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Orange: le plan de Bouygues pour contrer Bolloré

Vincent Bolloré souhaite apporter à Orange sa participation dans Telecom Italia

Vincent Bolloré souhaite apporter à Orange sa participation dans Telecom Italia - Denis Charlet AFP

Bouygues aurait réactivé les discussions avec Orange pour contrer les projets de Vincent Bolloré, qui rêve de devenir actionnaire de l'ex-France Télécom.

Qui, de Bouygues ou Bolloré, se mariera avec Orange? Deux schémas rivaux actuellement à l'étude reposent sur la même idée: apporter un actif à l'ex-France Télécom, être payé en actions Orange, et devenir un de ses principaux actionnaires.

Un premier schéma, révélé lundi soir par l'agence Bloomberg repose sur l'apport de Bouygues Telecom à l'opérateur historique (mais visiblement pas de TF1). C'est peu ou prou le même schéma qui a déjà été étudié au printemps 2014. En pratique, si l'on valorise Bouygues Telecom à 10 milliards d'euros (montant proposé en vain par SFR cet été), Bouygues se retrouverait avec environ 20% du capital d'Orange.

Dans l'autre schéma, Vivendi apporterait à Orange sa participation de 20% dans Telecom Italia. Ce schéma a été évoqué par plusieurs analystes financiers tels que Natixis, et serait bel et bien envisagé par Vincent Bolloré, selon des sources nternes. En pratique, les 20% de Telecom Italia valant aujourd'hui 3,4 milliards d'euros, Vivendi hériterait ainsi d'environ 8% du capital d'Orange.

De l'influence de la Présidentielle

Ces deux schémas sont totalement incompatibles. Des sources industrielles affirment même que le schéma Bouygues a été réactivé récemment par le groupe de BTP pour présenter une alternative au schéma Bolloré. Toutefois, "les discussions en sont à un stade très embryonnaire, et on est très loin d'une offre formelle", ajoute-t-on.

Chaque schéma nécessite l'accord de l'État, principal actionnaire d'Orange avec 23% du capital. C'est d'ailleurs le refus du ministre de l'Économie de l'époque Arnaud Montebourg qui a fait capoter le schéma Bouygues au printemps 2014. Dès lors, le résultat de la prochaine élection présidentielle pourrait avoir une influence sur le schéma retenu. En particulier, on peut penser que Vincent Bolloré cherchera à utiliser sa proximité avec Nicolas Sarkozy pour pousser ses pions. 

Chacun des deux schémas présente des avantages et des inconvénients. Le schéma Bolloré permettrait à Vivendi de remettre la main sur un opérateur télécoms après la vente de SFR, pour faire jouer la convergence avec Canal Plus. Il permettrait à Orange de mettre un pied dans Telecom Italia, ambition affichée de longue date par son PDG Stéphane Richard.

La seule solution sur la table

En face, le schéma Bouygues offrirait au groupe de BTP (qui s'est bien gardé de démentir toute discussion avec Orange) une solution plus honorable qu'une vente de son opérateur télécoms contre un gros chèque. "Cela représenterait pour Bouygues une opportunité idéale de sortie", soulignent les analystes d'Exane.

Surtout, ce schéma permettrait de réduire de quatre à trois le nombre d'opérateurs, ce qui mettrait fin à la guerre des prix, et restaurerait les marges. C'est ce que cherchent à faire les quatre opérateurs depuis l'an dernier en tentant toutes les combinaisons. 

Reste que les combinaisons possibles se réduisent avec le temps. En effet, Free déploie au fur et à mesure son propre réseau, et a donc chaque jour moins besoin de récupérer les antennes d'un concurrent. De son côté, Altice (propriétaire de SFR et de 49% de ce site web) a annoncé cet été qu'il suspendait toute acquisition pour deux ans. "Les chances de voir SFR mener la consolidation en France sont désormais évanouies", relève Exane.

Conclusion: un rapprochement entre Orange et Bouygues reste donc la seule option sur la table pour consolider le marché. "Ce scénario est idéal pour Bouygues, le gouvernement, voire pour Orange, et donc semble crédible", estiment les analystes d'Oddo. Au final, vu d'Orange, le schéma Bouygues paraît bien plus attractif que le schéma Bolloré. 

Un gros obstacle à surmonter

Mais le schéma Bouygues devra surmonter un gros obstacle: être approuvé par le gendarme de la concurrence. Ce n'est pas évident, car l'ensemble Orange & Bouygues Telecom détiendrait plus de la moitié du marché. Toutefois, la même question s'était posée l'an dernier, et avait paru surmontable en découpant Bouygues Telecom en multiples morceaux: Free aurait récupéré le réseau, et SFR les clients entreprises. La même solution est envisagée aujourd'hui. Selon Le Monde, Orange aurait même d'ores et déjà contacté Free et SFR pour discuter d'un dépeçage de Bouygues Telecom.

Interrogés, Vivendi a répondu "ne pas commenter les spéculations", tandis qu'Orange déclarait: "Il n'y a pas de négociations avec Bouygues, pas de schéma établi, pas d'annonce en 2016, ni même un quelconque calendrier". Quant à Telecom Italia, "Orange affirme qu'il n'y a aucun début de discussion, aucun projet de rapprochement, ni directement ou indirectement". De son côté, Bouygues renvoie à son communiqué de mardi matin: "Bouygues indique qu'il n'a aucun projet de sortie des secteurs des télécoms et de la télévision, et réaffirme son ancrage durable dans ces deux industries".

Jamal Henni