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CNC: une énarque de gauche remplace un énarque de droite

La ministre de la culture Aurélie Filippetti a fini par évincer le président du CNC Eric Garandeau

La ministre de la culture Aurélie Filippetti a fini par évincer le président du CNC Eric Garandeau - -

L'ancienne ministre socialiste Frédérique Bredin a été nommé à la présidence du CNC en remplacement d'Eric Garandeau, ancien conseiller de Nicolas Sarkozy.

Ce changement était attendu depuis presque un an. Mercredi 26 juin, un nouveau président du CNC (Centre national du cinéma) a été nommé en Conseil des ministres. Comme l'ont révélé Les Echos, il s'agit de Frédérique Bredin, 56 ans, une énarque qui appartient à la fameuse promotion Voltaire de François Hollande. 

Cette inspectrice des finances fut notamment conseillère de François Mitterrand, députée de Seine-Maritime, puis ministre de la Jeunesse et des Sports (1991-1993). Elle travailla pour le groupe Lagardère de 2000 à 2009, avant de créer sa société de production en 2010, puis de participer à la campagne de François Hollande.

Elle décroche un poste convoité, pour lequel ont circulé d'autres noms, dont Agnès Saal (proche d'Aurélie Filippetti et directrice général du centre Pompidou), Laurence Engel (directrice de cabinet d'Aurélie Filippetti) et Laurent Vallet (directeur général de l'Ifcic).

Sarkozysme assumé

Cette nomination était attendue car le président actuel du CNC, Eric Garandeau, est marqué à droite: il a été membre du cabinet de Jean-Jacques Aillagon au ministère de la culture (2002-04), et surtout conseiller de Nicolas Sarkozy à l'Elysée (2007-10). Un sarkozyme dont il ne se cache pas: ainsi, la page du comité de soutien à la candidature de Nicolas Sarkozy en 2017 fait partie de ses pages préférées sur son profil public Facebook...

Lui aussi énarque et inspecteur des finances, Eric Garandeau laisse derrière lui un bilan mitigé. Ses partisans souligne qu'il a défendu la profession "comme un ayatollah". Ses détracteurs lui reprochent justement sa radicalité qui ne faisait pas dans la nuance. "Plus il s'agitait, plus il nous enfonçait", déplore ainsi un des plus importants lobbyistes du secteur, qui réclamait sa tête depuis l'automne.

Noyer le poisson

Sa volonté de régulièrement noyer le poisson en énervaient plus d'un. Ainsi, lors d'une mémorable audition du Sénat consacrée à la cagnotte du CNC, il avait multiplié les digressions sur le Bhoutan ou le réalisateur iranien Asghar Farhadi, et ainsi réussi à faire sortir de ses gonds le président de la commission des finances Philippe Marini (UMP).

Quelques mois plus tôt, il avait aussi réussi à énerver Nicole Bricq, alors rapporteur général du budget au Sénat. "J'ai vu débouler dans mon bureau le sémillant président du CNC disant qu'il avait 'un arbitrage de l'Élysée'! J'ai été tentée de lui dire: 'un arbitrage de l'Élysée... et alors?'", racontera-t-elle en séance.

Ou encore, lorsque la Cour des comptes avait publié un rapport accablant sur le CNC, il en avait extrait les rares phrases positives, et les avaient largement diffusées à la presse et aux professionnels, en assurant que "le contenu du rapport est plutôt positif"...

Une campagne anti-Free

Surtout, Eric Garandeau s'était lancé dans une campagne sans nuance contre les opérateurs télécoms, en particulier Free, accusés de ne pas payer leur contribution au CNC. Selon lui, cela se traduisait par une perte de 10 à 12 millions d'euros par mois pour l'établissement public. Problème : le chiffre, grossièrement faux, était en réalité trois fois plus petit.

Il accusait aussi Free de "préfèrer toucher des aides publiques plutôt que de payer des taxes". Interrogé, le CNC n'a jamais voulu indiquer quelles étaient ces aides publiques touchées par Free. Mais vérification faite, la seule aide figurant dans les comptes de Free est un modeste crédit impôt recherche...

Il avait aussi affirmé que "les fournisseurs d'accès profitent [des aides du CNC], ils déposent des dossiers d’aide". Là encore, la mauvaise foi était patente. Certes, Orange a bien bénéficié de 40.000 euros de subventions de la part du CNC. Mais ce n'est qu'une paille comparés aux quelques 200 millions d'euros versés chaque année au CNC par les fournisseurs d'accès...

Jamal Henni