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Climat. Les clés du changement du comportement individuel

Le changement individuel répond à des motivations très précises

Le changement individuel répond à des motivations très précises - ©Thomas Leuthard

Au lendemain de la COP21, les français sont assez unanimes en matière de lutte contre le changement climatique annoncé. Sur les constat et les solutions. Condition sans doute nécessaire, mais pas suffisante, pour transformer leurs comportements. Car le changement individuel -et donc collectif-, obéit à des règles précises.

COP21, les français ont compris, adhéré… mais restent prudents

La COP21 de décembre dernier a intéressé les Français. Ils étaient 75%(1) à affirmer qu’ils savaient précisément ce dont il s'agissait et 95% en connaissaient l’enjeu principal, à savoir limiter le réchauffement climatique mondial à 2 °C.

61% de nos compatriotes se sont donc intéressés à cette conférence mondiale, avec un pic à 17% de «très intéressés».

Ils auront salué la COP21 comme un succès, à 72%, en décernant au passage un satisfecit à l’organisation française, en considérant à hauteur de 79%, qu’elle avait été à la hauteur des enjeux, principalement grâce son Ministre des Affaires Étrangères du moment, Laurent Fabius.

Enthousiasme qu’il faut cependant tempérer, en notant que la préoccupation du changement climatique, même si elle est la seule à progresser -de 3 points- en un an, vient en huitième position derrière des problématiques très quotidiennes telles que : le pouvoir d'achat, l’avenir des retraites, la menace terroriste -nouvelle venue-, la sécurité des biens et des personnes, les conflits dans le monde, le chômage et le niveau des impôts.

La COP21 aura donc, de l’avis des français interrogés, été utile notamment en termes de mobilisation, en permettant de rassembler tous les acteurs (États, entreprises, ONG, populations) vers un objectif commun : 80%. En favorisant la prise de conscience des individus de l'importance de lutter contre le changement climatique : 79%. Et en amenant l'ensemble des pays du monde à prendre des engagements (pays développés, pays en développement, pays émergents,...) : 76%.

La confiance dans les actes remporte moins d’adhésion, en arrivant en dernière position avec 68% de sondés qui pensent qu’elle permettra de limiter le réchauffement climatique et ses impacts.

Au final, seule moins de la moitié des Français, 46%, pense que la COP21 va changer les choses en matière de lutte contre le changement climatique. Et 59% ne sont pas confiants dans l’avenir climatique de la planète à l’issue de la COP21.

Ils reportent leurs espoirs sur les scientifiques et les chercheurs à 84%, les ONG et fondations à 78%, les grandes instances internationales à 70%, les villes et collectivités locales à 61% et eux-mêmes, seulement pourrait-on dire, à 52%. Dans le peloton de queue de la confiance, les pays, les États et les entreprises. Pourtant celles et ceux vers qui les attentes de nos concitoyens sont les plus fortes, le graphique des attentes étant quasiment l’exact inverse de celui de la confiance !

Au moins, il existe une véritable adhésion sur le besoin de changer les habitudes quotidiennes. Les trois-quarts des Français répondent «oui» à la question «À l’avenir, pensez-vous que vous devrez modifier votre quotidien dans le cadre de la lutte contre le changement climatique ?». Avec 22% «de manière importante» et 53% «de manière modérée».

Trois conditions incontournables pour changer ses comportements individuels

Mais il faut rester prudent avec des déclarations qui vont dans le sens du consensus général, pour ne pas dire du politiquement correct. Depuis de nombreuses années, sur des sujets tels que l’environnement, le commerce équitable, le climat, … il est de bon ton, d’être d’accord, voire engagé. Sauf que ces bonnes intentions se heurtent bien souvent à la réalité du quotidien : prix, manque de temps, habitudes ancrées, absence de visibilité et bien d’autres facteurs de tous ordres.

Sociovision est un cabinet d’étude spécialisé dans la compréhension et l’anticipation des changements de la société. Il conduit, depuis 1975, un observatoire des attitudes et comportements des français dans tous les domaines de leur vie, dont l’environnement et le climat. Il a donc le recul nécessaire pour décoder les mécaniques de changement de comportements et en synthétiser les facteurs principaux.

Si l’observatoire(2) constate les mêmes progressions, s’agissant de climat et d’environnement, Martine Marcilhacy, directrice d’études au cabinet rappelle qu’«en matière d’adoption de “pratiques vertes”, les Français émettent trois pré-requis indispensables à la réalisation du changement de comportements. Le premier, c’est le bénéfice direct, “combien ou qu’est-ce que ça me rapporte ?” Le deuxième c’est le sens, “ce que ce je fais sert à quoi ?”. Le troisième, c’est la facilité, “est-ce compliqué ou pas de changer telle ou telle habitude ?”».

Indice significatif, en matière de climat, les bases de l’action sont bien là. L’observatoire a mesuré qu’en cinq ans, l’idée que ce phénomène est causé par les activités humaines a progressé de 14 points, passant de 56% à 70% d’avis. Même s’il existe une réelle perturbation sur le fait que les discours scientifiques soient discordants -79%-, ou qu’on ne sait finalement plus à quel expert accorder sa confiance -73%-, les courbes d’adhésion à ce qui est apparenté à des «bonnes pratiques» (tri des déchets, produits avec moins d’emballages ou ayant beaucoup voyagé) sont elles aussi en hausse constante depuis les dernières années.

«Le changement dans les gestes et les comportements ont besoin de temps. C’est un cheminement progressif» précise Martine Marcilhacy. «Il y a eu également des déceptions il y a encore peu de temps, je pense à l’exemple du rachat par EDF de l’électricité produite chez les particuliers. Dans un contexte de tension monétaire, les incertitudes ne sont pas un élément favorisant».

Les Français ne dépenseront a priori pas plus pour l’environnement. Pas plus qu’ils ne compliqueront leur vie quotidienne avec des gestes qu’ils pourraient percevoir comme compliqués. Rappelons également, que pour la majorité d’entre nous, l’usage quotidien de l’automobile n’est même pas un sujet négociable, pour diverses raisons.

Les sujets environnementaux inquiètent, interrogent, mais ceux-ci n'arrivent pas en première place. Vie quotidienne, terrorisme ou retraite sont au cœur des préoccupations de nos concitoyens. «On décèle cependant une vision plus long terme dans les réponses des sondés» tempère Martine Marcilhacy, «ce que chacun va laisser à ses enfants est une vraie motivation. C’est sans doute pour cette raison que la lutte contre le gaspillage alimentaire, l’engouement pour la réparation ou la revente deviennent des sujets de premier ordre».

(1) Étude «COP21 : qu’en ont pensé les Français ?». IPSOS décembre 2015

(2) Observatoire 2015-Attitudes et comportements à l’égard de l’environnement. Sociovision juillet 2015

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Yves Cappelaire