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CES de Las Vegas: "On a entendu parler français de partout!"

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Une entrepreneure et un patron de fonds d'investissement nous expliquent comment ils ont perçu ce CES 2018, événement auquel ils n'avaient jamais assisté, entre effets "wow", fierté française et quelques déceptions.

En 2017, Chrystèle Gimaret a gagné un beau cadeau. Cette cheffe d'entreprise qui a créé en 2005 Artupox, une société de nettoyage de bureau et événementiel écologique unique en son genre, a en effet remporté le concours de pitch organisé par le fonds d'investissement Apicap spécialisé dans les PME et l'immobilier. Et le premier prix était un voyage à Las Vegas pour découvrir le CES, le plus grand salon high-tech du monde. Accompagné d'Alain Esnault, le directeur général du fonds, elle a donc découvert cet événement très "tech". Les deux dirigeants nous livrent leurs impressions:

Crystèle Gimaret, Artupox: "En rentrant, je vais mettre mes enfants à l'apprentissage du code!"

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"Le premier choc en arrivant ici, c'est évidemment la taille, la démesure américaine. Même la Foire de Paris est minuscule à côté du CES. Il y a des halls d'exposition de partout dans la ville, dans les casinos, les hôtels... Las Vegas devient un salon géant.

La deuxième chose qui m'a impressionnée, c'est le nombre de Français. Partout nous entendons parler français et il y a de quoi être fier c'est vrai. Cela montre que notre pays se porte bien et ça fait plaisir. C'est d'ailleurs le produit d'une start-up française que j'ai le plus apprécié. Il s'agit d'une poubelle intelligente qui s'appelle R3D3 capable de détecter ce qu'on y jette pour faire automatiquement le tri sélectif. J'ai même pris rendez-vous pour aller visiter l'usine de la start-up Green Creative qui l'a conçue.

Fierté française donc mais aussi quelques limites. On sent qu'il y a beaucoup d'idées mais tout n'est pas abouti notamment en ce qui concerne les modèles économiques. Prenons le cas de la poubelle intelligente par exemple: elle ne contient que des compartiments de 40 litres (votre poubelle de bureau en fait 30), ce qui est trop peu pour mettre dans une entreprise, même si c'est vrai que la machine compacte les canettes, les gobelets et bouteilles en plastique ce qui multiplie par 10 la contenance du bac. Il en faut plusieurs mais elle coûte 169 euros par mois et il faut s'engager sur trois ans, ce qui est trop long pour un contrat. Bref il y a plein de chose à revoir dans le modèle. Mais ça peut faire son petit effet dans un hall d'accueil.

Concernant les autres innovations: j'ai été impressionnée par la machine à plier le linge comme tout le monde mais il faudrait qu'elle repasse pour que ça justifie l'achat. J'ai vu beaucoup de choses impressionnantes aussi chez les grands fabricants comme LG qui présentait un mur d'écran vraiment bluffant ou Sony avec son robot chien et plein d'objets connectés. Mais dans l'ensemble on a quand même l'impression qu'on cherche à créer des besoins là où il n'y en a pas. A-t-on vraiment besoin d'un robot chien? Et de manière générale, on se dit, à la vue de de nombreux stands: "oui c'est bien mais j'ai déjà vu". Je pensais qu'on verrait des écrans qu'on plie pour mettre dans sa poche, on n'en est pas encore là.

De manière plus générale, on sent que c'est dans la mobilité que des choses se passent avec beaucoup de véhicules autonomes, des villes intelligentes et connectées. Le futur va arriver vite et il va bouleverser énormément de choses on le sent. Avec la voiture autonome et partagé, les places de parking ne vaudront peut-être plus rien dans quelques années par exemple. 

Bref, au final, ce que je retiens de ce salon, c'est qu'il faut que je mette mes enfants à l'apprentissage du code."

Alain Esnault, Apicap: "Et ils sont où les Gafa?"

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"Le CES est un événement absolument grandiose et mondial. On y rencontre des gens de tous les pays et les régions du monde, à l'exception notable des Africains, c'est dommage parce qu'il se passe des choses là-bas dans le monde des start-up. 

J'ai évidemment été impressionné par la présence de la France. Ca parle français de partout! On sent qu'il y a une vraie utilité de la French Tech car ça donne une dynamique remarquable avec plein de start-up et des grands groupes comme Somfy, Legrand, La Poste... Au niveau macro-économique, on sent une dynamique. En revanche, au niveau micro, je ne suis pas sûr de toujours comprendre l'intérêt des start-up présentes. Est-ce pour trouver des capitaux? Pour conclure des partenariats? Pour la médiatisation à l'international? Ou seulement en France? Ou est-ce un enjeu de communication en interne? Bref, comme c'est un gros budget pour une société de venir y exposer (j'ai entendu dire que c'était 30.000 euros minimum), on peut se poser la question parce que tous les projets ne sont pas toujours aboutis. Les Français devraient peut-être plus travailler avec les Américains qui ont un sens du spectacle, un dynamisme et un optimisme qui impressionnent toujours.

Au niveau des innovations, on a vu des trucs marrants comme un robot ramasseur de balle de tennis, la machine à plier le linge, mais on sent bien que ce n'est pas cela qui va changer la face du monde. Tout comme les écrans que l'on voit partout, c'est plus beau mais ça reste de l'amélioration. 

Ce qui m'a étonné le plus c'est tout ce qui se prépare déjà pour la mobilité du futur où l'on sent qu'il va y avoir de grandes innovations de rupture et très vite. Je ne savais pas qu'il y avait déjà plein de capteurs dans nos villes et que l'enjeu maintenant est de traiter toutes ces données. Sur ce plan, je pense que la France a une carte à jouer avec son pôle de compétence en Rhône-Alpes.

Le produit qui m'a le plus impressionné est l'ordinateur quantique d'IBM. On sent qu'on a là un appareil en complète rupture avec ce qu'on fait aujourd'hui avec nos processeurs en silicium.

Enfin je terminerai pas deux points. L'intelligence artificielle est partout sur le salon et a tendance à devenir un gimmick marketing. Quand Samsung nous dit qu'il utilise l'intelligence artificielle pour améliorer la qualité d'image, ils ont en fait améliorer leurs algorithmes de traitement.

Ensuite, je constate l'absence des Gafa. Google est très présent mais en communication et en affichage. Les autres sont pour ainsi dire absents. Et c'est paradoxal car on sent bien que c'est d'eux aujourd'hui que vient l'innovation de rupture et plus forcément des grands groupes industriels de hardware comme Samsung ou Sony".

Frederic Bianchi