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Après l'affaire LendingClub, la viabilité du secteur pointée du doigt

Le patron de Lending Club a dû démissionner.

Le patron de Lending Club a dû démissionner. - Don Emmert - AFP

"Le départ surprise du patron de la start-up de prêts en ligne est le reflet des difficultés du secteur."

Le départ inattendu du patron de LendingClub lève le voile sur les difficultés du secteur des prêts en ligne aux États-Unis. Le Français Renaud Laplanche, 46 ans, a été contraint lundi, pour des contrôles internes insuffisants, à quitter un groupe qu'il a fondé en 2007 et fait entrer en fanfare à Wall Street en décembre 2014. Le titre LendingClub a chuté, de sorte que la start-up ne valait plus qu'environ 1,6 milliard de dollars mardi en Bourse, contre près de 9 milliards lors de son baptême boursier. "S'il est clair que c'est une mauvaise nouvelle pour LendingClub, ça l'est aussi pour l'ensemble de l'industrie", analyse sur son blog Peter Renton du forum spécialisé Lend Academy.

Ces révélations ont relancé les doutes entourant les plateformes de prêts en ligne ayant fleuri après la crise de 2008 mais dont le modèle économique a été jusque là peu testé. Le retournement de la croissance et la volatilité des marchés ont changé la donne et conduit de nombreux experts à s'interroger sur la fiabilité des données fournies par l'industrie. LendingClub a par exemple annoncé lundi avoir vendu 22 millions de dollars de prêts à Jefferies mais sans respecter les conditions que celui-ci avait fixées. "Qu'ont-ils modifié d'autre?", interroge Peter Renton. "Il n'y a pas de doute que les sources de financement de LendingClub vont devenir plus prudentes", renchérit Henry Coffey chez Sterne Agee.

La SEC ouvre une enquête

Renaud Laplanche est également accusé de conflit d'intérêt parce qu'il n'aurait pas révélé au conseil d'administration un investissement personnel dans le fonds Cirrix Capital dont LendingClub a racheté cette année une part de 15% suivant sa recommandation.

La SEC, l'autorité des marchés financiers, a ouvert une enquête. Depuis le début de l'année, la confiance envers les plateformes de prêts électroniques s'est muée en méfiance. Redoutant une hausse des défaillances des consommateurs, les investisseurs ont diminué leur volume de financement de prêts, asséchant ainsi petit à petit le robinet du crédit auquel s'abreuve le secteur. OnDeck Capital, une start-up spécialisée dans les prêts en ligne aux PME, a ainsi accusé une perte nette plus importante que prévu au premier trimestre, après n'avoir réussi à placer que 26% de son portefeuille de prêts aux investisseurs, contre 40% à la même période en 2015. Début mai, Prosper, autre acteur important, a supprimé 28% de ses effectifs, une première, et fermé son bureau à Salt Lake City (Utah), en raison d'un "resserrement des marchés de capitaux", selon son directeur général Aaron Vermut.

Obtenir facilement un prêt

Quant à LendingClub, il a décidé récemment d'augmenter pour la troisième fois en moins de six mois les taux de rémunération des prêts pour allécher les investisseurs. Le danger qui guette ces plateformes est qu'elles se retrouvent à garder des crédits dans leurs comptes et de devoir en supporter les conséquences en cas d'impayés.

Ce marché de prêts - mettant en rapport à l'origine un emprunteur et un investisseur d'où leurs noms de prêts entre pairs (peer to peer) - doit son succès à la rupture de confiance entre les ménages américains, notamment les "Millennials" (18-32 ans), et les banques après la crise de 2008. Il permet d'obtenir facilement un prêt et offre des taux de rendement attractifs (jusqu'à 7%) pour les investisseurs et se rémunère en prélevant un taux sur la somme prêtée et une commission. Il devrait atteindre 90 milliards de dollars d'ici 2020 (hors crédits immobiliers), selon le département du Trésor. L'affaire Renaud Laplanche vient par ailleurs confirmer que les investisseurs professionnels sont devenus les principaux prêteurs.

Leur arrivée a entraîné la titrisation des prêts, un mécanisme rendant les produits complexes. Conséquence: "Les risques de malversations augmentent parce que les sommes en jeu sont devenues importantes et les enjeux élevés", déplore Brian Dally, le patron fondateur de GroundFloor. Pour rebâtir la confiance, nombreux sont ceux dans le milieu qui réclament la transparence, joignant leur voix au Trésor, qui vient de publier un Livre blanc sur la question. "L'industrie a besoin d'investir pour améliorer sa communication, ses revues et vérifications des actifs", suggère Ram Ahlmuwalia de PeerIQ.

D. L. avec AFP