Abercrombie & Fitch: le PDG paie ses provocations
Abercrombie s'est séparé de son patron emblématique mais controversé le 9 décembre. Mike Jeffries, déjà déchu de la présidence du conseil d'administration en 2013, était devenu l'homme à abattre pour les actionnaires. Ils le jugent responsable du désamour envers la marque américaine de prêt-à-porter.
Depuis onze trimestres, les ventes dégringolent, les profits chutent, et une vaste restructuration a cours. 180 points de vente doivent fermer aux Etats-Unis d'ici à 2015. Outre l'effet de mode passé, cette déchéance est attribuée au fondateur de la griffe, à sa tête depuis vingt ans. A ses exigences maniaques, son culte exacerbé du physique et les affaires qui y sont liées. Passage en revue de ses faits d'armes les plus saillants.
> Les "moches" persona non grata chez Abercrombie
Dans une interview en 2006, le patron du groupe déclare embaucher "des gens beaux dans nos magasins, parce que nous voulons nous adresser à des gens cool et beaux". Avant de conclure "beaucoup de gens n'ont rien à faire dans nos vêtements".
Dans les faits, la griffe retire les tailles XL et XXL de ses lignes en 2013. Cet été, elle commercialise une taille 000, destinée aux femmes dont le tour de taille n'excède pas 58 centimètres.
Tollé général. Le PDG s'excuse, mais ne convainc pas. Une blogueuse ronde lui répond en posant dans un tee-shirt Abercrombie & Fitch selon les codes de la marque -pose lascives en noir et blanc- et fustige l'impact de ses déclarations sur la jeunesse, cœur de cible de la marque.
> Des affaires de discrimination à l'embauche
En juillet 2013, le défenseur des droits français enquête sur les méthodes de recrutement de la griffe américaine, régulièrement pointées du doigt comme étant discriminatoires. Le passé juridique d'Abercrombie ne joue pas en sa faveur.
Aux Etats-Unis, en 2004, le groupe a dû verser 50 millions de dollars pour arrêter une class action lancée pour discrimination raciale à l'embauche. Au Royaume-Uni, en 2009, il est condamné pour licenciement abusif et harcèlement moral, après le renvoi d'une jeune femme qui portait une prothèse au bras gauche.
> Des libertés individuelles bafouées
La marque, connue pour n'employer que des éphèbes qui officient torse nu, détient également Hollister. Ses salariés français racontent aux médias en 2013 que les employés, (à moitié) habillés avec les vêtements de la marque, doivent les payer eux-mêmes. Soumis du matin au soir à de la techno volume discothèque, ils ont interdiction de socialiser, y compris en dehors du travail.
La hiérarchie des vendeurs se base uniquement sur leur physique, répartis dans les étages en fonction de leur beauté: moins on est jugé sexy, plus on est haut. Une autre affaire, racontée par RTL, évoque une épidémie de gale chez les salariés de la marque contraints de s'échanger des uniformes non lavés.
> Un jet privé symbole de ses exigences maniaques
Autre procès, intenté cette fois en 2012 par le pilote du jet privé de Mike Jeffries. Licencié à 55 ans, il dit subir les diktats physiques du boss. Les éléments qu'il porte devant la cour laissent entrevoir ses habitudes maniaques.
Le personnel navigant doit porter polo, tongs, lunettes de soleil et une touche de parfum Abercrombie. Un manuel de plus de 40 pages lui dicte comment boutonner leur manteau, la hauteur à laquelle porter son jean ou encore le type de sous-vêtements qu'il doit porter: boxer obligatoire. Il doit systématiquement accueillir chaque passager par la chanson "Take me home" de Phil Collins, et ne répondre aux demandes que par la formule "no problem".
> Une page se tourne
Le groupe a déjà opéré un vaste changement de politique ces derniers mois. Les logos se font de plus en plus discrets sur les vêtements, le noir, jusque-là banni, apparaît dans les nouvelles lignes, la taille 42 est réintroduite, les mannequins des pubs et les vendeurs en boutiques sont rhabillés, le son de la musique baissé. Bref, la maison opère un changement de visage, dont le départ du patron fait partie. Le nom du successeur de Mike Jeffries n'a pas encore été annoncé.