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Combien vaut Mediapart?

Edwy Plenel (64 ans) veut préparer sa succession

Edwy Plenel (64 ans) veut préparer sa succession - Jean-Pierre Muller AFP

Le site a été valorisé 11 millions d'euros dans une transaction récente. Deux fois plus qu'en 2009. Edwy Plenel, qui songe à prendre sa retraite, devrait s'en féliciter. Sauf que l'avenir capitalistique du site reste à régler.

Près de 11 millions d'euros: telle est la valeur de Mediapart, à en croire la dernière transaction effectuée sur le capital. En effet, le fonds Ecofinance vient de vendre 12% du capital pour 1,36 million d'euros. Ces actions ont été rachetées par le site lui-même, puis annulées. Après cette opération, les salariés et fondateurs détiennent donc 44% du capital; la Société des amis de Mediapart 16,8%; la société Doxa de Thierry Wilhelm 31,8%; et Ecofinance 6,3%.

Valorisation doublée depuis 2009

Ecofinance fait une bonne affaire. Le fonds avait mis seulement 500.000 euros dans le site à sa création en 2008. Fin 2014, il était ensuite monté à 18,3% en rachetant -sur la même valorisation de près de 11 millions d'euros- environ 10% du capital à Odyssée Venture, un autre fonds qui souhaitait sortir pour réaliser sa plus-value. La valorisation du site était en effet près de deux fois moins élevée en 2009, lorsque Odyssée Venture avait pris environ 20% pour 1 million d'euros.

Cette bonne valorisation du site est due à ses résultats: rentable depuis 2011, il a multiplié son bénéfice net par 2,6 en 2016 (à 1,9 million d'euros), pour un chiffre d'affaires en hausse de 10% (11,4 millions d'euros). Mediapart revendique 136.000 abonnés à fin février.

Préparer la retraite

Mais cette bonne valorisation s'avère paradoxalement un handicap pour l'avenir. Car les fondateurs (qui détiennent 42% du capital) aimeraient prendre une retraite bien méritée. A commencer par le patron, Edwy Plenel, qui a abordé le sujet jeudi 9 mars lors d'une conférence de presse: "Les fondateurs ne s'en iront pas d'un coup, cela se fera naturellement. Ils ne veulent vendre à personne. Leur but n'est pas de vendre au plus offrant, ni de transmettre à leur enfants, mais de céder à l'équipe".

Depuis plusieurs années, les dirigeants cherchent donc une "solution juridique" permettant de garantir "une indépendance solide et durable". "Nous cherchons à inventer un cadre à but non lucratif, où l'argent serait ré-investi dans l'entreprise", insiste Edwy Plenel, qui cite en exemple le trust actionnaire du quotidien britannique The Guardian, qui garantit son indépendance. "L'objectif est que le capital ne puisse pas être cessible, ni achetable", ajoute la directrice générale Marie-Hélène Smiejan, qui regrette que "le système du trust qui existe en Angleterre n'existe pas dans le système actuel français".

Pas de solution en droit français

Les solutions existantes en droit français ont toutes des inconvénients. "Les épisodes du Monde ou de Libération ont montré que l'actionnariat salarié n'est pas une défense suffisante en cas de difficultés où les entreprises perdent de l'argent", a expliqué Edwy Plenel. De même, le statut d'entreprise de presse solidaire, créé en 2015 et adopté par Charlie Hebdo, "est incomplet et limité: il ne touche aucunement la question du capital".

Marie-Hélène Smiejan écarte aussi la détention par des associations "qui en général explose à la première ou la deuxième génération". "Nous avons regardé les fondations ou les fonds de dotation, mais on a des difficultés de construction et de majorité du capital". En effet, les fondations n'ont pas le droit de détenir de sociétés à but lucratif. Et les fonds de dotation peuvent, depuis peu, investir dans des entreprises de presse, mais en restant minoritaires.

Conclusion de Marie-Hélène Smiejan: "c'est quelque chose qui n'existe pas dans le cadre législatif actuel. Il faudra sans doute une évolution de la législation".

Jamal Henni