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La recette des libraires japonais pour se battre contre Amazon

L’idée est d’obliger les acheteurs à aller dans les librairies de quartier pour être parmi les premiers à découvrir l’ouvrage.

L’idée est d’obliger les acheteurs à aller dans les librairies de quartier pour être parmi les premiers à découvrir l’ouvrage. - Yoshikazu Tsuno - AFP

Pour aider les librairies de quartier à ne pas succomber au rouleau compresseur des sites de vente en ligne, la chaîne Kinokuniya a acheté 90% du premier tirage du dernier livre de Haruki Murakami. Le groupe nippon évoque un "geste de solidarité".

La lutte entre les libraires traditionnels et les vendeurs de livres en ligne, Amazon en tête, prend un nouveau virage au Japon. A l’occasion de la sortie de Romancier de Profession, le dernier ouvrage de Haruki Murakami à paraître ce jeudi 10 décembre dans l’archipel, la chaine de librairie Kinokuniya, a préempté les neuf dixièmes du premier tirage, soit 90.000 exemplaires. L’idée est de faire profiter, non seulement ses points de ventes, mais aussi les librairies de quartier.

Cette opération n’a pas seulement une visée économique. Lors d’en entretien au site du quotidien Nikkei, Masashi Takai, patron de Kinokuniya, a expliqué qu’elle vise "à mettre en exergue la crise du secteur" face à l'emprise croissante des vendeurs en ligne.

Le choix de cette sortie est particulièrement judicieux. Murakami et l’un des romanciers qui vend le plus d'ouvrages dans l'archipel. Chaque nouveau titre est un événement littéraire. Cité régulièrement pour le Nobel de littérature, chaque ouvrage de l'auteur fait un record de ventes. En 2013, son roman "L'Incolore Tsukuru Tazaki et ses années de pèlerinage" a atteint le million d'exemplaires vendus en quelques semaines.

Obliger les lecteurs à se déplacer

Pour Masashi Takai, pas question de laisser ce pactole profiter à Amazon. "C’est un geste de solidarité qui donnera un peu d’oxygène aux libraires" puisque les acheteurs seront obligés à se déplacer dans les boutiques pour être parmi les premiers à découvrir l’ouvrage.

L’écrivain japonais a également décidé de participer activement à cette action. Habituellement très discret, l’auteur de la trilogie "1Q84" a accepté qu’une photo de lui fasse la couverture de son dernier ouvrage. Murakami n’accepte que très rarement de répondre aux questions des journalistes et a toujours refusé d’apparaître à la télévision.

Au Japon, comme partout ailleurs, les librairies ont pris la transformation numérique de leur activité de plein fouet, même si le marché reste important avec un chiffre d’affaires de 1.606 milliards de yens (12 milliards d’euros) en 2014. Depuis 1996, le chiffre d’affaires de la profession a chuté de 40%.

Mais si le dirigeant de Kinokuniya pointe la responsabilité d’Amazon, il n’épargne pas les libraires. "L'une des raisons de leur mauvaise passe est l'absence d'efforts et la tendance à se reposer sur le principe selon lequel des exemplaires non vendus peuvent être retournés à la maison d'édition, si bien que le taux de retour a atteint le niveau horrible de 40%", souligne M. Takai. "Si on ne fait rien, on va mourir assis sur notre chaise".

Pascal Samama, avec AFP