Ce barrage va permettre à l'Éthiopie de doubler sa capacité énergétique

Haut de 24 mètres le barrage "Gibe 3" est le plus important d'une série de barrages hydroélectriques que construit l'Éthiopie le long de l'Omo, une rivière qui s'écoule du nord vers le sud du pays.

"Gibe 3" est le barrage le plus haut d'Afrique. Cette centrale hydroélectrique, inaugurée samedi 17 décembre, doit permettre à l'Éthiopie de presque doubler sa capacité énergétique. Cependant, selon ses détracteurs, cette installation menace le mode de vie des populations locales ainsi qu'un lac kényan classé au patrimoine mondial de l'Humanité. 

Lors d'un discours prononcé sur le site du barrage, située à environ 350 kilomètres au sud-ouest de la capitale Addis Abeba, Hailemariam Desalegn, le Premier ministre éthiopien s'est réjoui de la mise en service de l'installation. "Cette centrale hydroélectrique, au même titre que d'autres projets en cours, répond à notre besoin en électricité et va également fournir des marchés étrangers" a-t-il déclaré. 

D'une hauteur impressionnante (24 mètres), ce barrage baptisé Gibe 3 doit atteindre une capacité de 1.870 mégawatts (MW). Ce qui en ferait la troisième installation la plus puissance d'Afrique et porterait la capacité énergétique de l'Éthiopie à 4.200 MW. Selon Fana, la radio d'État, la production électrique de ce barrage permettra de compenser la baisse de production d'autres barrages en raison d'une sécheresse particulièrement dure cette année. 

Un investissement d'1,5 milliard d'euros 

La construction de l'installation, débutée il y a neuf ans a connu de nombreux retards, faisant grimper la note finance de ce chantier. Le barrage Gibe 3 a coûté 1,5 milliard d'euros, financés à 40% par l'État et à 60% par un prêt de la banque chinoise China Exim Bank. N'exploitant ni gaz, ni pétrole, l'Ethiopie - un des pays les plus pauvres au monde - mise sur son important potentiel en énergies renouvelables pour alimenter son rapide développement économique. Le pays souhaite devenir auto-suffisant en électricité mais vise aussi l'exportation vers les pays voisins.

L'Éthiopie ambitionne ainsi d'élever sa capacité hydroélectrique à 40.000 MW d'ici à 2035, principalement grâce aux eaux du Nil. Le barrage de la "Grande Renaissance", un autre projet controversé en construction sur le Nil bleu, doit atteindre une capacité annoncée de 6.000 mégawatts. Soit l'équivalent de six réacteurs nucléaires.

Le pays, où un état d'urgence est en vigueur depuis octobre en réponse à des protestations antigouvernementales sans précédent, affichait la plus forte croissance économique au monde en 2015 (10,2%), mais celle-ci pourrait chuter sévèrement en 2016 en raison d'une forte sécheresse, selon le Fonds monétaire international.

La population s'inquiète de la mise en service de ce barrage 

Les détracteurs de Gibe 3, qui a commencé à produire de l'électricité en 2015, craignent qu'il ne bouleverse la vie de centaines de milliers de personnes vivant en aval jusqu'au lac Turkana, au Kenya voisin, faisant notamment baisser le niveau de ce réservoir qui tire 80% de ses ressources du fleuve, selon les écologistes kényans.

La partie méridionale de vallée de l'Omo et le Turkana, plus grand lac désertique au monde, sont tous deux classés au patrimoine mondial de l'Humanité. En 2011, le comité du patrimoine mondial de l'Unesco, l'agence des Nations unies pour la culture et l'éducation, avait appelé l'Éthiopie "à arrêter immédiatement tous travaux de construction" de Gibe 3.

"Certaines personnes qui pensent se soucier de l'environnement ont rabaissé ce projet au lieu d'être raisonnables", a soutenu lors de l'inauguration le Premier ministre éthiopien. "Ce projet a du, dès son début surmonter des obstacles, comme des questions financières et environnementales. Cependant, son succès est une fierté nationale", a souligné Hailemariam Desalegn. 

Réguler le cours de l'Omo

Selon les promoteurs du barrage, ce dernier permettra au contraire de réguler le cours de l'Omo qui s'étend au total sur 700 km. Ils assurent que les populations en aval bénéficieront d'un débit régulier douze mois par an. Et pour leur permettre de continuer à pratiquer une agriculture traditionnelle, utilisant le limon abandonné par les décrues du fleuve, des inondations artificielles seront pratiquées, soutiennent-ils.

Les autorités démentent par ailleurs que le barrage servira uniquement à irriguer les énormes plantations de canne à sucre et de coton détenues à proximité du site par des capitaux étrangers. En 2014, l'ONG Human Rights Watch avait accusé le gouvernement de déplacer des centaines de milliers de personnes dans la vallée de l'Omo pour libérer des terres pour installer des plantations d'État de canne à sucre.

A.M. avec AFP