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Areva-Le Creusot: des anomalies s'apparentent à des "falsifications"

Des anomalies ont été détectées dans les dossiers de fabrication de pièces nucléaires de l'usine Areva du Creusot (photo d'illustration)

Des anomalies ont été détectées dans les dossiers de fabrication de pièces nucléaires de l'usine Areva du Creusot (photo d'illustration) - Philippe Lopez - AFP

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Certaines des anomalies détectées dans les dossiers de fabrication de pièces nucléaires forgées à l'usine d'Areva au Creusot (Saône-et-Loire) s'apparentent à des "falsifications", a affirmé mardi le président de l'Autorité de sûreté nucléaire (ASN), plaidant pour une réforme des méthodes de contrôle du secteur. 

"Deux pratiques inacceptables"

"Il y a deux pratiques inacceptables dans ce dossier: il y a le fait de ne pas en parler à son client ou à l'autorité de sûreté concernée. Il y en a une autre (...), c'est qu'il y a un certain nombre de documents qui s'apparentent à des falsifications", a déclaré Pierre-Franck Chevet lors d'une audition devant l'Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques (Opecst). 

Un autre dirigeant de l'ASN a notamment évoqué le dossier d'un générateur de vapeur de l'EPR en construction à Flamanville (Manche), où une étape de forgeage a été présentée comme correctement accomplie alors que ce n'était pas le cas. 

"Incohérences, modifications, omissions"

"Les dossiers qui ont été remis à l'ASN jusqu'en juillet 2016 ne montraient aucun problème. (...) Il est marqué que le chutage (découpage d'une partie de la pièce forgée, ndlr) a été fait de 23% alors qu'en réalité il n'a été fait que de 10%", a expliqué Rémy Catteau, directeur des équipements sous pression nucléaires. 

Areva a décidé d'étendre à l'ensemble des 9.000 dossiers de fabrication du Creusot son audit lancé à la suite de la détection d'irrégularités dans le suivi des processus de fabrication de grandes pièces forgées équipant notamment des installations nucléaires d'EDF.

L'audit s'était jusqu'ici concentré sur environ 400 dossiers présentant des irrégularités consistant, selon l'ASN, en "des incohérences, des modifications ou des omissions". Ces écarts n'avaient pas été communiqués à l'ASN ni à EDF, qui exploite le parc nucléaire français.

D'autres anomalies à attendre

"Cette purge est nécessaire, elle n'est pas finie. Il y a encore un an à deux ans de travail pour aller vérifier les 10.000 dossiers. Et je l'annonce, mais c'est une forme d'évidence pour moi, on va trouver d'autres anomalies ou irrégularités", a indiqué Pierre-Franck Chevet.

L'audit a déjà permis de relever 87 irrégularités sur des réacteurs en fonctionnement, dont une concerne la virole basse d'un générateur de vapeur du réacteur 2 de Fessenheim (Haut-Rhin), arrêté depuis mi-juin. "Ce travail de relecture de tous les dossiers de fabrication prendra un an et l'expérience montre en général que ce travail aura des impacts sur les deux ans qui viennent, qu'il faut s'attendre à des découvertes du type de celles rencontrées sur le générateur de vapeur de Fessenheim 2", a confirmé Dominique Minière, directeur exécutif en charge du parc nucléaire et thermique d'EDF, lors de la même audition.

Les contrôles ont failli

Pour Pierre-Franck Chevet, ces défaillances doivent conduire à une réflexion sur l'ensemble de la chaîne de contrôle du secteur. "Ni les contrôles internes Areva sur le Creusot, EDF sur Areva, ni les nôtres n'ont vu ce qui s'apparente à des falsifications. Je ne suis pas sûr que nos systèmes soient capables, si on ne les change pas, de voir ce genre de dérives et de pratiques", a-t-il prévenu. "Il y a une réflexion en méthode à avoir pour voir comment on adapte les formes de notre contrôle à des situations où potentiellement - ce n'est pas systématique évidemment - il peut y avoir des fraudes", a-t-il ajouté.

Par ailleurs, un programme d'essais est en cours pour démontrer la résistance du couvercle et du fond de la cuve de l'EPR de Flamanville, fabriqués au Creusot, où un défaut dans la composition de l'acier a été décelé. Les résultats seront transmis fin novembre à l'ASN, qui devrait se prononcer à la fin du premier semestre 2017. Ce défaut a été décelé également sur 46 générateurs de vapeur équipant 18 réacteurs d'EDF, dont 12 sont actuellement arrêtés ou vont l'être prochainement pour des contrôles de sûreté. Le groupe s'est redit "confiant" de pouvoir les redémarrer en toute sûreté.

M.L. avec AFP