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Airbus va coproduire un chasseur "made in Korea"

Airbus Defense and Space, la filiale d'Airbus en charge des activités militaires

Airbus Defense and Space, la filiale d'Airbus en charge des activités militaires - Remy Gabalda - AFP

Le groupe européen va s'associer à Korean Air pour concevoir un avion de combat qui sera fabriqué en Corée du Sud. Un projet dans lequel Airbus ne se sent toutefois pas complètement à son aise.

C'est une alliance qui semble battre de l'aile avant même d'avoir commencé à agir. Korean Air a annoncé ce dimanche 22 février avoir signé avec Airbus Defense & Space un accord pour concevoir ensemble un nouvel avion de combat "made in Korea" destiné à l'armée de l'air sud-coréenne.

"Nous avons signé un protocole d'entente avec Airbus", a ainsi déclaré à l'AFP un porte-parole de la première compagnie aérienne sud-coréenne, gros client de l'avionneur européen dans l'aéronautique civil.

Contacté par l'AFP, Airbus Defence & Space n'a pas souhaité commenter cette information dans l'immédiat. Selon la presse sud-coréenne, les négociations ont été âpres, les deux partenaires ayant échoué à présenter un dossier conjoint lors d'un précédent appel à candidatures clos le 9 février.

"Airbus D&S n'est pas très enthousiaste", estimait récemment une source proche du dossier citée par le Korea Times. L'avionneur, censé seulement fournir un soutien "technique" dans ce projet industriel 100% coréen, "se sent comme un invité", ajoute cette source.

Airbus à l'écart

La compagnie sud-coréenne aurait tenu l'avionneur à l'écart de décisions clé dans le processus d'offre et "Airbus n'est pas content", selon une autre source. Le projet "KF-X", estimé à 8.500 milliards de wons (6,7 milliards d'euros), prévoit la construction de 120 chasseurs de classe F-16 destinés à remplacer à terme les F-4 et F-5 qui équipent actuellement l'armée de l'air sud-coréenne.

La date limite des dépôts des candidatures pour ce projet est le 24 février. La DAPA, l'agence publique en charge du programme, doit annoncer sa décision préliminaire en mars, puis sa décision finale en juin ou juillet. Les conditions de l'appel d'offre obligent des industriels locaux à s'associer avec des entreprises étrangères pour le volet technologique, selon l'agence Yonhap.

Korean Air effectue déjà des opérations de maintenance pour les armées de l'Air sud-coréenne et américaine et produit de longue date des ailes pour Boeing. "Korean Air assurera la fabrication, avec le soutien technologique d'Airbus", explique pour l'AFP l'analyste Lee Il-Woo, du Korea Defence Network.

Un projet qui lève des doutes

L'alliance Korean Air-Airbus devrait proposer un avion de conception totalement nouvelle, les ailes delta du Typhoon du consortium européen Eurofighter ne répondant pas au cahier des charges fixé par la défense sud-coréenne.

"L'Eurofighter ne satisfait pas au concept d'ailes privilégié par la Corée du Sud", selon Lee Il-Woo. Face à Airbus et Korean Air se dressent l'américain Lockheed Martin et Korean Aerospace Industries (KAI). Dans le passé, l'armée sud-coréenne a massivement choisi des fournisseurs américains pour s'équiper et KAI possède un avantage car il a déjà fabriqué des avions d'entraînement supersoniques T-50 Golden Eagle et des hélicoptères utilitaires Surion.

Mais Airbus a aussi présenté des offres pour des contrats militaires ces dernières années, dont un marché de 1,38 milliard pour fournir des ravitailleurs à l'armée de l'air. En outre, l'armée sud-coréenne privilégierait une option à deux réacteurs sur le modèle du Typhoon d'Eurofighter. Enfin Korean Air et Airbus bénéficieraient d'un avantage concurrentiel en matière de transfert de technologies. "Le gouvernement américain ne souhaite pas partager son expertise aéronautique" alors que le gouvernement indonésien s'arroge une participation de 20% dans le projet de chasseur sud-coréen, note Lee Il-Woo.

Le gouvernement de Séoul aurait une participation de 60%, le consortium retenu les 20% complémentaires. Reste que les spécialistes doutent fortement de la viabilité du projet, tant en raison du calendrier serré que des contraintes budgétaires. "Il faudrait entre 10 et 30 milliards de dollars US et jusqu'à 20 ans pour produire un nouvel appareil", souligne l'analyste.

J.M. avec Airbus