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Comment la pub contourne les Adblock

La publicité sur internet a muté pour contourner les logiciels bloqueurs de pub.

La publicité sur internet a muté pour contourner les logiciels bloqueurs de pub. - DR

Ces extensions qui bloquent les bannières et les autres publicités intempestives sur internet font toujours leur travail, mais les annonceurs ont trouvé des moyens imparables pour les contourner.

Ayant téléchargé un adblock, vous pensiez pouvoir échapper aux messages publicitaires consubstantiels à la lecture gratuite des médias en ligne? Vous avez crié victoire trop tôt. Notamment parce que certains éditeurs, à l'instar du site Bild, vous ont repéré, et ne vous laisseront plus passer. Le site internet du quotidien allemand bannit depuis mardi les utilisateurs d'Adblock.

Sur la home du groupe Axel Springer, vous lirez: "vous ne pouvez pas consulter Bild car vous utilisez Adblock. Vous devez le désactiver pour consulter nos articles". Dans un pays où les bloqueurs de pub étaient illégaux jusqu'à une décision inverse de la justice allemande en avril 2015, le média explique que sans ses recettes publicitaires, il ne peut financer le travail de ses journalistes".

Nul besoin d'aller jusque-là en réalité. Parce que depuis l'apparition de la première bannière publicitaire sur internet en 1994, les annonceurs ont fait du chemin. Et ils ont trouvé des moyens imparables pour contourner les bloqueurs de pub.

Payer l'éditeur d'Adblock

Le premier, c'est de négocier directement avec le tout puissant Eyeo, qui édite l'extension Adblock. Celle qui revendique 200 millions d'utilisateurs dans le monde, dont 5 millions en France, admet les contenus promotionnels à certaines conditions. La première: payer un forfait pour figurer dans sa liste blanche. La seconde: rendre sa communication moins gênante pour l'utilisateur.

"La règle cardinale est que vous ne pouvez plus agacer l'internaute avec des animations qui clignotent, des publicités en 'pop-up', des vidéos ou une musique pour attirer leur attention" expliquait au Parisien Till Faida, le créateur d'Adblock, en 2013. En France, des grands noms comme Orange, PriceMinister et Leboncoin ont ainsi montré patte blanche.

Sans payer, mais tout en respectant la "règle cardinale", la pub s'est réinventée. L'outil qui fait fureur chez les publicitaires, et contre lequel les adblocks ne peuvent rien, c'est ce qu'on appelle dans le jargon le "brand content", ou le "native advertising". Concrètement, il s'agit "d'intégrer les marques à du contenu éditorial". En clair, il n'y a plus de pub sur le contenu puisque le contenu devient la pub. C'est par exemple l'humoriste Jérôme Niel qui publie sa vidéo "Le disciple" dans laquelle on le voit apprendre le Kung-Fu auprès d'un maître de l'art martial, avec ses codes humoristiques habituels, sauf qu'il s'agit d'une annonce payée par Kinder Bueno.

Monnayer le placement de logo

Le jeune homme a été à bonne école: il est issu de l'écurie Studio Bagel, racheté l'année dernière par Canal +, qui allait y chercher de plus en plus souvent des talents à faire travailler sur la chaîne. Le collectif d'humoristes qui produit des vidéos virales, à l'instar de Golden Moustache, est passé maître dans l'art de se financer grâce à des contenus que les internautes grignotent allègrement, sans avoir l'impression de regarder de la réclame, tout en monnayant le placement du bon logo ou de la bonne référence .

Dernier à se lancer, et pas des moindres: le spécialiste du buzz, le bien nommé Minute Buzz, qui propose désormais aux annonceurs de produire pour eux des pubs en vidéos à fort potentiel de partage. En somme, de "raconter des histoires qui parlent des marques, qu'on va diffuser partout: sur le site, l'application et les réseaux sociaux", explique Laure Lefèvre, la présidente de la société. Une nécessité à l'heure où "de 5% il y a dix ans, le taux de pubs adblockés est passé à 25%, voire 45% sur certains médias".

Les internautes "adorent les marques"

A aucun moment elle ne craint de faire fuir les utilisateurs du site puisque qu'elle veut justement proscrire "les formats intrusifs que les audiences ne supportent plus". D'autant que selon l'entrepreneuse, "nos usagers ont grandi avec les marques, ils baignent dedans et les adorent. Ils ne les voient plus comme le grand méchant loup, mais attendent d'un annonceur qu'il communique bien". Avec des contenus promotionnels drôles, qui surfent sur l'actu. Qui prennent certes plus de temps à concevoir, mais bien plus efficaces puisque que les gens commentent, like, partagent.

"La limite, c'est que les internautes ne sont pas dupes, et se lâchent dans les commentaires", explique un spécialiste du marketing vidéo. Sous la vidéo "call of beauty", une pastille humoristique qui reprend le thème du jeu vidéo "Call of Duty" pour promouvoir le nouvel opus et la console qui va avec, le débat fait rage. D'un côté les internautes qui dénoncent "la plateforme publicitaire géante qu'est devenue YouTube". De l'autre, ceux qui estiment que "c'est plutôt marrant alors en quoi ça vous embête?".

Nina Godart