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Comment l'Elysée a torpillé la vente de Dailymotion aux Chinois

Cédric Siré, François Hollande, Axelle Lemaire, Marc Ladreit de la Charrière et Guillaume Multrier chez Webedia le 10 mars 2015

Cédric Siré, François Hollande, Axelle Lemaire, Marc Ladreit de la Charrière et Guillaume Multrier chez Webedia le 10 mars 2015 - Philippe Wojazer AFP

Le PDG de Fimalac Marc Ladreit de Lacharrière aurait demandé à son vieil ami François Hollande de bloquer la vente du site de vidéos pour le racheter lui-même. Retour sur l'histoire secrète d'une cession qui a fait couler beaucoup d'encre.

Le processus de cession cauchemardesque de Dailymotion est enfin terminé. Voici un mois, Vivendi a finalisé le rachat de 80% du capital auprès d'Orange. Reste un mystère. Il y a un an, Orange et Dailymotion avaient tous deux dit non à un rachat par Canal Plus, filiale de Vivendi.

Comment expliquer donc un tel retournement? Après enquête, il apparaît que Vivendi est tombé à point nommé pour sortir Orange d'une situation inextricable. Mais pas seulement...

"Allo? C'est François Hollande..."

Tout commence le 13 mars. Ce jour là, le Wall Street Journal révèle que le chinois PCCW va, dans quelques jours, entrer en négociations exclusives pour racheter 49% de Dailymotion, valorisé 250 millions d'euros (dette incluse).

Marc Ladreit de Lacharrière n'en revient pas. De longue date, le patron de Fimalac lorgne Dailymotion, un morceau de choix pour compléter son empire internet, qui comprend déjà AlloCiné, 750 Grammes, jeuxvideo.com, Pure People, Easyvoyage... Dès juin 2013, Paris Match affirmait qu'il "brûlait" d'intérêt pour Dailymotion.

La révélation du Wall Street Journal pousse Marc Ladreit de Lacharrière à agir vite et au plus haut niveau. Des sources industrielles concordantes assurent que l'homme d'affaires aurait demandé à son vieil ami François Hollande d'intervenir en sa faveur au lendemain de la publication de l'article.

Le président de la République n'est apparemment pas resté insensible à cet appel. Dans les jours qui suivent, il serait intervenu directement auprès de la direction d'Orange pour bloquer la vente, ajoutent ces sources industrielles.

Vivendi saisit la balle au bond

Mais cette intervention présidentielle ne portera qu'à moitié ses fruits. L'accord sur le point d'être signé avec les Chinois est jeté à la poubelle. Mais le rachat par Fimalac est également rejeté. A la fois par le management de Dailymotion et par Stéphane Richard, désireux de faire preuve d'indépendance.

C'est là que Vivendi saisit la balle au bond et boucle des négociations express (une dizaine de jours à peine) avec Orange. Un accord est annoncé le 7 avril. Entre temps, le ministre de l'économie Emmanuel Macron officialise, le 1er avril, l'opposition du gouvernement à la vente à PCCW.

Pour Orange, l'affaire se termine donc bien. Au final, le site de vidéos est revendu entre 268 et 274 millions d'euros (cf. ci-dessous). Soit une jolie plus-value par rapport au prix d'achat: 127 millions d'euros, auxquels s'ajoutent 30 millions d'euros de recapitalisation.

Interrogés, Orange et l'Elysée n'ont pas répondu, tandis que le porte-parole de Fimalac répond "ne pas souhaiter commenter une affaire qui n'est plus d'actualité".

Orange sortira en 2017

Orange devrait être définitivement débarrassé de Dailymotion dans deux ans. L'ex-France Télécom a prévu de se débarrasser de ses 20% restants au printemps 2017. En effet, l'accord conclu avec Vivendi comprend des promesses d'achat et de vente réciproques exerçables à cette date. Orange aura d'abord la possibilité de vendre ses 20% pour 51 millions d'euros, durant une période de deux mois. Sinon, Vivendi aura la possibilité d'acheter ces 20% pour 57 millions d'euros durant aussi deux mois.

Jamal Henni