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Ces entreprises qui créent la polémique et finissent par en profiter

Une des affiches de la campagne de Cdiscount pour les soldes 2018.

Une des affiches de la campagne de Cdiscount pour les soldes 2018. - NG

"Qu'on parle de moi en bien ou en mal, peu importe. L'essentiel, c'est qu'on parle de moi!" disait un célèbre animateur de télé du siècle dernier. Espérant améliorer leur notoriété ou leurs ventes, certaines marques n'hésitent aujourd'hui plus à faire dans la provoc.

L'année 2017 au cours de laquelle 23% des bad buzz étaient liés au sexisme s'achevait à peine que Cdiscount placardait partout cette affiche: un profil de femme dans le cerveau de laquelle on lit: "l'astronomie, c'est pas trop mon truc. Mais l'anatomie de mon voisin, oui". Une pub pour vendre un télescope soldé. L'affiche fait jaser, Cdiscount dit ne pas comprendre la polémique.

Le monde de la pub aurait-il fait sienne la devise de Léon Zitrone "qu'on parle de moi en bien ou en mal, peu importe. L'essentiel, c'est qu'on parle de moi!"? "Bien maîtrisée, la polémique paie", reconnaît Nicolas Vanderbiest, bloggeur pour ReputatioLab, et animateur d'une conférence Visibrain sur le Bad Buzz début 2018. Voici trois cas où l'indignation du public a finalement profité aux marques qui en étaient à l'origine.

> Le "fatshaming" de Protein World

En 2015, le spécialiste britannique des compléments alimentaires à base de protéines affiche partout dans le métro londonien le corps très (trop?) mince d'une jeune femme en maillot, frappé de la légende "are you beach body ready?" (votre corps est-il prêt pour la plage?). Tempête sur les réseaux sociaux: les photos d'affiches détournées, agrémentées de messages insultants et parodiques se multiplient.

Une pétition pour le retrait des visuels recueille plus de 60.000 signatures et l'autorité de la régulation publicitaire britannique reçoit des centaines de plaintes. En réponse, le patron de Protein World, bien loin de s'excuser, qualifie les féministes de "terroristes". Elle surfe sur le buzz en répondant directement aux critiques sur les réseaux sociaux. Avec à la clé, plusieurs milliers de followers gagnés, et surtout, selon le dirigeant, 30.000 nouveaux clients.

> La blague de Carambar sur la fin des blagues

Fin mars 2013, le groupe annonce arrêter les blagues sur les emballages de ses bonbons. Le nom de la marque est mentionné plus de 14.000 fois sur Twitter en 24 heures, les salariés du groupe lancent une pétition, le maire de la ville berceau des bonbons au caramel s'insurge. "Poisson d'avril en avance!", coupe court Carambar quelques jours plus tard.

À l'heure du bilan, le groupe n'en retire que du positif: elle s'émerveille que des millions d'internautes lui ait chanté leur amour, et de nombreux fans ont acheté des paquets de Carambar en prévision de la disparition des blagues. Chez Mikado, qui avait mené le même genre d'opération en 2015 en annonçant des bâtonnets sans chocolat, les ventes de Mikado classique avait crû de 27% sur l'année, et celle des King (avec deux fois plus de chocolat) de 17%.

> Ryanair et ses provocations

Michael O'Leary, le président de la compagnie low cost, s'est fait une spécialité de communiquer par polémiques. Parmi les innombrables exemples, figurent ses annonces délirantes: qu'il va taxer les passagers obèses qui voyagent à bords de ses appareils, nous faire voyager debout ou rendre les toilettes payantes.

Loin de lui nuire, ces déclarations chocs "ancrent dans la tête du consommateur qu'il fait tout pour proposer les vols les moins chers", souligne un expert. Plus que Transavia ou Easyjet, et même si ce n'est pas toujours vrai, c'est Ryanair qui jouit de l'image de la plus low cost des low cost. En outre, "à partir du moment où la parole choquante est répétitive, elle devient un code d'échange avec le consommateur, totalement compris par ce dernier, qui crée une connivence avec lui", estime Vincent Leclabart, patron d'Australie et président de l'Association des agences de conseil en communication.

> Les grosses crises nocives masquent la banalisation

Derrière les cas très visibles du passager expulsé d'United Airlines ou le visuel jugé raciste de H&M, le bad buzz destructeur tient de plus en plus du mythe, selon Nicolas Vanderbiest. Il se souvient du tout premier, en 2004, quand un internaute avait publié sur Facebook la vidéo d'un cadenas vendu comme inviolable, qu'il parvenait à ouvrir avec un stylo Bic. Trois millions de vues et dix jours plus tard, le fabricant mettait en place l'échange gratuit, et faisait faillite.

En 2017, "le fort taux de crises communicationnelles induit logiquement une réduction du degré de gravité", souligne Visibrain. Dans son étude, on lit que 82% des crises n'ont eu que des effets très éphémères sur la réputation, les affaires et les process des entreprises, sinon aucun.

Nina Godart