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Transports

Chez Travelcar, l'autopartage commence au parking

En attirant les automobilistes à la recherche de places de parking pas chères, Travelcar espère bien les convaincre de louer leur voiture.

En attirant les automobilistes à la recherche de places de parking pas chères, Travelcar espère bien les convaincre de louer leur voiture. - Facebook Travelcar

La start-up de l'autopartage dans laquelle vient d’investir le groupe PSA a mis en place un système innovant pour encourager la location entre particuliers. En attirant les propriétaires de véhicules avec des tarifs de parking abordables, Travelcar compte bien les inciter à mettre leur voiture à disposition pour en faire bénéficier ses utilisateurs.

En proposant de l’autopartage à partir des parkings des aéroports et des gares, la start-up française TravelCar concilie deux besoins: réduire voire rembourser totalement les frais de stationnement pour les uns, avoir accès à des véhicules à un tarif abordable pour les autres. Un échange gagnant-gagnant qui a convaincu PSA et la Maif d’investir dans cette entreprise.

Il est vrai que, sauf rares exceptions, la plupart des véhicules particuliers sont le plus souvent inutilisés. Un argument qui revient souvent quand on parle d’autopartage. En conséquence, pourquoi ne pas laisser quelqu’un d’autre utiliser votre véhicule quand vous n’en n’avez pas besoin? Certains vous répondront qu’ils sont justement susceptibles de se mettre au volant à tout moment. Mais lorsque la voiture est laissée sur un parking pour un départ en train ou en avion (impliquant la plupart du temps un déplacement d'un certain temps), un tel argument n'est plus vraiment recevable.

Du moins jusqu'à l'arrivée des clés virtuelles, qui permettront d'autoriser à distance un proche, ou un "inconnu" via une plate-forme d'autopartage, de prendre possession de sa voiture à distance. Une révolution qui ne devrait plus trop tarder à faire son apparition dans les équipements proposés sur véhicules neufs. Mais en attendant cet "autopartage du futur", Travelcar se trouve à un moment clé de son développement. La start-up revendique en effet 500.000 utilisateurs répartis dans 30 pays, soit un total de 200.000 places dans les 400 parkings partenaires. D'ici fin 2017, la conquête de nouveaux marchés, en particulier aux États-Unis mais également en Europe du Nord, Amérique Latine et Océanie, devrait porter la couverture internationale de TravelCar à 50 pays.

La mobilité, secteur en plein bouleversement

"Je n'ai même pas le permis, c'est ma femme qui conduit", plaisante Lotfi Louez, cofondateur de Travelcar. Rien ne prédestinait en effet le jeune entrepreneur à se lancer dans cette activité:

"J'ai commencé dans le web en 2002 en participant au lancement de photoservice.com. A ce moment-là, on était en plein dans la croissance fulgurante du web, avec une dynamique sectorielle forte dans un secteur bousculé par la révolution numérique, la photo. Aujourd'hui, c'est le même contexte mais dans la mobilité".

Ce profil de "serial-entrepreneur" l'a donc finalement amené vers l'autopartage:

"Je me suis ensuite lancé dans les semi-conducteurs, la publicité sur Facebook, le coaching d'entrepreneur... Travelcar est la 5e entreprise que je fonde", poursuit Lotfi Louez.

En 2012, il s'est en effet associé à Lofti Louez, pour créer ce qui s'appelle alors TravelerCar, le nom d'origine de la start-up récemment simplifié. 

"Nous étions une des premières entreprises à miser sur le parking gratuit pour stimuler l'autopartage", explique-t-il.

PSA, un partenaire de choix

Grâce au partenariat avec PSA (qui a participé à une première levée de fonds en 2016), une offre de location pour une Citroën C1 neuve à 0 euro par mois vient en effet d'être lancée. En acceptant de partager la citadine les deux tiers du temps, le loyer reçu couvre ainsi celui versé par son propriétaire en LOA. Une campagne marketing qui a forcément fait mouche au moment où toutes les marques communiquent justement sur le prix de leur véhicule mensualisé... mais rarement à partir de 0 euro par mois!

Si l'offre ne permet que de profiter de sa C1 une semaine sur trois, des petits malins ont trouvé la solution : louer trois C1 avec cette formule afin d'avoir tout le temps une voiture gratuitement à disposition.

"C'est en effet possible, confirme Lotfi Louez, mais il faut être sacrément motivé pour ramener une voiture toutes les semaines à un point d'échange pour en récupérer une autre!"

L'autopartage séduit les plus aisés

Autres cas de figure original parmi les utilisateurs: ceux qui n'hésitent pas à laisser à TravelCar des modèles que l'on attendrait pas à voir proposer en autopartage, loin des très banales Autolib'. Seule limite fixée: pas de voiture de plus de 15 ans ou à plus de 100.000 euros. 

"Nous avons par exemple eu une Classe C quasi-neuve avec 600 km au compteur, un Range Rover Sport Autobiography ou encore la Jaguar XKR d'un client parti trois mois à la Réunion", donne à titre d'exemples Lotfi Louez.

A l'image de cette belle brochette de voitures, le parking gratuit (et l'autopartage qu'il implique), fonctionnerait finalement mieux avec les utilisateurs les plus aisés.

"Le parking gratuit, contre-intuitivement séduit davantage les plus riches : pour un travailleur pauvre, la voiture reste un outil de travail ou un moyen essentiel pour se déplacer. Pour les riches moins."

Les expatriés seraient en particulier séduit par ce système, leur permettant de réduire les pertes induites lorsqu'on conserve un véhicule en France tout en travaillant à l'étranger. Ce qui recouvre les frais d'entretien, d'assurance et de stationnement mais aussi la décote de la voiture et le coût d'une éventuelle location dans le pays où il travaille, indique Lotfi Louez.

"Nous avons des cas extrêmes, comme une personne qui nous a laissé sa voiture 50 semaines sur 52 car elle revient très peu en France chaque année. Mais pour nous, le 'meilleur client' c'est celui qui nous laisse une voiture deux semaines, on est certain de la louer et le temps d'occupation reste limité. Le pire c'est la durée minimale, 48 heures, où là nous aurons forcément des difficultés à la faire louer".

L'abandon de la voiture individuelle, un contexte favorable

Les clients de TravelCar apprécient également la simplicité d'utilisation: contrôle du véhicule à la prise en main du véhicule et à son retour grâce à une application smartphone dédiée, accès à des bornes pour récupérer les clés rapidement... finalement certains choisissent aussi cette solution car elle peut se révéler plus pratique qu'un parking classique. Résultat: la start-up se développe rapidement dans les grandes villes, où Lotfi Louez voit d'ailleurs de belles perspectives avec un stationnement résidentiel de plus en plus compliqué:

"L'automatisation des PV notamment va encourager un peu plus à l'abandon de la voiture individuelle... ou inciter à l'autopartage. Il devient en effet à la fois intéressant et pratique de transformer un centre de coûts en opération blanche". 

La contre-attaque attendue des loueurs et des constructeurs

Autant sur un public de particuliers que de professionnels, TravelCar semble faire de l'ombre aux loueurs traditionnels. Ces derniers comme Avis ou Europcar, qui dévoilait récemment un "concept store" à Bruxelles, fourbissent actuellement leurs armes en s'associant ou en rachetant directement des sociétés spécialisées dans l'autopartage. 

A l'origine, TravelCar ne pensait pas proposer des véhicules neufs à la location. Mais l'entrée au capital de PSA a finalement changé la donne:

"Au début, les constructeurs n'étaient pas intéressés car l'autopartage implique moins de voitures. Mais aujourd'hui ils savent que vendre des voitures partagés, c'est tout simplement l'avenir, résume Lotfi Louez. 

Après la C1 à 0 euro, des partenariats restent possibles avec d'autres marques de PSA qu Citroën et pourquoi pas d'autres groupes. A Milan ou à Berlin par exemple, des marques comme BMW ou Fiat ont lancé directement leurs flottes d'autopartage. Reste à voir si ce même modèle sera transposé à Paris, où l'offre Autolib' a pour l'instant monopolisé la demande pour des véhicules à emprunter pour un trajet ponctuel ou plus régulièrement.

Des véhicules de plus en plus adaptés au partage

Mais le contexte évolue rapidement: début 2017, Nissan a lancé dans la capitale un nouveau concept de colocation sur sa nouvelle Micra, une offre qui pourrait séduire les groupes d'amis ou d'étudiants entre autres.

Mais pour Lotfi Louez, la principale "menace" ne vient pas d'un constructeur traditionnel:

"Ceux qui vont bouleverser le marché ce sont les Chinois de Geely avec leur marque Lynk&Co. Ils ont présenté récemment une voiture vraiment pensée pour l'autopartage".

Avec son bouton "partager", façon réseaux sociaux, le concept 01 promet en effet de pouvoir louer ou laisser à disposition d'un groupe donné, son véhicule lorsqu'il n'est pas utilisé. 

Autre révolution attendue, celle du véhicule autonome: l'utilisateur d'un véhicule en autopartage n'aura alors plus besoin de récupérer la voiture réservée, elle viendra à lui... et il n'aura même pas besoin de la conduire! Un monde où la voiture individuelle céderait alors peu à peu sa place à des flottes de robots-taxis. 

Julien Bonnet