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En interdisant Facebook, la Chine a fait de ce patron un milliardaire

Zhang Yiming a créé en 2012 le site d'actualité chinois Jinri Toutiao qui vaudrait 11 milliards de dollars aujourd'hui.

Zhang Yiming a créé en 2012 le site d'actualité chinois Jinri Toutiao qui vaudrait 11 milliards de dollars aujourd'hui. - ByteDance Technology

Zhang Yiming a créé Jinri Toutiao en 2012, une application d'actualité basée sur l'intelligence artificielle qui fait un carton en Chine où l'on ne peut pas s'informer via Facebook comme dans le reste du monde.

Zhang Yiming peut remercier l'État chinois. Ce chef d'entreprise de 34 ans serait à la tête d'une fortune estimée à 3,3 milliards de dollars. Jinri Toutiao, la start-up qu'il a fondée en 2012 vaudrait en effet quelque 11 milliards de dollars depuis sa dernière levée de fonds d'un milliard de dollars, réalisée auprès de Sequoia Capital et du milliardaire russe Yuri Milner. Et comme Zhang Yiming possède 30% du capital de sa société, cela porte son patrimoine à près de 3 milliards d'euros.

Mais que propose donc Jinri Toutiao? Il s'agit tout bonnement d'une application d'actualité qui cartonne en Chine. Le principe est simple: l'application dont le nom peut se traduire en "les unes du jour" fait une sélection des meilleurs articles de la presse chinoise et les propose à la lecture dans un fil d'actualité. Une sorte d'agrégateur d'informations comme Google Actu ou Apple News en quelque sorte. Jinri Toutiao n'emploie donc aucun journaliste. C'est un algorithme qui est à la manœuvre et qui fait une sélection personnalisée d'actualités, de vidéos ou de gifs animés en tous genres. L'intelligence artificielle de l'application utilise toutes sortes de données comme l'historique internet, le modèle de smartphone ou la localisation de l'utilisateur pour lui proposer une sélection personnalisée de l'actualité.

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Bref, une appli intelligente et bien faite mais qui n'a rien de révolutionnaire non plus. Les agrégateurs d'actualités comme par exemple, les américains Digg ou News Republic, sont légion en occident. Sauf qu'aucun ne rencontre le même succès que Jinri Toutiao. L'agrégateur chinois a en effet été téléchargé 700 millions de fois et compte quelque 175 millions d'utilisateurs mensuels. Et pourquoi les Chinois utilisent autant cet agrégateur? Tout simplement parce qu'ils n'ont pas Facebook. L'État chinois bloque en effet depuis toujours l'accès au réseau social américain. Et à moins d'utiliser un VPN, l'accès à Facebook est impossible depuis la Chine continentale.

C'est ce blocage qui explique notamment le succès de l'agrégateur d'actualité. Car aujourd'hui, les réseaux sociaux sont le principal vecteur de diffusion de l'actualité aux États-Unis et en Europe. Selon une étude réalisée par l'Observatoire du web-journalisme reprise par Slate, 73% des 18-24 ans assurent accéder à l'information en ligne principalement via les réseaux sociaux. Très loin devant les applis mobiles et les sites d'informations. Privés du roi des réseaux sociaux, les Chinois se sont donc reportés vers ces autres canaux que sont les agrégateurs.

Les jeunes plus friands de buzz que de longs articles

Et Zhang Yiming a été le premier à se lancer sur le créneau. En 2008, âgé à l'époque de 25 ans, il travaillait pour un site web et était un gros consommateur d'actualité. Mais le marché chinois de l'information se limitait alors aux grands sites d'État qui proposaient un contenu rébarbatif avec des articles longs sans image, ni vidéo. Alors que le site Buzzfeed venait de se lancer aux États-Unis, Zhang Yiming comprend que la nouvelle génération consommera une information différente de la précédente. Une info plus axée sur le contenu multimédia, le buzz, l'insolite... Et c'est sur cette ligne-là qu'il lance Jinri Toutiao en 2012. 

Profitant donc du blocage des grands réseaux sociaux américains, son application rencontre un succès foudroyant. Mais depuis, la concurrence s'est accrue. Les géants du web comme Tencent, Baidu et Alibaba ont lancé ou s'apprêtent à lancer leur propre application d'information. Des groupes qui ne disposent pas encore de l'expertise de Jinri Toutiao mais qui ont des moyens bien plus importants. Par ailleurs l'État chinois, après avoir favorisé (malgré lui) l'émergence de ce type d'applications en bloquant les réseaux sociaux, commence à voir d'un mauvais oeil ce vent de liberté éditoriale. L'appli a été rappelée plusieurs fois à l'ordre pour diffusion de contenus jugés illégaux ou pornographiques. Jinri Toutiao qui agrège des infos en provenance de 4000 sites a même dû embaucher des éditeurs pour aseptiser le contenu diffusé. 

Maintenir ses positions en Chine et continuer à croître en s'attaquant à l'international, voilà la feuille de route de Jinri Toutiao. La start-up a racheté l'application américaine Flipagram qui permet de faire des vidéos à partir de diaporamas de photos. Et surtout, elle tente depuis quelques mois de s'imposer sur de nouveaux marchés comme l'Inde ou l'Indonésie. Deux pays où l'on consomme déjà beaucoup l'actualité via Facebook. Pas sûr que Jinri Toutiao puisse renouveler son exploit chinois.

Frédéric Bianchi
https://twitter.com/FredericBianchi Frédéric Bianchi Journaliste BFM Éco