BFM Business
Culture loisirs

Cinéma: la niche fiscale des Sofica plafonnée

La ministre de la culture Aurélie Filippetti voulait que les Sofica ne soient pas plafonnées

La ministre de la culture Aurélie Filippetti voulait que les Sofica ne soient pas plafonnées - -

Contre l'avis du gouvernement, les députés ont adopté un amendement rognant l'avantage fiscal lié à l'investissement dans la production de films.

Les Sofica n'échapperont finalement pas à la rigueur. Les députés ont adopté la semaine dernière un amendement plafonnant cet avantage fiscal, qui permet de déduire de ses impôts des investissements dans la production de films.

Le gouvernement avait proposé que les Sofica ne rentrent pas dans le plafond des réductions d'impôts dont peut bénéficier un foyer. L'amendement voté les fait rentrer dans ce plafonnement. Toutefois, les Sofica ont obtenu un régime de faveur (la même faveur les investissements dans les Dom-Tom): le plafond sera de 18 000 euros, plus 4% du revenu imposable. Alors que toutes les autres niches devront désormais rentrer dans un plafond plus bas (10 000 euros).

En pratique, les députés ont adopté un amendement du rapporteur général du budget, le socialiste Christian Eckert. Ils sont passés outre l'avis du gouvernement. "La position du gouvernement n’est pas de soumettre les Sofica à un quelconque plafond", a plaidé le ministre délégué au budget, Jérôme Cahuzac, mais en vain. Il a rappelé que les 100 plus gros bénéficiaires des Soficas les utilisent pour déduire seulement 187 euros de leur impôt, contre 1 328 euros pour la niche Malraux (restauration de bâtiments historiques) et 400 000 euros pour les Dom-Tom.

Une niche pour contribuables aisés ?

Mais il s'est vu opposer une vive critique par le président UMP de la commission des finances, Gilles Carrez: "le montant moyen de l’impôt payé par les 1 000 contribuables qui investissent le plus dans nos Sofica s’élève à 68 000 euros. Je parle bien de l’impôt, et non du revenu! Quand on paie un impôt sur le revenu moyen de 68 000 euros, on ne peut pas dire qu’on appartient aux classes moyennes. Je n’imagine pas un instant que les Sofica, qui ne bénéficient qu’à quelques milliers de contribuables qui sont les plus aisés du pays, et qui étaient jusqu’à présent incluses dans le plafond général, soient sorties de ce plafond. Ce serait une véritable insulte à la notion de justice fiscale. Ce serait rendre un mauvais service aux Sofica que de les sortir du droit commun".

Selon Gilles Carrez, les bénéficiaires du Malraux sont aussi très fortunés: les mille plus gros utilisateurs du Malraux paient un impôt moyen de 81 287 euros, et déduisent grâce à cette niche 20 258 euros. C'est encore pire pour les cent plus gros: ils payent un impôt de 247 219 euros, et en déduisent ainsi 37 348 euros.

Rappelons que les Soficas sont devenues ces dernières années de moins en moins rentables. En effet, leur régime a été modifié pour favoriser les petits films indépendants, moins profitables. Parallèlement, la réduction d'impôt a été réduite à 6 480 euros maximum -elle est désormais de 36% du montant investi, contre 48% auparavant.

Evidemment, ce plafonnement déplait aux Sofica. Comme le dit Joël Thibout, co-fondateur de Back Up Media et dirigeant de plusieurs Sofica, "avec ce plafonnement, le législateur oblige l'investisseur à choisir entre plusieurs niches. Il est donc incité à choisir de se passer des Sofica... Car, suite à la baisse de la réduction d'impôt, les Sofica ont déjà très largement perdu de leur attrait pour l'investisseur et de leur impact pour l'industrie du cinéma et de l'audiovisuel. En pratique, avec une réduction d'impôt de seulement 36%, les Sofica rapporteraient 2,7% l'an, soit à peine mieux qu'un Livret A, là où elles rapportent aujourd'hui 6,3% par an avec une réduction de 48%".

Rappelons que, lorsque l'Inspection des finances avait passé en revue toutes les niches en 2011, les Soficas avaient obtenu la meilleure note (3 sur 3). Moult autre niches avaient été bien moins notées, notamment l'exclusion des oeuvres d'art de l'impôt sur la fortune, notée 1 sur 3 (cf. encadré ci-contre), à laquelle Christian Eckert s'est attaquée en vain.

Le titre de l'encadré ici

|||L'exonération des oeuvres d'art critiquée par l'IGF
Dans son rapport de 2011 sur les niches fiscales, l'Inspection des finances émet moult critiques concernant l'exonération des oeuvres d'art de l'assiette de l'impôt sur la fortune. D'abord, cette niche n'est pas plafonnée et "s'applique de manière très large". A l'argument qu'il s'agit d'une aide aux artistes, l'IGF répond que la niche "bénéficie aussi aux héritiers de l'artistes, sans justification immédiate". Et à l'argument que cela empêche la fuite des oeuvres à l'étranger, le rapport répond: "il existe un mécanisme de dation en paiement qui permet de payer l'impôt avec des oeuvres d'art. Ce mécanisme permet de conserver les oeuvres en France et de les exposer au public".

L'IGF donnait donc une mauvaise note (1 sur 3) à cette niche fiscale, et recommandait de la plafonner, et de ne plus en faire bénéficier les héritiers des artistes.

Jamal Henni