit dans l'histoire qui ait dopé à ce point les résultats d'une entreprise", explique Ian Fogg, spécialiste du mobile au cabinet britannique IHS dans The Independent.

L'iPhone est un monstre qui commence même à dévorer Apple. Comme vous pourrez le voir dans le premier graphique en bas de l'article, l'iPhone a représenté en 2016 63% des revenus de la marque à la pomme. Et quid des bénéfices? Apple ne communiquant pas la marge bénéficiaire de chacun de ses produits, nous nous sommes basés sur une étude du Credit Suisse qui estime que la marge brute sur l'iPhone oscillerait entre 60 et 65%. Ce qui représente 89 milliards de dollars en 2016. Or le résultat opérationnel d'Apple était de 60 milliards de dollars cette même année. Autrement dit, sans l'iPhone, Apple serait déficitaire!

Sans l'iPhone, Apple ne ferait pas rêver Wall Street

Alors que tout le monde parle de la dépendance d'Apple à l'iPhone, nous avons voulu essayer de voir ce que serait la société sans son produit phare. Nous avons donc, pour tenter de décrire cette entreprise fictive, fait disparaître les chiffres de l'iPhone dans les résultats d'Apple. Et le bilan serait infiniment moins flatteur pour la firme de Tim Cook. Cet Apple-là ne flamberait pas à Wall Street. En 2016, la société aurait généré un chiffre d'affaires certes de près de 79 milliards de dollars (ce qui en ferait tout de même la deuxième entreprise du secteur derrière Samsung) mais ce dernier serait en recul de 1%. 

Et encore, ces calculs ne prennent en compte que les ventes d'iPhone en tant que produit. Or l'iPhone, c'est aussi un appStore et de nombreux services. Au total cette catégorie a généré un chiffre d'affaires de 25 milliards de dollars. Pas seulement grâce à l'iPhone (il y a aussi les ventes de logiciels sur Mac et celles de musique par exemple), mais une très grande partie est évidemment générée par les ventes d'applications pour smartphone. Donc sans cet éco-système très rentable, Apple serait fatalement dans le rouge aujourd'hui. 

On a peine à l'imaginer tant Apple est une redoutable cash-machine depuis des années. Et pourtant, derrière la locomotive iPhone, les wagons ne suivent pas du tout la cadence. Un exemple avec l'iPad. Steve Jobs qui comptait en faire le troisième pilier d'Apple après le Mac et l'iPhone semble avoir échoué. Les ventes de la tablette reculent depuis quatre ans maintenant. Dans l'Apple fictif de 2016 sans iPhone, l'iPad resterait certes le produit phare de la marque mais avec des ventes en recul de 14% sur un an. Pas très glorieux. 

L'iPhone a peut-être sauvé Apple

D'autant que la relève peine à émerger. Les ventes d'Apple Watch sont correctes mais restent marginales. Apple ne communique pas sur leur nombre mais selon Canalys elles auraient été de 11,9 millions d'unités en 2016. La marque assure préparer la suite. Elle vient de dévoiler son assistant personnel HomePod, dont la sortie est prévue en décembre et travaille en secret sur des concepts de réalité augmentée et de voiture autonome. Des projets plus ou moins lointains qui ne semblent pas prêts de prendre la relève de l'iPhone en termes de ventes.

Seul point positif pour l'Apple sans iPhone: les ventes de Mac restent robustes année après année. Apple n'a jamais autant vendu d'ordinateurs qu'en 2016, mais n'est-ce pas aussi grâce au succès de l'iPhone? Idem pour l'iPad, l'Apple Watch voire le service Apple Music. Auraient-ils eu le même succès sans la force d'entraînement de l'iPhone sur la marque? Certainement pas. Résultat, si Apple n'avait jamais lancé l'iPhone, ce serait certainement une entreprise en difficulté comme nombre de ses concurrents dans l'électronique grand public. Le smartphone a sans doute au final "sauvé" Apple. Un sauveteur très envahissant mais dont la marque ne peut aujourd'hui plus se passer. 

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Frédéric Bianchi
https://twitter.com/FredericBianchi Frédéric Bianchi Journaliste BFM Éco