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Les aides à la presse critiquées par un rapport parlementaire

Le député, rapporteur des crédits pour la presse, préconise un recentrage

Le député, rapporteur des crédits pour la presse, préconise un recentrage - -

Dans son rapport sur le projet de budget 2013 de la culture, le député PS Michel Françaix dénonce des aides publiques très mal réparties.

Le député socialiste Michel Françaix ne craint pas de se mettre une bonne partie de la presse à dos. "L’attitude des éditeurs de presse face au changement rappelle étonnamment la formule d’Edgar Faure: "l’immobilisme est en marche, et rien ne saura l’arrêter!"", écrit-il.

Mais il tire surtout à boulets rouges sur les aides publiques à la presse dans son rapport sur le projet de budget 2013, disponible ci-contre. Principale critique: la presse d'information politique et générale absorbe "moins d'un tiers" du 1,2 milliard d'euros d'aides annuelles de l'Etat. Pour lui, ce non ciblage est "scandaleux". Pour le prouver, il publie la liste des 30 journaux les plus aidés, liste assez accablante (cf. ci-contre), qui comprend notamment 5 hebdomadaires télévisés...

Explication: 60% de ces aides sont absorbées par des tarifs postaux réduits accordés à tous les journaux, "sans doute la mesure la moins ciblée qui soit". Et seulement la moitié de ces aides postales vont à des journaux d'information politique et générale. Le reste va à des magazines, notamment les hebdomadaires télévisés, qui captent 20% des aides postales.

Et encore, ces chiffres ne tiennent pas compte de la TVA super réduite (2,1%) dont bénéficient tous les journaux. Cet avantage fiscal (265 millions d'euros par an), ne profite à la presse d'information politique et générale qu'à hauteur de 39%. Le député propose donc de ne plus accorder de TVA réduite aux journaux de divertissement, comme c'était le cas avant 1983.

Bilan négatif pour le portage

Le rapport tire aussi "un bilan décevant" des aides au portage de journaux. Le gouvernement Fillon avait décidé de le subventionner massivement. Ces aides ont ainsi englouti 253 millions d'euros entre 2009 et 2012. Objectif : augmenter de plus 200 millions le nombre d'exemplaires portés. Au final, ce nombre n'a augmenté que de 66 millions depuis 2008... soit deux fois moins qu'entre 2001 et 2008, où le portage n'était pas massivement subventionné!

Le rapport dénonce un "scandale": "l’effet incitatif de l’aide a été nul. Elle a entraîné un effet d’aubaine majeur pour la presse quotidienne régionale, qui avait déjà largement recours au portage" -le portage représentait déjà 79% de ses abonnements en 2008. "Au lieu d’inciter au basculement vers le portage, l’aide a servi à subventionner massivement, sur la base du portage existant, les titres de la presse quotidienne régionale, qui ont capté plus de 80% du montant de l’aide en 2009".

Pire: en 2011, les quotidiens régionaux ont continué à capter 72,5% de l'aide au portage (soit 48 millions d'euros), mais ils ont porté moins d'exemplaires qu'en 2010...

En 2013, les aides au portage vont diminuer. Mais le rapporteur des aides à la presse y reste favorable: "on ne peut affirmer que le portage est l’avenir de la presse et lui consacrer 37,6 millions d’euros, contre 249 millions d’euros pour les aides postales, comme le fait le présent budget 2013". 

Subvention des salaires

Dernière critique: "les aides ne sont pas du tout ciblées sur l’investissement: la grande majorité s’apparente à une subvention d’exploitation, qui n’a évidemment aucun effet incitatif aux réformes nécessaires, et, ce qui est plus grave, ne fait que les différer. Pire, les aides à l’investissement sont trop souvent des aides déguisées au fonctionnement, ou peuvent avoir un effet anti-économique, lorsqu’elles subventionnent massivement le développement de capacités d’impression en interne".

Cette critique vaut notamment pour l'aide aux sites de presse en ligne: cette aide "a subventionné massivement des dépenses de fonctionnement, notamment les salaires des journalistes", qui ont absorbé 40% des aides en 2010 et 31% en 2011. Pour ne rien arranger, "son ciblage est faible et très discutable". La liste des bénéficiaires comprend en effet surfsession.com, terredevins.com, hoteletlodge.fr ou velo101.com.

Pour conclure, le rapport cite Antonio Gramsci: "la crise, c'est quand le vieux monde se meurt, et que le jeune hésite à naître".

Le titre de l'encadré ici

|||Arrêt de l'opération "Mon journal offert"
Cette opération offrait aux 18-24 ans un an d'abonnement à un quotidien, à raison d'un numéro par semaine. Lancée en 2009, elle avait été renouvellée en 2010 et 2011, et a coûté au total 15 millions d'euros. Cette opération "n’est pas reconduite, l’évaluation de cette mesure étant particulièrement sévère", indique Michel Françaix. D'abord, "le principe d’un partage équitable des dépenses entre la presse et l’État, annoncé au départ, n’a donc pas été respecté. En effet, l’État a de fait pris en charge l’intégralité des coûts supportés par les titres". Ensuite, seuls 5% à 8% des bénéficiaires de l'opération s'abonneraient au bout d'un an. "Or les études montrent que pour la génération actuelle, le taux de lecture de la presse spontané est de l’ordre de 9 %. Ces taux sont ainsi très voisins".

Selon l'Association de la presse d'information politique et générale, l'opération a profité à plus de 600 000 jeunes, et suscité "près d'un million de demande d'abonnements en trois ans".

Jamal Henni