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Canal Plus s'oppose à la mort de la TNT payante

Le président du CSA Olivier Schrameck et le président de Canal+ Bertrand Meheut

Le président du CSA Olivier Schrameck et le président de Canal+ Bertrand Meheut - -

La diffusion de chaînes payantes en hertzien est déjà moribonde. Mais les dernières chaînes utilisant ce mode de diffusion veulent abandonner ou passer en gratuit. Une mort annoncée qui ne fait pas les affaires de Canal Plus.

"Si des chaînes quittent la TNT payante, alors la TNT payante sera condamnée à l'arrêt à court terme. Et c'est une très mauvaise solution". Rodolphe Belmer, directeur général de Canal Plus, a effectué un long plaidoyer en faveur de la TNT payante mardi 3 juin, lors de son audition par le CSA (Conseil supérieur de l'audiovisuel).

Aujourd'hui, huit chaînes payantes sont encore diffusées par voie hertzienne. Mais deux veulent jeter l'éponge: TF6 et Eurosport. Et trois veulent migrer en gratuit: LCI, Paris Première et Planète+.

Si le CSA accepte toutes ces demandes, alors seules subisteront Canal+ et ses deux déclinaisons Canal+ Cinéma et Canal+ Sport.

400.000 abonnés

La chaîne cryptée s'est donc livrée à un vibrant plaidoyer en faveur de ce mode de diffusion. "La TNT payante donne au consommateur accès à un bouquet thématique à un prix abordable", a plaidé son président Bertrand Meheut.

Ce mini-pack de 5 chaînes, vendu 12 euros par mois, compte 400.000 abonnés et rapporte 50 millions d'euros de chiffre d'affaires par an, dans une "économie équilibrée", a ajouté Rodolphe Belmer. Toutefois, un graphique présenté à l'appui a montré que 100.000 abonnés ont été perdus en deux ans...

Le pouvoir de dire 'non'

Selon les dirigeants de la chaîne cryptée, l'avenir de la TNT payante est donc dans les mains du CSA. Le gendarme de l'audiovisuel autorisera (ou pas) le passage en gratuit de LCI, Paris Première et Planète+. Mais "il faudra aussi l'autorisation du CSA pour l'arrêt de TF6 et Eurosport", a souligné Bertrand Meheut.

Ce qui est formellement exact. En effet, lorsqu'une chaîne veut abandonner sa diffusion TNT, elle doit demander la permission au CSA, qui n'est pas obligé de dire 'oui', mais dispose d'une marge d'appréciation, et peut même refuser -du moins en théorie.

Le CSA a toujours dit 'oui'

Certes, jusqu'à présent, le CSA a toujours dit 'oui' quand une chaîne a voulu abandonner la TNT payante -il y a eu trois précédents: AB1, Canal J et CFoot.

Mais, en 2011, le Conseil d'Etat a jugé que le CSA pouvait tout à fait dire non. Les juges du Palais Royal se sont penchés sur cette question car le feu vert accordé à Canal J était contesté par TV Numeric, un distributeur de TNT payante. "Le CSA ne s'est pas cru tenu de faire droit à la demande de Canal J", ont estimé les juges du Palais Royal.

Pour le rapporteur public Sophie-Justine Lieber, "l’attribution de l’autorisation d’exploiter une fréquence, qui est un bien public rare, a lieu après appel à candidatures, et comporte à la fois des droits mais également des obligations, au nombre desquelles celle d’exploiter le service sur la durée de l’autorisation, conformément aux engagements pris. Il paraît donc logique qu’une décision d’abrogation repose sur un bilan entre différents éléments, et ne soit pas automatiquement accordée sur demande de son titulaire".

Diffusion déficitaire

Concrètement, le CSA doit donc mettre en balance avantages et inconvénients, c'est-à-dire l'intérêt de la chaîne et l'intérêt général, notamment les téléspectateurs.

Dans le cas de Canal J, la chaîne avait argué que sa diffusion en TNT payante était lourdement déficitaire: elle lui coûtait 3 millions d'euros par an, mais ne rapportait qu'un million d'euros de recettes publicitaires.

"Le CSA a estimé qu'aucun motif d'intérêt général légitime et suffisant ne lui permettait de contraindre Canal J à poursuivre l'exploitation de son service sur la TNT payante dans des conditions déficitaires, a jugé le Conseil d'Etat. Le CSA a pu estimer sans erreur d'appréciation que, compte tenu des charges induites par la diffusion de Canal J sur la TNT payante, de l'absence de perspective d'équilibre de cette exploitation, de ses conséquences à terme sur sa viabilité financière, aucun motif d'intérêt général ne justifiait de s'opposer à la demande de Canal J".

Comment justifier l'abandon d'Eurosport?

Le rapporteur public Sophie-Justine Lieber avait précisé qu'une chaîne ne peut se retirer de la TNT payante uniquement parce que sa stratégie a changé: "ce renoncement prive le public d’un programme qui a été initialement autorisé compte tenu de sa contribution à la diversité et au pluralisme, et ne peut donc répondre à un souhait purement tactique de la chaîne, ou à un changement de stratégie après renouvellement d’une équipe de direction. Ce voeu de renoncer doit reposer sur des justifications solides".

En pratique, TF6, déficitaire, devrait voir sa demande acceptée sans problème par le CSA. Mais la question se pose pour Eurosport, rentable et appréciée d'un large public. "Eurosport est la principale motivation d'abonnement à la TNT payante", a souligné mardi Rodolphe Belmer.

A noter que le Conseil d'Etat a aussi estimé que la diffusion TNT pouvait s'arrêter "à la condition de ne pas porter atteinte aux droits des tiers". Toutefois, les juges du Palais Royal ont eu une lecture très restreinte de ces "tiers" impactés, et ont considéré que même un distributeur TNT n'était pas impacté.

Jamal Henni