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"C'est la course avec Toyota qui a fait griller le feu à Volkswagen"

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Au coude à coude avec le japonais pour la place de numéro 1 mondial, Volkswagen a voulu accélérer aux Etats-Unis où il ne détient que 3% de part de marché. Quitte à prendre tous les risques.

Une colossale amende aux Etats-Unis, une enquête pénale ouverte, des class-actions en préparation, le régulateur européen qui demande des explications, la Corée qui a ouvert une enquête… La tempête n’en finit plus de gronder autour de Volkswagen. Le cours de l’action après une chute de 17% ce lundi 21 septembre, décrochait aujourd’hui encore de près de 20%. L’action du géant allemand qui frôlait les 250 euros à la mi-mars n’est plus qu’à 109 euros aujourd’hui.

Comment le constructeur de Wolfsburg, symbole de la toute-puissance industrielle allemande, dont le chiffre d’affaires a dépassé les 200 milliards d’euros en 2014 pour un bénéfice de 10,8 milliards (+20%) a-t-il pu se livrer à une telle supercherie? Pour les spécialistes du secteur, c’est la bataille pour la couronne mondiale qui en serait la cause. "C’est cette course avec Toyota qui leur a fait griller ce feu rouge, analyse Meissa Tall, spécialiste des marchés automobiles au cabinet Kurt Salmon. Ils sont au coude au coude depuis des années et Volkswagen a voulu prendre l’avantage en s’imposant aux Etats-Unis. Mais ce marché est très exigeant pour les émissions et Volkswagen n’était pas prêt."

"Le bad buzz est très exagéré"

Le constructeur allemand venait d’atteindre son objectif. Il était passé premier fabricant mondial au premier semestre 2015 avec 5,04 millions de véhicules produits. Soit 20.000 de plus que son rival Toyota. Or avec le ralentissement chinois, c’est aux Etats-Unis que l’allemand disposait des plus grandes marges de manœuvres. Avec 3,2% de part de marché, Volkswagen n’est qu’un acteur mineur sur ce marché (contre 12,4% en Europe). D’où cette volonté d’accélérer sur ce qui est le plus grand marché du monde en valeur. 

Maintenant quelles peuvent-être les conséquences pour le groupe allemand ? La première sera financière. Les médias américains relaient la somme de 18 milliards de dollars d’amende sans compter le coût des rappels et des class-actions éventuelles. "Le groupe va accuser le coût certes mais ce n’est pas fatal pour un groupe de cette taille, analyse Meissa Tall. Ils vont moins distribuer de dividendes et au final ce sont les actionnaires qui paieront." D’autant que cette somme de 18 milliards est peut-être très exagérée. "Volkswagen vient d’annoncer avoir provisionné 6,5 milliards d’euros et je ne pense pas qu’ils sortent ce chiffre du chapeau, explique Pierre Bergeron spécialiste automobile à la Société Générale. Selon moi, cette enveloppe est calculée sur une première estimation de l’amende à laquelle s’ajoute les coûts de rappel des véhicules et les compensations pour les victimes."

En ce qui concerne les conséquences commerciales, là non plus les spécialistes du secteur ne sont pas très inquiets. "L’Amérique du nord représente 9% des ventes du groupe, soit 900.000 unités dont environ 20% en diesel soit 180.000 unités. Comparé aux 10 millions de véhicules qu’ils vendent dans le monde c’est relativement faible, estime Pierre Bergeron. Il y aura probablement un impact négatifs sur les ventes sur les marchés européens et chinois mais il devrait être limité. Le scandale des airbags de General Motors était plus grave en ayant directement causé la mort de 124 personnes à ce jour. Et ça n’a pas empêché le groupe américain d’augmenter ses ventes aux USA en 2015. Bref ce bad buzz est selon moi démesuré."

Les conséquences seront peut-être d’avantage psychologiques que commerciales. "Le monde est très sensible sur a responsabilité des grandes entreprises depuis la crise des subprimes, ça va accentuer la crise de confiance des consommateurs c’est sûr", selon Meissa Tall. Et tous les constructeurs devraient être éclaboussés. Il ne devrait pas y avoir de "grand gagnant" sur le long-terme. "Les Japonais et les Américains vont probablement gagner des parts de marche vis-a-vis de Volkswagen aux Etats-Unis, et en Europe PSA va, entre autres, tenter de faire de même mais avec des conséquences limitées pour Volkswagen", estime Pierre Bergeron. Bref Das Auto n'a qu'à faire le dos rond dans la tempête.

La capitalisation a fondu de 68 milliards d'euros en 6 mois!

Große Katastrophe! Après une chute de 17% de son cours de bourse lundi, Volkswagen était à nouveau en repli ce mardi 22 septembre de près de 19,8% à la clôture. Depuis son plus haut en mars dernier (247 euros), la capitalisation du géant allemand a fondu de près 70 milliards d'euros. Les actionnaires les plus impactés? Le groupe Porsche qui détient 32,2% de Volkswagen qui a "perdu" près de 22 milliards sur la période. Le second grand perdant est Qatar Holding qui détient 16,4% du groupe et qui a vu son capital fondre de 11,5 milliards depuis mars. Suivent l'Etat fédéral de Basse Saxe (12,7% de VW)  et un groupe d'investisseurs institutionnels étrangers (25%). 

Frédéric Bianchi