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VIDEO - Christophe de Margerie, mort d'un patron atypique

Christophe de Margerie est rentré en 1974 chez Total où il a effectué la totalité de sa carrière

Christophe de Margerie est rentré en 1974 chez Total où il a effectué la totalité de sa carrière - Alain Jocard - AFP

PORTRAIT - Le PDG de Total est mort à l'âge de 63 ans dans un accident d'avion dans la nuit de lundi à mardi. Le patron du groupe pétrolier, connu pour son humour et son franc-parler, restera comme un ardent défenseur de son entreprise.

Total perd son emblématique patron. Christophe de Margerie, le PDG atypique du groupe pétrolier, s'est tué dans un accident d'avion, près de Moscou dans la nuit du lundi 20 au mardi 21 octobre.

Doté d'un humour grinçant et réputé à l'aise avec les médias, il restera comme l'ardent défenseur d'un groupe aussi puissant que contesté.

Celui que l'on surnommait "Big Moustache" en raison de ses épaisses bacchantes, avait pris les rênes du géant pétrolier français comme directeur général le 14 février 2007.

Il en était auparavant le numéro deux, à la tête de la division Exploration & Production depuis 1999. Sa désignation en mai 2006 par le PDG Thierry Desmarest pour lui succéder à la direction exécutive, était apparue comme logique, après toute une carrière effectuée chez Total qui culminera avec sa nomination comme PDG en 2010.

Le pétrole plutôt que le champagne

Pourtant, Christophe de Margerie, diplômé de l'Ecole supérieure de Commerce de Paris, faisait figure d'original dans un groupe marqué par une culture d'ingénieurs. Né le 6 août 1951, Christophe Jacquin de Margerie avait grandi dans une famille de diplomates et de dirigeants d'entreprises.

Petit-fils de Pierre Taittinger, fondateur de l'empire du luxe et du champagne Taittinger, il choisit de ne pas suivre pas la voie familiale.

"Il aurait pu être le roi du brut (champagne) il a choisi à la place d'être le roi du brut (pétrole)", a dit un jour son cousin Pierre-Emmanuel Taittinger.

Un négociateur hors pair

Entré en 1974 à la direction financière de l'ancienne Compagnie française des pétroles, il a gravi tous les échelons du groupe. Après une ascension lente, il entre au comité directeur en 1992 et devient directeur général de Total Moyen-Orient en 1995. Une expérience qui lui avait valu une réputation de négociateur hors pair et de fin connaisseur d'une région stratégique s'il en est pour une compagnie pétrolière.

"Une de ses grandes forces est d'avoir su créer et maintenir des liens personnels très forts avec les dirigeants de ces pays. Il a multiplié les rencontres en face à face, les voyages, et développé la présence du groupe dans la région", racontait un cadre lorsqu'il avait accédé aux plus hautes fonctions du groupe. C'est en 1999, après la fusion de Total avec le groupe belge Petrofina, que Christophe de Margerie accède à la puissante direction Exploration & Production, qu'avait aussi occupée Thierry Desmarest. Il la conserve après l'acquisition d'Elf Aquitaine par Total la même année.

Avec son visage bonhomme et son profil tout en rondeurs, Christophe de Margerie se taille une réputation de dirigeant chaleureux et ouvert au débat. Il "manie l'humour à haute dose, tout en restant toujours ferme et déterminé", confiait un collaborateur.

Ennuis judiciaires

Christophe de Margerie était néanmoins arrivé à la tête de Total dans un contexte assombri par les ennuis judiciaires, allant de ceux liés au naufrage de l'Erika en 1999 (qui vaudront une condamnation au groupe) à différentes affaires de corruption présumées. Peu après sa nomination, il passe ainsi plus de 24 heures en garde à vue, menotté, sans ceinture et sans lunettes, dans le cadre d'une affaire de corruption avec l'Iran.

Il fut aussi mis en cause dans l'affaire "pétrole contre nourriture" en Irak, avant de bénéficier en 2013, au bout de huit ans de procédures et d'un mois de procès, d'une relaxe retentissante par le tribunal correctionnel de Paris, avec l'ensemble des prévenus.

Un franc-parler important

Dans un monde des affaires très lisse, il détonne par son franc-parler. Il marque ainsi l'opinion et déclenche une polémique nationale en avril 2011 en pronostiquant que le prix de l'essence dépasserait un jour deux euros le litre.

Plus récemment, Christophe de Margerie n'avait pas hésité à s'opposer à Pierre Gattaz, le patron du Medef, en affirmant que l'ISF ne devait pas être supprimé.

Enfin, ce père de trois enfants avait répondu sans relâche aux critiques tous azimuts adressées à son groupe, concernant aussi bien son implantation en Birmanie que l'explosion de l'usine AZF à Toulouse, sans oublier ses profits colossaux ou encore l'exploitation du gaz de schiste dont il déplorait l'interdiction en France. "La plupart des gens, quand on leur parle de Total, ils ne savent pas ce que c'est, mais ils savent que c'est pas bien", résumait-il en mai 2009.

Sous son égide, Total avait accéléré ces dernières années ses investissements dans l'exploration, pour remplir des objectifs ambitieux de croissance de sa production de pétrole, tout en menant d'importantes cessions d'activités.

(Auteur vidéo: Julien Migaud-Muller)

J.M. avec agences