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Ce procès perdu dont la CGT d’Air France se garde bien de parler

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- - Thomas Coex - AFP

En 2010, la parution du livre du journaliste Fabrice Amedeo évoquant des méthodes "atypiques" du CCE d’Air France, avait conduit la CGT du groupe à déposer une plainte pour diffamation. Peine perdue. La Cour de cassation a donné tort au syndicat.

En parallèle du procès de la chemise déchirée, la CGT Air France et José Rocamora, à l'époque secrétaire général, ont subi en janvier dernier un revers judicaire dont ils se sont bien abstenus de faire la publicité. L’affaire porte sur le livre du journaliste Fabrice Amedeo intitulé "La face cachée d’Air France" paru en 2010 chez Flammarion.

A l'époque, les plaignants s’estimant diffamés, attaquent l’auteur et son éditeur en saisissant le Tribunal de Grande Instance de Paris. Selon le communiqué de la CGT de juillet 2010, le syndicat et son secrétaire général considéraient que les faits rapportés dans l’ouvrage étaient des "imputations mensongères" ayant "causé un très grave préjudice" dans la mesure où ils les accusaient de "malversation" dans la gestion du CCE (comité central d’entreprise).

Après le procès et un appel en 2014, ils ont été déboutés en janvier dernier par la Cour de cassation qui a estimé que l’auteur n’a diffamé ni l’organisation syndicale, ni même son secrétaire général.

La CGT Air France et José Rocamora s’étaient insurgés contre une dizaine de passages du livre dans lesquels le CCE était taxé de "népotisme" et qui pointaient la gestion de ses finances. Sur ce dernier point, Fabrice Amedeo rappelait que ces faits étaient étayés par un audit financier [mené par le cabinet Secafi Alfa, NDLR] en 1999 qui a conduit à un dépôt de plainte contre X en 2010 pour "malversation et abus de biens social".

Pour la justice, et "contrairement à ce que soutient le syndicat CGT d’Air France, l'auteur du livre a seulement mis l’accent sur "le caractère 'atypique' du fonctionnement du CCE sans même insinuer que ce financement aurait pu susciter de quelconques malversations ou pratiques illicites".

Quant au passage portant sur des "dépenses somptueuses, un accroissement des frais de fonctionnement, une mauvaise gestion", la Cour de cassation considère que "même si la CGT est précisément visée dans ce passage, l’auteur du livre qui se limite à rapporter les constatations figurant dans le rapport d’audit et donc à faire état des difficultés financières en ressortant, n’impute ni au syndicat ni aux dirigeants du CCE alors 'géré par la CGT' des actes contraires à l’honneur et la considération puisqu’il est bien précisé qu’aucune irrégularité dans la gestion n’a été relevée".

Au final, l'ensemble des passages incriminés par le syndicat et son secrétaire général ont été balayés un à un par le tribunal qui les a "débouté" de toute demande.

Passages du livre

Page 224: "ses dirigeants 'contraints de gérer la boutique comme on éteindrait un incendie' se demandent s’ils parviendront à payer les colonies de vacances des enfants des salariés l’été suivant".

"Pis, ses élus se déchirent et saisissent n’importe quelle occasion pour jeter l’opprobre sur ceux qui sont censés être les coupables. Ce n’est pas une lutte politique ou syndicale qui se joue, mais bien un règlement de comptes sous-tendu par une haine viscérale entre les différents acteurs. Un audit des comptes est publié tandis que les dirigeants sont la cible d’un lynchage médiatique. Les plaintes sont déposées et la brigade financière est saisie de l’affaire. Mais une question majeure se pose': comment en est-on arrivé là".

Page 225: "En 1999,un audit est réalisé par l’entreprise Secafi Alfa au moment du changement de majorité à la tête du comité d’entreprise et la prise de pouvoir de la CGT à la place de Force Ouvrière (FO) et de son secrétaire général S T".

Page 226: "Une plainte est parallèlement déposée en février 2000 contre X par la nouvelle équipe pour malversation et abus de bien social sur la base des conclusions du rapport de Secafi Alfa".

Passage du livre

Page 226: "Jusqu’ici, l’entreprise et l’institution avaient trouvé un modus vivendi. Celui-ci permettait au CCE de faire partir chaque année des milliers d’enfants et de familles en vacances, ainsi qu’à 1000 salariés de bénéficier d’un train de vie de ministère: des salaires de patrons, galas, réceptions fastueuses. Quand les caisses étaient vides, la compagnie 'mettait un peu du huile dans les rouages', selon l’expression consacrée. Un moyen pour la direction d’acheter le calme et de mener ces réformes sans trop de remue-ménage. 'Pourquoi la privatisation de la compagnie est-elle passée comme une lettre à la poste', questionne le porte-parole d’un syndicat de pilotes. 'Et bien, tout simplement parce que les syndicats ont été arrosés et la paix sociale payée à prix d’or' [...]".