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Arthur perd son procès contre Patrick Cohen qui l'accusait d'évasion fiscale

L'animateur estimait son "honneur bafoué"

L'animateur estimait son "honneur bafoué" - Wikimedia commons cc Siren com

Le transfert des actifs d'Arthur au Luxembourg avait été qualifié d'"évasion fiscale" par Patrick Cohen. L'animateur de TF1 a attaqué le journaliste en diffamation, mais en vain.

Le transfert de la holding d'Arthur au Luxembourg peut être qualifié d'"évasion fiscale". Tel est le verdict rendu mardi 12 septembre par le tribunal de grande instance de Paris.

En 2015, l'animateur de TF1 avait porté plainte pour "diffamation" contre Patrick Cohen, qui avait utilisé le terme d'"évasion fiscale" dans une chronique sur France Inter, réclamant 20.000 euros de dommages, plus 5.000 euros de frais de procédure. Mardi, la justice l'a débouté et condamné à rembourser à Patrick Cohen ses frais de justice. 

"Une histoire d'évasion fiscale"

Le litige provenait d'informations parues le 6 février 2015 sur le site de BFM Business. L'article expliquait qu'Arthur détenait 10% dans la société Coyote, et avait gagné 8 millions d'euros dans la revente du fabricant d'avertisseurs de radars. Il ajoutait que l'animateur de TF1 paierait très peu d'impôts sur cette plus-value, car en 2012 il avait transféré cette participation dans Coyote de la France vers le Luxembourg, pays où cette plus-value n'est pas imposable. 

Trois jours plus tard, Patrick Cohen avait abordé l'affaire dans la matinale de France Inter: "Je vais vous raconter une histoire d'évasion fiscale. [...] Arthur, notre ami belge, enfin résident belge, l'animateur de TF1, qui avait investi il y a cinq ans 4 millions d'euros et qui va en récolter 12. 12 millions d'euros sans rien faire... Enfin, non, pas sans rien faire, car d'après BFM, il a oeuvré auprès de l'équipe Sarkozy, qu'il avait soutenu en 2007, pour empêcher justement l'interdiction des avertisseurs de radars. Bon, et ces 8 millions d’euros de plus-value, ça fait combien dans les caisses de l’État? Bah, ça fait zéro, puisque Arthur a logé sa holding au Luxembourg. Et ça fait zéro payé par Arthur, puisque les plus-values de ce genre ne sont pas imposées du tout. D'ailleurs, nous apprend BFM, le transfert de sa holding à Luxembourg a été signé le 27 avril 2012, entre les deux tours de la présidentielle. Apparemment Arthur ne croyait plus beaucoup à la victoire de Sarkozy..."

"Honneur bafoué"

Quelques heures plus tard, Arthur annonçait le dépôt d'une plainte en diffamation contre le journaliste de France Inter (mais pas contre BFM Business). "Patrick Cohen a tenu des propos gravement diffamatoires à l'encontre d’Arthur, l'accusant faussement d'évasion fiscale et de trafic d'influence ce qui constitue des délits. Utilisant sans aucun professionnalisme l'amalgame avec les informations [...] pour lesquelles Arthur n'est en rien concerné. Se présentant comme un parangon de vertu républicaine, M. Cohen n'a pas pris un instant le soin de vérifier ces informations ou tenté de contacter Arthur, ce qui est la base de la déontologie des journalistes. Arthur ne laissera plus son honneur bafoué et agira à l'encontre de tous ceux qui diffuseront de fausses informations", déclarait son avocat Olivier Pardo.

Cette plainte pour diffamation a entraîné la mise en examen automatique de Patrick Cohen et du PDG de Radio France Mathieu Gallet. Cette mise en examen sera soulignée par Arthur: "Certains m'ont accusé d'évadé fiscal, c'est je crois le journaliste de France Inter Patrick Cohen qui est mis en examen actuellement pour cela, car c'est de la diffamation", dira-t-il le 22 avril 2017 dans On n'est pas couché

Finalement, l'affaire a été plaidée le 4 juillet 2017, en présence de Patrick Cohen mais en l'absence d'Arthur. Son avocat Olivier Pardo a argué que Patrick Cohen avait dénaturé les informations de BFM Business, et qu'Arthur avait quitté la France car il y était victime d'antisémitisme. Pour sa part, le procureur a requis la relaxe de Patrick Cohen.

L'évasion fiscale n'est pas la fraude fiscale

Au final, les juges ont estimé que "le terme 'évasion fiscale', qui recouvre le simple fait d'échapper au paiement d'un impôt, ne saurait être assimilé au délit de fraude fiscale, délit qui suppose une soustraction frauduleuse à l'établissement ou au paiement de l'impôt". En outre, "le fait que des plus-values soient déclarées dans une société transférée au Luxembourg ne peut être assimilé au délit de fraude fiscale, n'étant pas établi que ce montage serait illicite ou frauduleux. Et il ne saurait non plus être considéré comme moralement condamnable de rechercher l'optimisation fiscale par un recours légal à des structures situées hors de France".

Le tribunal a aussi estimé que Patrick Cohen n'avait pas parlé de "trafic d'influence", mais uniquement de lobbying, activité légale et non condamnable moralement.

Enfin, les juges ont estimé que Patrick Cohen pouvait "suggérer in fine que le comportement d'Arthur n'est pas conforme aux valeurs de la République, une telle appréciation relevant du registre de l'appréciation subjective". 

Contacté, l'avocat d'Arthur Olivier Pardo dit réfléchir à un appel, mais être "relativement satisfait", car "le jugement dit qu'Arthur n'a rien fait de frauduleux, et qu'Arthur a pu se sentir légitimement heurté par ce qu'a dit Patrick Cohen". Toutefois, Me Pardo regrette que "l'évasion fiscale soit désormais assimilée à de l'optimisation fiscale, alors que la jurisprudence considérait jusqu'à présent l'évasion fiscale comme diffamatoire". 

Rappelons qu'Arthur était devenu début 2014 résident en Belgique notamment d'un point de vue fiscal, avant de revenir en France il y a un an et demi. Mais le siège de son groupe est resté au Luxembourg. 

Jamal Henni