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La chute de Vivendi racontée par le propriétaire d'Universal

Edgar Bronfman Jr et son avocat Goerges Kiejman en 2010 lors du procès en première instance

Edgar Bronfman Jr et son avocat Goerges Kiejman en 2010 lors du procès en première instance - -

Selon le milliardaire américain Edgar Bronfman Jr, qui avait vendu Universal à Vivendi, le groupe aurait fait faillite si Jean-Marie Messier était resté à sa tête.

"Quand vous perdez autant d'argent, c'est important d'avoir le sens de l'humour", justifie Edgar Bronfman Jr. En effet, le milliardaire a tendance à illustrer son récit par des proverbes américains qui dérident l'assistance.

L'héritier de la famille Bronfman est la guest star du procès en appel de Jean-Marie Messier, ouvert depuis fin octobre. C'est le plus grand des prévenus, dépassant tout le monde d'une tête. C'est le seul qui ne parle pas français, et il a donc un peu de mal à suivre les débats parfois confus. Surtout, c'est de très loin le plus riche, ce qui lui autorise un certain franc parler, et accessoirement d'être accompagné d'un staff important: trois interprètes et au moins autant d'avocats, dont le prestigieux Georges Kiejman, même si ce dernier a tendance à s'assoupir durant les débats...

Le début de la chute

Venu exprès de New York, il a raconté comment sa famille, qui était propriétaire d'Universal, a vendu la société à J2M en 2000, devenant ainsi le premier actionnaire de Vivendi. Surtout, il a expliqué pourquoi il a voulu mettre à la porte Jean-Marie Messier en 2002.

Pour lui, la chute a commencé mi-décembre 2001: "M. Messier a alors déclaré que l'exception culturelle française était morte. Puis deux jours après, il a dit ne pas avoir dit ça".
Puis, début janvier, J2M a vendu des actions d'auto-contrôle alors que le groupe avait dit avant qu'il ne vendrait pas ces actions. Dès lors, "le marché perdait confiance en la crédibilité de Jean-Marie Messier".

"Messier devait partir"

Face à un cours de bourse qui n'en finit pas de chuter, Edgar Bronfman Jr tente un putsch lors du conseil d'administration du 24 juin 2002, mais en vain. Le lendemain, un des administrateurs, Serge Tchuruk, lui propose un deal: J2M deviendrait président du conseil d'administration, tandis qu'Edgar Bronfman Jr deviendrait directeur général.

Mais le canadien refuse: "j'ai dit à M. Tchuruk que si M. Messier restait président, il serait toujours aux affaires. Or les administrateurs américains n'avaient plus confiance en lui. Et les marchés avaient décidé qu'il devait partir".

Menace de faillite

Finalement, J2M, lâché par les administrateurs français, démissionne. Se pose alors la question de ses indemnités. Edgar Bronfman Jr est favorable à ce qu'on lui verse le golden parachute de 20 millions d'euros qu'il réclame: "j'avais gagné la guerre pour son départ. Et c'était l'intérêt du groupe de lui verser cet argent. Cela représentait seulement un millième de la capitalisation en bourse. Il valait mieux lui payer cela que de laisser Vivendi Universal échouer. Car Vivendi Universal n'aurait pas survécu deux mois si rien n'était fait. Si M. Messier était resté, il n'y aurait plus eu de cours de bourse du tout. Car les banques ne nous auraient pas prêté d'argent".

Or, à cette époque, le groupe avait besoin de nouveaux prêts pour satisfaire les agences de notation, qui menaçaient de dégrader la note de la dette. "Nous aurions été en faillite à cause de cela". Toutefois, "la valeur des actifs a toujours été très supérieure à celle de la dette", assure-t-il.

Deux milliards de pertes

Quant au montant du golden parachute, J2M demandait à avoir autant qu'Edgar Bronfman Jr. Une comparaison que l'intéressé trouve "complètement déplacée, odieuse et offensante". Selon lui, "M. Messier n'a pas bien dirigé Vivendi Universal. Tandis que j'avais confié à Vivendi Universal une société qui fonctionnait très bien, et renoncé à un job que j'aurais pu garder 10 à 20 ans. C'est très différent!".

Au final, l'héritier estime que la chute du cours a fait perdre à sa famille "probablement deux milliards par rapport au plus haut". A l'énoncé du chiffre, un frisson a parcouru l'assistance...

Jamal Henni