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Amazon vaut 15 fois Carrefour en Bourse: est-ce irrationnel?

Jeff Bezos, le patron d'Amazon, peut sourire. Son groupe vaut désormais 320 milliards de dollars, soit 117% de plus qu'il y a un an.

Jeff Bezos, le patron d'Amazon, peut sourire. Son groupe vaut désormais 320 milliards de dollars, soit 117% de plus qu'il y a un an. - Ted S. Warren

La valorisation d'Amazon a battu un record en atteignant pour la première fois les 320 milliards de dollars. Le géant américain du e-commerce vaut désormais 15 fois Carrefour ou 300 fois la Fnac...

La semaine dernière, Jeff Bezos a envoyé une fusée dans la stratosphère. Un succès salué notamment par la communauté scientifique. Mais pour les analystes financiers, la véritable fusée du patron d'Amazon c'est le cours de l'action de son entreprise. Depuis le début de l'année, la valeur du géant américain du e-commerce ne cesse de grimper. L'action qui valait 300 dollars en début d'année s'échange désormais à plus de 680 dollars (+117%).

La valorisation boursière d'Amazon a atteint ce mercredi 2 décembre un record en grimpant à 320 milliards de dollars (303 milliards d'euros). Une performance qui laisse les analystes pantois. "Il y a deux mois l'action était à 540 dollars son plus haut historique et nous visions 600 dollars, observe sur Twitter l'analyste Xavier Fenaud. Or elle est à 683 dollars maintenant!" 

Jeff Bezos est désormais la quatrième fortune mondiale (60 milliards de dollars) et Amazon le plus gros commerçant de la planète par la capitalisation boursière. L'américain vaut ainsi 1,7 fois plus que Walmart (189 milliards de dollars) qui compte 2,2 millions d'employés et réalise 484 milliards de dollars de chiffre d'affaires (estimation 2015). Et la comparaison avec les géants français de la distribution est encore plus sidérante. Amazon c'est par exemple près de 15 fois Carrefour ou encore 300 fois la Fnac. 

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Et le comparatif avec Carrefour est particulièrement intéressant. Les deux sociétés réalisent en effet des chiffres d'affaires comparables (aux alentours de 100 milliards de dollars) et sont très développés à l'international. Mais d'un côté on a un groupe de supermarchés qui compte près de 12.000 magasins et plus de 380.000 employés. De l'autre un site internet avec 160 entrepôts et 222.000 employés. Des entreprises comparables donc mais l'une vaut tout de même 15 fois plus que l'autre. 

D'autant plus étonnant qu'Amazon n'est pas vraiment une machine à générer du cash comme par exemple Apple, Google et Facebook. La marge du e-commerçant est très faible et depuis sa création en 1994, le site a terminé autant de fois dans le rouge que dans le vert. En 2014, par exemple, il a encore perdu 240 millions de dollars. 

Plus de caillou dans la chaussure de Jeff Bezos

Pourquoi Amazon suscite donc autant d'enthousiasme auprès des investisseurs? Parce que peut-être pour la première fois en 20 ans, il n'y aucun nuage dans le ciel de l'américain. Si la croissance avait toujours été au rendez-vous, il y avait toujours un caillou dans la chaussure du géant (des pertes, des investissements hasardeux dans le mobile, un ralentissement de la croissance du e-commerce etc.). Rien de tel cette fois. 

A commencer par ses produits électroniques. Si en 2014, son Fire Phone avait été un bide monumental, cette année les ventes de ses tablettes, liseuses, boîtiers TV et autres appareils connectés ont cartonné. A l'occasion du Black Friday, le site a annoncé avoir multiplié par 6 ses ventes de tablettes et par 3 celles de boîtiers TV (Fire TV). En ce qui concerne la rentabilité, là aussi il y a du mieux pour Amazon. La société qui était gentiment moquée sur le thème "elle dépense beaucoup pour gagner peu" va gagner de l'argent en 2015. Car elle a enfin trouvé sa martingale: le cloud. Sa division Amazon Web Service, le leader mondial du secteur, a vu ses revenus bondir de 78% à 2,1 milliards de dollars au dernier trimestre. Une activité archi-rentable pour elle puisqu'elle a généré sur la période 521 millions de dollars de bénéfice (plus d'un quart du chiffre d'affaires). On peut donc dire que le cloud finance les pertes du site marchand. 

20 fois Carrefour en 2016?

Un site qui continue par ailleurs de croître fortement. En 2015, les ventes d'Amazon devraient atteindre les 107 milliards de dollars soit un bond de 20%. Comme les années précédentes certes mais avec la hausse du chiffre d'affaires, la croissance devrait se tasser (il est plus facile de croître de 20% quand on fait 50 milliards que lorsqu'on en fait 100). Mais pas pour Amazon qui est abonné aux 20% annuel. 

Bref en 2015, Amazon a su faire quelque chose que les investisseurs adorent: les rassurer. D'où la flambée du cours. Et ce n'est pas près de s'arrêter. L'analyste Paul Vogel de Barclays voit l'action monter à 850 dolalrs dans les prochains mois. Amazon atteindrait alors les 400 milliards de dollars. En "unités Carrefour" cela représenterait 20 fois. Irrationnel ou pas?

Frédéric Bianchi