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Amazon perd l'exclusivité de son innovation la plus importante

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- - Pexels - Montage BFM Business

Déposé en 1997, le brevet d'achat en un clic d'Amazon n'a l'air de rien mais il pourrait expliquer une bonne partie du succès de la société ces vingt dernières années. À compter de ce mardi, tous les sites pourront l'utiliser gratuitement.

Quelle est la plus grande innovation d'Amazon? La liseuse Kindle? La place de marché? L'abonnement Prime? La livraison le jour même? Les entrepôts ultra-modernes? Rien de tout cela vous répondront la plupart des spécialistes du secteur du e-commerce. Son innovation la plus majeure est l'achat en un clic.

En 1997, Amazon n'est qu'une toute petite librairie en ligne qui n'a que deux ans d'existence mais les ambitions de son patron n'en sont pas moins colossales. Il veut devenir le plus gros commerçant de la planète, rien que ça. Jeff Bezos comprend très vite que pour y parvenir, il devra jouer sur les trois leviers que sont le choix, le prix et surtout les services. Et pour Amazon ce sont ces derniers qui feront la différence avec les concurrents. Tout faire pour simplifier la vie du client, voilà le credo d'Amazon. D'ailleurs Jeff Bezos le résumait en 2013 dans une interview à la Harvard Business Review: "Nous ne gagnons pas d’argent lorsque nous vendons des livres. Nous gagnons de l’argent lorsque nous aidons nos clients à prendre des décisions d’achat".

Apple a dû payer Amazon

Dès 1997, le patron d'Amazon pressent qu'il doit permettre aux clients d'acheter plus simplement et rapidement leurs produits. À l'époque, le processus d'achat sur le web était long. Il fallait s'enregistrer à chaque commande, entrer son nom, adresse, son numéro de carte bancaire voire envoyer un chèque. Amazon a l'idée simple de permettre à ses clients d'enregistrer toutes ces informations une fois pour toutes et d'acheter sur Amazon en un clic. C'est à ce moment-là donc qu'apparaît le bouton "acheter en 1-Click" sur le site marchand. 

Un service qui paraît banal aujourd'hui tant il est répandu, mais qui ne l'était pas à l'époque. À tel point qu'Amazon se met en tête de le breveter. Et le plus surprenant c'est que l'office américain des brevets (lUSPTO) ne rejette pas son dépôt. Il lui accorde sans broncher le précieux brevet. Cette protection légale, Amazon en usera chaque fois que ses concurrents tenteront de l'imiter. En 1999, par exemple, le libraire Barnes&Nobles lance un système similaire d'achat en un clic. Amazon l'attaque illico et l'enseigne fait machine arrière. Un an plus tard, Apple qui veut introduire ce type de service sur son site de vente en ligne ainsi que sur iTunes se résout à payer une redevance à Amazon.

"1-Click a rapporté des milliards à Amazon"

En revanche, l'office des brevets en Europe (OEB) a toujours refusé d'accorder à Amazon un quelconque droit de propriété sur cette idée. "Le Conseil ne considère pas que l'idée de réduire le nombre de mesures nécessaires pour passer une commande constitue une invention", assurait l'OEB dans une décision de 2001 réitérée en 2011. 

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Cette querelle juridique prend donc fin ce mardi 12 septembre. Car le brevet du "1-Click" d'Amazon tombe ce jour dans le domaine public. N'importe quel site de vente pourra désormais laisser ses clients enregistrer leurs coordonnées personnelles et bancaires et payer ensuite tous ses achats en un clic. Évidemment, cette possibilité ne va pas rabattre les cartes dans le e-commerce. Amazon a une telle avance qu'il paraît pour l'heure irrattrapable. 

Et cette petite "innovation" du 1-Click y a sans doute contribué. Dans quelle proportion? Difficile à chiffrer mais Mike Arsenault, de la société de conseil en e-commerce Rejoiner, l'estime à plusieurs milliards de dollars. "Associé à Amazon Prime, le 1-Click est le plus grand 'game changer' du e-commerce de ces vingt dernières années", assure-t-il. Qui n'a jamais acheté une chanson sur iTunes ou un petit objet sur Amazon comme ça sur une impulsion?"

La fin de ce brevet ne préoccupe pas vraiment Amazon. D'abord parce que depuis, la société multiplie les nouveaux services lui permettant de faire la course en tête comme la livraison ultra-rapide par drone ou l'ouverture de nouveaux services comme l'achat en ligne de produits alimentaires. Ensuite parce que Jeff Bezos avait reconnu dans une lettre ouverte à l'époque que la durée des brevets pour les logiciels et les méthodes de business était trop longue. "Je proposerais trois à cinq ans plutôt que les dix-sept ans actuels", plaidait le patron d'Amazon en 2000 qui n'a pas renoncé pour autant à son brevet qui lui aura assuré des redevances jusqu'à aujourd'hui.

Frédéric Bianchi
https://twitter.com/FredericBianchi Frédéric Bianchi Journaliste BFM Éco