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Après les séries, le patron de Netflix rêve de vendre de la drogue récréative

Des pilules pour remplacer les séries télé? La vision hallucinogène de Reed Hastings, le patron de Netflix.

Des pilules pour remplacer les séries télé? La vision hallucinogène de Reed Hastings, le patron de Netflix. - Robyn Beck - AFP

Le futur du divertissement passera-t-il par les substances chimiques récréatives? Aussi fou que cela puisse paraître, Reed Hastings en est persuadé et il a dit pourquoi lors d'une conférence aux États-Unis.

Connaissez-vous le "binge watching"? Il s'agit d'un comportement addictif qui consiste à passer des heures devant sa télévision pour dévorer une ou plusieurs saisons d'une série télévisée. Une pratique qui est née avec l'essor de services de type Netflix qui permettent d'accéder à l'ensemble des épisodes d'une série. Selon une étude de Deloitte, 70% des consommateurs américains avouent regarder plus de trois épisodes d’affilée. Une boulimie de programmes qu'on pourrait rapprocher de la consommation de drogue avec son euphorie (un bon épisode), son côté social et festif (le partage sur les réseaux sociaux) et son effet de manque (entre deux saisons). 

Et s'il y en a un qui prend l'analogie très au sérieux, c'est Reed Hastings. A l'occasion d'une conférence organisée par le Wall Street Journal, le patron de Netflix s'est laissé aller à imaginer le futur du divertissement. Et étonnamment selon lui, les programmes audiovisuels ne seront plus forcément au centre de la vie des gens à l'avenir. "A terme, les films et les séries seront comme l'opéra et les livres... Il y aura des substituts qui seront plus mainstream (NDLR. grand public)."

Que veut-il dire par là? Tout simplement qu'à l'instar de l'opéra et de la lecture, les contenus audiovisuels pourraient ne plus être consommés quotidiennement par le grand public. Pour Reed Hastings, les consommateurs pourraient à terme rechercher d'autres types de plaisir. 

"Des pilules pour se divertir"

Mais par quoi les films et séries aujourd'hui consommés en masse par les spectateurs (Netflix compte 87 millions d'abonnés dans le monde) seront-ils remplacés? Tout simplement par des substituts pharmaceutiques, assure le patron de Netflix. Ils prendront la forme de pilules qui permettront aux gens de se divertir, explique-t-il en substance. Des produits qui stimuleraient directement les zones du plaisir du cerveau remplaçant ainsi les contenus audiovisuels qui joue ce rôle chez les "binge watchers"...

Si la chimie du cerveau est une forme de divertissement vieille comme l'humanité (les champignons hallucinogènes étaient déjà consommés durant la préhistoire), les produits du futur seront plus sûrs et sans effet secondaire, estime Reed Hastings. Des drogues sans les conséquences sanitaires néfastes...

Un Elon Musk du divertissement

Et ce n'est pas la première fois qu'on imagine un avenir du divertissement sous une forme de solution pharmaceutique. En 2002, Sony envisageait notamment un concept sensiblement similaire pour le futur du jeu vidéo dans une publicité. 

Mais c'est en tout cas la première fois que cette hypothèse est prise avec sérieux par un grand ponte des médias. Reed Hastings n'a pas précisé si les ingénieurs de Netflix travaillaient sur le ou les produits chimiques susceptibles de répondre au cahier des charges de leur patron. Il y a fort à parier que non d'ailleurs. Néanmoins, le patron de Netflix qui a anticipé et provoqué la disparition des vidéoclubs avec son site de streaming entend montrer qu'il a déjà pensé au coup d'après. Tel un Elon Musk du divertissement, Reed Hastings veut montrer qu'il réfléchit à l'avenir de son business à très long terme.

Les colossales dépenses de Netflix

Et le projet qui peut paraître farfelu aujourd'hui le serait déjà moins sur le plan économique. Il permettrait de procurer du plaisir à moindre coût. Or pour tenter de maintenir son taux de croissance d'abonnés, Netflix s'est lancé dans une surenchère de dépenses. La stratégie du service de streaming consiste en effet à produire un très grand nombre de programmes originaux. Rien que pour l'année 2016, le service aura lancé au total quelque 31 séries, 10 films, 30 programmes pour enfants, 12 documentaires et 10 spectacles humoristiques. Sans compter les achats de programmes qu'il n'a pas produits.

Au total, le service devrait dépenser 6 milliards de dollars sur l'ensemble de l'année pour une estimation de chiffre d'affaires de 8,3 milliards. Netflix est devenu le deuxième plus gros acheteur de programmes au monde derrière la chaîne de sport américaine ESPN (7,3 milliards en 2016). Déjà endetté à hauteur de 40% de ses fonds propres, Netflix vient d'annoncer avoir accru sa dette de 800 millions de dollars. Une fuite en avant qui semble ne pas effrayer son président Reed Hastings. Peut-être, prend-il déjà des pilules? 

Un patron sans bureau, exigeant et qui n'aime pas l'opposition

Reed Hastings est un patron atypique. Il est né en 1960 sur la côte est à Boston. Sa famille appartient à la haute société américaine. Et jeune, il a hésité à rentrer dans les marines. Finalement, après avoir son premier diplôme universitaire, il part pour l’Afrique en tant que volontaires des Peace Corps, une organisation créée par le président Kennedy qui envoie des bénévoles partout dans le monde pour favoriser la paix et l'amitié. A son retour, il intègre Stanford et tombe amoureux de la Californie. Il y fait fortune en revendant une start-up et fonde Netflix en 1997.

On ne sait d’où il tire sa vision du management, mais elle est assez décapante. D’abord, il n’a pas de bureau. Il s’installe n’importe où avec son ordinateur portable. Il exige une dévotion sans limite de ses salariés qu’il paie très bien et qui ont le droit de prendre autant de vacances qu’ils veulent. Mais il licencie aussi très facilement et il n’aime pas qu’on s’oppose à lui. Avis donc aux salariés qui s’offusqueraient de voir Netflix devenir producteur de drogue.

Frédéric Bianchi
https://twitter.com/FredericBianchi Frédéric Bianchi Journaliste BFM Éco