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Crise de croissance pour le festival Burning Man

Durant la semaine du festival, des milliers d’œuvres d'art parsèment ce coin de désert du Nevada.

Durant la semaine du festival, des milliers d’œuvres d'art parsèment ce coin de désert du Nevada. - Flickr cc - Bexx Brown Spinelli

Ce festival artistique s'est ouvert dimanche dans le désert du Nevada. Issu de la contre-culture, il est accusé de se normaliser sous l'influence de la Sillicon Valley toute proche.

Il y a 30 ans, en 1986, Larry Harvey et Jerry James brûlèrent la statue d'un homme sur une plage de San Francisco. Sans s'en douter, ils créèrent ainsi le festival Burning Man, qui rassemble aujourd'hui près de 70.000 personnes. La dernière édition a ouvert ce dimanche 28 août pour durer une semaine, jusqu'au 5 septembre.

Depuis 1990, le festival a quitté San Francisco et se tient dans un village éphémère installé en plein désert du Nevada. En trois décennies, Burning Man a bien grandi. La plupart des tickets d'entrée se vendent à 390 dollars, loin des 35 dollars de la première année. Le budget du festival (un organisme non lucratif) dépasse aujourd'hui les 30 millions de dollars. 

Au menu, des performances artistiques en tous genres: sculptures, peinture, musique... "C'est une expérience unique qu'on ne peut retrouver nulle part ailleurs. Tout est fou, de jour comme de nuit. On se croirait sur une autre planète. On déconnecte complètement", raconte Alex, un Français qui a deux festivals à son actif, et avoue "être vite devenu accroc". 

Défouloir pour la Sillicon Valley

Le festival, qui se revendiquait de la contre-culture, est aujourd'hui accusé de devenir de plus en plus mainstream, et de servir de défouloir aux ingénieurs de la Sillicon Valley toute proche. "Burning Man, c'est la Silicon Valley. Si vous n'y êtes pas allé, vous ne comprenez pas", déclarait en 2014 Elon Musk, patron de Telsa et habitué du lieu. On y a aussi vu Mark Zuckerberg (Facebook), Jeff Bezos (Amazon), Larry Page ou Sergey Brin (Google).

Ces deux derniers ont d'ailleurs déclaré avoir recruté Eric Schmidt comme directeur général de Google car c'était le seul candidat à être allé à Burning Man, "un critère important". Le moteur de recherche a donné des vélos au festival. Et son Doodle aurait même été inventé lors d'une édition du festival.

Problème: les pontes de la Sillicon Valley recourent à une débauche de moyens pour se rendre au festival: voyage en jet privé ou en hélicoptère (comme Mark Zuckerberg), séjour dans des campings cars de luxe avec une cuisine mitonnée par de grands chefs...

Ce qui est à l'absolu opposé de la philosophie du festival, qui repose sur le don, tout commerce étant interdit sur place. Autre principe: l'auto-suffisance, les festivaliers (appelés Burners) amenant sur place de quoi se sustenter, et dormant pour la plupart sous la tente.

"On ne parle pas vraiment boulot à Burning Man"

Aussi, l'apparition ces dernières années de services tout confort pour VIP, facturés jusqu'à 25.000 dollars par personne, a suscité la controverse. En 2014, le Key Group (un service suisse de conciergerie) a voulu proposer à Burning Man de l'électricité, de l'eau, de l'accès à Internet par satellite, des buffets "cuits ou frais"... mais a dû renoncer face au tollé suscité.

Reste des services approuvés par le festival, comme Classic Adventures RV, qui propose un hébergement en camping car pour 5.500 à 10.000 dollars la semaine. Un de ses responsables, Dave Johnson, admettait sans ambages dans le Wall Street Journal qu'il y a des classes sociales à Burning Man: "Les gens qui ont de l'argent ne veulent pas rester sous la tente".

John Law, un des co-fondateurs du festival, a déclaré dans Newsweek: "Burning Man est devenu ce à quoi je voulais échapper en allant dans le désert: une société hiérarchisée où les riches sont servis par des pauvres. C'est aujourd'hui un lieu de vacances pour les entreprises. Facebook et Google n'auraient pas pu inventer meilleur lieu de vacances pour leurs salariés".

Pour Alex, c'est un faux problème: "Je n'ai pas vu de camps pour VIP. Et il y a tellement de monde que 2-3 camps VIP ne changeraient pas le paysage du festival. On ne parle pas vraiment boulot à Burning Man".

Jamal Henni