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Comment accélérer le recyclage des plastiques en France

Une étude Deloitte sur le recyclage des plastiques co-financée par DGE , l’ADEME et 2ACR suggère une financement externe de 100 euros par tonne pour soutenir la filière ainsi qu'un contrat d'expérimentation. A la clé, la création d'au moins 2000 emplois.

Une étude Deloitte sur le recyclage des plastiques co-financée par DGE , l’ADEME et 2ACR suggère une financement externe de 100 euros par tonne pour soutenir la filière ainsi qu'un contrat d'expérimentation. A la clé, la création d'au moins 2000 emplois. - DGE

Le plastique est une matière difficile à recycler car il contient plusieurs composants. Pour la première fois, une étude, menée par Deloitte sur la filière, dévoile aussi des solutions pour accélérer le recyclage en France.

Le recyclage des plastiques est incontestablement une piste de développement pour les industriels. Des entreprises y travaillent déjà dans une dynamique d'économie circulaire. C'est ainsi que dans l'automobile, des pièces désormais visibles comme les peaux de pare-chocs sont réalisées à partir de matières recyclées. Renault est très en pointe sur ces questions. Mais les freins sont encore trop nombreux pour un démarrage économique de la filière.

Cette étude, une première du genre cofinancée par la DGE , l’ADEME et 2ACR, l'Association Alliance Chimie Recyclage et menée par Deloitte, a pour objet d'y voir plus clair dans l'ensemble de la chaîne.

2ACR a rassemblé 8 organisations professionnelles (UIC, PlasticsEurope, Elipso1, Federec, Fnade2, Fédération de la plasturgie et des composites, CCFA3, ATHIL4) et 3 éco-organismes (Eco-emballages, Ecosystèmes et Ecologic). Une multiplicité d'acteurs pour des produits tout aussi multiples.

Une même résine peut ainsi être déclinée en une multitude de formulations. Par ailleurs les flux de déchets plastiques sont très hétérogènes: emballages ménagers mais aussi industriels, BTP, automobile, équipements électriques et électroniques ou encore agriculture.

Extension des consignes de tri

Le recyclage présente aussi de multiples visages: l'écosystème est vaste: des collecteurs, des recycleurs, des industriels ou encore ceux qui traitent les déchets en mélanges. Ces plastiques peuvent être transformés en paillettes, si les déchets sont broyés et lavés, en granulés si la matière plastique est extrudée ou encore en poudre si les déchets sont micronisés.

Il est clair qu'une grande partie des déchets n'est pas orientée vers le recyclage. Ainsi seul un quart des emballages ménagers plastiques est recyclé dans l’Hexagone. Le recyclage est limité aux bouteilles et flacons tandis que les pots, barquettes, films souples et sacs (qui représentent 60 % des emballages plastiques), sont incinérés ou enfouis avec d’autres déchets.

Eco-Emballages met en avant l'extension des consignes de tri. 45 millions d'euros sont investis, et 12 millions de foyers sont concernés par l'expérimentation. En termes économiques, recycler n'est pas avantageux: les coûts d’achat des matières à recycler ne couvrent pas l’ensemble des coûts supportés par les acteurs situés en amont qui prennent en charge les étapes de collecte et de préparation des déchets plastiques. A cela s'ajoutent les incertitudes économiques: la baisse des cours du pétrole influe automatiquement sur la résine vierge et déprécie d'autant plus le produit recyclé.

Un recyclage local

L’équilibre de certaines chaînes de recyclage repose sur des financements externes, provenant principalement de l’application du principe de "Responsabilité Élargie du Producteur".

Cette étude ne se contente pas de dresser un état des lieux. Elle propose des solutions: en premier lieu, l'accroissement des volumes de déchets plastiques mis à disposition des marchés. Le développement du recyclage des plastiques sera pertinent s’il est réalisé sur le territoire français pour aller à contre courant de la réalité: les exports de déchets plastiques collectés et préparés en France ont considérablement augmenté depuis le début des années 2000. Il s'agit aussi d'optimiser le fonctionnement de la filière en renforçant les synergies, la traçabilité et la transparence.

300 000 tonnes supplémentaires

Les professionnels en appellent donc au pouvoirs publics. Selon l'étude, un financement externe d’une centaine d’euros par tonne de déchets plastiques mises à disposition des recycleurs, serait suffisante pour capter, trier et orienter vers le recyclage une partie significative des déchets plastiques non recyclés à ce jour. "Sous cette hypothèse, nous considérons qu’un tel financement permettrait d’augmenter de 50% les quantités de plastiques recyclées. "

Lors de la restitution de l'étude à Bercy, plusieurs professionnels ont repris l'idée avancée par Jean-Philippe Carpentier le président de Federec, d'une prime à la tonne de CO2 évitée. Elle pourrait faire son chemin avec la Cop21. L'étude suggère un "contrat d’expérimentation" dont l'objectif consiste à mettre en place les éléments nécessaires à l’écosystème afin de conduire en 5 ans à un recyclage de 300.000 tonnes supplémentaires de déchets plastiques par an. Autre piste: la valorisation énergétique, avec le développement de capacités de production et d’utilisation de 500.000 tonnes de CSR - autrement dit combustibles solides - de récupération pour la valorisation des refus de tri à l'horizon 2020. Il s'agit de mélanges complexes majoritairement non plastiques.

Quel choix de financement ?

Ces deux pistes permettraient de créer les 2.000 emplois liés au développement de cet écosystème. Le ministère de l'Ecologie se dit à l'écoute en rappelant les enjeux de valorisation énergétique et l'extension des consignes de tri. En 2022, toute la population triera sans distinction l’ensemble des emballages plastiques.

Le plan Déchets 2020 doit voir le jour avec le vote du projet de loi sur la transition énergétique. Le ministère se montre plus prudent sur le soutien financier à apporter en estimant qu'une réflexion doit être engagée alors que des systèmes existent déjà notamment la REP, qui est l'application du principe "pollueur-payeur" (le producteur est responsable de la gestion de son produit en fin de vie). Les discussions ne sont donc pas achevées dans les couloirs du ministère.

Nathalie Croisé