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La solidarité d'Amazon, Apple, eBay avec la France est-elle indécente?

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Dans un billet paru sur le site du journal britannique The Guardian, une journaliste française explique pourquoi elle les messages de solidarité et de condoléance des grandes entreprises ne passent pas. Elle n'y voit qu'une opération marketing.

"Merci Amazon, mais nous n'avons pas besoin de ta solidarité." Voilà le titre d'un billet publié ce mardi (en français) sur le site du Guardian. L'auteure, Jessica Reed, est une journaliste française du quotidien britannique qui a vécu à distance les événements du 13 novembre dernier. "Les attaques, les premiers nouvelles sur le web, les appels frénétiques depuis New York à ma famille à Paris. Mon estomac noué, le flux de tweets, les images du gars qui joue “Imagine” au piano devant une foule en deuil", écrit-elle dans son billet. Et les témoignages de sympathie: "Les condoléances exprimées par mes collègues. Les condoléances exprimées par mon serveur. Les condoléances exprimées par mon médecin. Les condoléances exprimées par ... Amazon."

Le site américain a changé dès le samedi matin sa page d'accueil mondiale. A la place des habituels produits, le site a fait figurer un drapeau bleu-blanc-rouge avec un message: "Solidarité". Et il n'est pas le seul à avoir marqué sa solidarité. Apple a ainsi mis sa pomme aux couleurs du drapeau français soulignée par la devise de la République. 

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De nombreux autres sites ont voulu marquer le coup comme eBay qui a repris le logo de la tour Eiffel transformée en symbole de la paix, ou les sites français comme CDiscount, Rue du Commerce ou encore Sarenza qui ont orné leur logo traditionnel d'un ruban noir.

Autant de marques qui ont du mal à passer auprès de la journaliste. "La douleur est l’affaire de tous, écrit-elle. Une règle d’or devrait cependant exister: ne jamais tirer quelconque profit du deuil." Or selon elle, ces marques de solidarité ne seraient rien d'autre que du marketing de la compassion. Car si des initiatives comme celle de Facebook qui a mis en place son "Security check" peuvent avoir leur utilité, "tout le reste est essentiellement de la publicité gratuite: c’est un geste vide, un non-mouvement, un semblant d’aide qui ne fait rien sauf garantir sa promotion", note le responsable d'une agence de communication interviewé par la journaliste et dont elle partage les vues. 

Pour elle, les entreprises ne sont pas des personnes et ne peuvent pas être considérées comme telles. "Les entreprises se présentent désormais comme des entités capables de compassion, même si elles ne peuvent bien sûr par parler au nom de tous leurs employés, écrit-elle. Leurs actions suggèrent l’humanisation totale du corporatisme."

Sur Twitter certains ironisent

Un billet à la tonalité sensiblement similaire a été écrit par une journaliste du Nouvel Obs. Notant au passage que les entreprises américaines en ont fait plus que les françaises pour l'occasion. "Paradoxalement, comme si elles avaient à prouver un patriotisme qu’elles ne pratiquent pas toujours - sur le plan de la fiscalité, de la concurrence ou du respect des données privées - les grandes plateformes américaines se sont montrées plus engagées", écrit ainsi Dominique Nora. 

Ces différentes initiatives ont-elles choqué leurs utilisateurs? Ce n'est pas flagrant à en juger les réactions sur Twitter pour le "solidarité" d'Amazon. Beaucoup reprennent simplement l'information, d'autres remercient le site. Certains en revanche expriment effectivement leur doute sur la sincérité d'une telle démarche. Comme cette personne qui ironise sur Twitter (une référence aux roublardises fiscales du site?). 

"Ne vous attendez pas à voir de la solidarité sur Amazon. L'achat est tentant même pour ceux qui n'ont pas un compte Premium."

Si les dirigeants de ces entreprises ont voulu sincèrement marquer leur solidarité avec la France (accordons-leur), leur comportement pas toujours exemplaire le reste du temps (notamment en matière fiscale) est incompatible pour certain avec cet élan. Libre à elles maintenant de prouver leur solidarité sur le long terme...

Frédéric Bianchi