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Comment Bruxelles s'apprête à forcer l'Irlande à réclamer les 13 milliards qu'Apple lui doit

Les Irlandais sont divisés sur la positon de Dublin vis-à-vis d'Apple. En 2012, certains manifestaient pour que le gouvernement réclament à Apple les 13 milliards d'euros.

Les Irlandais sont divisés sur la positon de Dublin vis-à-vis d'Apple. En 2012, certains manifestaient pour que le gouvernement réclament à Apple les 13 milliards d'euros. - Paul Faith - AFP

En 2016, Bruxelles a sommé Apple de rembourser à l'État irlandais 13 milliards d'euros d'impôts pour avoir procédé à une optimisation fiscale abusive. Dublin faisant la sourde oreille, Bruxelles pourrait infliger une amende non pas à Apple, mais à Dublin.

Pour certains, l'affaire devient loufoque, mais elle fait apparaître une profonde fracture européenne. En 2016, l'UE a condamné Apple à rembourser l'Irlande d'un manque à gagner fiscal estimé à 13 milliards d'euros. Quel pays refuserait un tel montant? L'Irlande, justement, prête à tout pour qu'Apple maintiennent à Dublin son siège européen. La commission européenne avait imposé une date butoir pour le règlement de la somme: c'était le 3 janvier dernier. Mais le fisc irlandais n'a toujours pas réclamé son dû.

Margrethe Vestager, commissaire européenne à la concurrence, s'apprête donc à mettre davantage la pression sur Dublin. Selon une information de Bloomberg, la Commission européenne pourrait ouvrir, cette semaine, une procédure de "non-conformité" permettant à l'Europe d'infliger directement une amende à Dublin. On en ignore le montant mais si une telle décision était prise, il faudrait aussi la percevoir comme un message adressé à la fois aux géants du web, les fameux Gafa (Google, Apple, Amazon, Facebook...) et aux États membres qui s'opposent à toute harmonisation de la fiscalité au sein de l'Union européenne.

L'Europe divisée sur l'imposition des Gafa

C'est en effet le cœur du problème. Comme le rappelait en 2016 la Commission européenne, en installant son siège en Irlande, "Apple se voit appliquer un taux d'imposition effectif sur les sociétés de 1% sur ses bénéfices européens en 2003, taux qui a diminué jusqu'à 0,005 % en 2014". Si ce taux ne concernait que les ventes réalisées sur l'ile, Bruxelles ne s'en soucierait pas, mais il porte sur l'ensemble des ventes européennes des produits Apple.

Le dossier de l'optimisation fiscale des géants du numérique est l'un des plus sensibles en Europe. Début septembre, Bruno Le Maire, ministre de l'Économie, a convié ses homologues européens à se joindre à un projet pour mieux taxer les géants du numérique et réclamait une proposition formelle de la Commission européenne à la mi-2018. Il n'est toutefois soutenu que par une dizaine d'états sur 28. Parmi les opposants au projet: l'Irlande, Malte, Chypre, le Danemark et le Luxembourg.

Dans son projet, Bruno Le Maire est soutenu par Pierre Moscovici, commissaire européen aux Affaires économiques, qui insiste sur la nécessité d'aboutir à une solution commune pour taxer les géants du net. Selon lui, un échec équivaudrait à "créer en Europe des paradis numériques pour les uns, un enfer administratif pour les autres".

Pascal Samama
https://twitter.com/PascalSamama Pascal Samama Journaliste BFM Éco