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Aviva piégé par un contrat d'assurance maléfique

Aviva se serait bien passé de cet héritage d'Abeille-Vie.

Aviva se serait bien passé de cet héritage d'Abeille-Vie. - Ben Stansall - AFP

Voici près de 30 ans, Abeille-Vie a lancé, comme d'autres assureurs, un contrat permettant à ses meilleurs clients de gagner de l'argent que la Bourse grimpe ou baisse. Une bêtise à plusieurs milliards d'euros dont a hérité Aviva en reprenant, en 2002, l'assureur français. Explications.

L'histoire est tellement absurde qu'elle semble à peine croyable. L'assureur britannique Aviva, sixième groupe mondial, pourrait perdre plusieurs milliards d'euros pour une simple "mauvaise décision" prise dans les années 80, révèle ce mercredi Challenges. Et les Français sont particulièrement concernés par l'affaire puisqu'Aviva est le gestionnaire des actifs de la plus importante association d'épargnants en France, l'Afer.

A la fin des années 1980, Abeille-Vie a lancé un contrat destiné à ses meilleurs clients. L'assureur leur suggérait d'investir dans un contrat d'assurance lié aux marchés des actions mais qui leur permettait de gagner de l'argent que le CAC 40 monte ou baisse. "Lorsque la Bourse avait monté, l'épargnant pouvait acheter une Sicav au cours d'avant la hausse. Il empochait ainsi automatiquement la hausse. Idem lorsque la Bourse baissait. Il pouvait vendre au cours précédant la chute du marché", rapporte le mensuel. Le souscripteur de ce contrat était donc certain de gagner à chaque fois, et la compagnie d'assurance de perdre à tous les coups puisque c'était à elle de payer la différence. 20.000 signataires se sont rués sur ce contrat.

Qu'une compagnie aussi sérieuse qu'Abeille Vie ait pu créer un pareil contrat peut semble absolument incompréhensible. Il faut remettre tout cela dans le contexte de l'époque : internet n'existait pas et les Sicav étaient cotées une fois par semaine. Pour passer des ordres, il fallait attendre plusieurs jours. Les clients passaient donc peu d'ordres.

Des décisions en faveur des assurés

Le développement d'internet change évidemment la donne. A partir de 1997, la compagnie se rend compte qu'elle perd des millions tous les mois. Et elle cherche une parade. Elle pourrait faire comme Axa ou les AGF qui pour en finir avec les calamiteux "contrats à cours connus" proposent un gros chèque aux clients pour qu'ils y renoncent. Mais elle opte pour une stratégie plus mesquine. L'assureur "commence par réduire le nombre des supports, supprimant progressivement les plus volatils, les supports actions, ceux qui permettent de profiter des variations de la bourse. Puis il tente ensuite de faire signer des avenants aux 20 000 souscripteurs de son contrat pour qu’ils y renoncent. Enfin, en 1999, il bloque tout arbitrage sur ces contrats".

Le problème, rappelle Challenges, c'est qu'un assureur ne peut pas modifier unilatéralement un contrat. Les récalcitrants font donc de la résistance. Et l'assureur comment une nouvelle erreur en arrêtant de comptabiliser les opérations. Les sommes s'accumulent et finissent par représenter plusieurs dizaines de millions d'euros.

La justice donne raison aux clients d'Aviva

Et Aviva dans tout ça? Le géant britannique a eu la bonne idée de racheter, en 2002, Abeille-Vie. Il se retrouve donc obligé de provisionner pour régler le problème. Mais pas assez. Une vingtaine de millions d'euros seulement sont mis de côté. L'avocat Nicolas Lecoq-Vallon, spécialiste de ce type de conflits, l'explique clairement à Challenges : "le risque se chiffre en milliards d'euros, avec des dizaines de contrats affichant des progressions annuelles comprises entre 40 et 100% par an. Et des décisions qui vont toujours dans le même sens : il y a eu plus de 30 décisions de la Cour de Cassation en faveur des assurés et en défaveur d'Aviva". C'est notamment le cas d'un arrêt que cette juridiction a rendu le 11 septembre 2014. L'assureur britannique est condamné à verser à Max-Hervé George 1,4 million d’euros pour la seule période 1997-2007. Mais ce client compte se faire indemniser sur l'ensemble de la vie du contrat, soit un chèque de 55 millions pour Aviva. Et ce souscripteur n'est qu'un cas parmi de nombreux autres.

D. L.