BFM Business
Services

Le CSA favorable à une fusion avec l'Arcep

Le président du CSA Michel Boyon est favorable à une fusion, mais une partie de son collège est contre

Le président du CSA Michel Boyon est favorable à une fusion, mais une partie de son collège est contre - -

Le gendarme de l'audiovisuel pose ses conditions à un rapprochement avec le gendarme des télécoms.

Il y a quinze jours, l'Arcep publiait son avis sur un mariage avec le CSA. Sans oser dire franchement non, cet avis listait moult raisons pour ne pas fusionner. Rebelotte mardi 30 octobre. C'est au tour du gendarme de l'audiovisuel de s'exprimer. Là encore, la langue de bois technocratique est de mise: dans son avis, le CSA n'ose pas franchement dire oui, mais liste toutes les bonnes raison d'un rapprochement. Surtout, il formule deux "propositions": fusion totale ou "progressive", mais fusion dans les deux cas.

Il faut dire que la position du CSA est délicate: si son président Michel Boyon est favorable à une fusion, une partie des autres membres du collège (qui risquent de perdre leur poste en cas de fusion) y est opposés. Toutefois, Michel Boyon a visiblement réussi à réunir une majorité pour adopter ce texte favorable à une fusion.

Liste à la Prévert

Alors que l'Arcep expliquait longuement qu'il n'y avait aucun rapport entre la régulation des télécoms et celle de l'audiovisuel, le CSA tente de démontrer l'inverse. "Les frontières traditionnelles entre audiovisuel et télécoms s’estompent, assure-t-il. La multiplication prévisible des sujets communs à l’Arcep et au CSA milite pour un rapprochement dans trois domaines au moins: la gestion des fréquences, la régulation économique et la régulation des services en ligne".

Le CSA dresse une longue liste les "centres d'intérêts communs" entre les deux régulateurs. Mais l'exercice n'est guère convaincant: cette liste à la Prévert ratisse très large, et comprend essentiellement des services aujourd'hui plus qu'embryonnaires: télévision connectée, social TV, chaînes lancées par YouTube, vidéo-à-la-demande sur la TNT, Wi-Fi dans les espaces blancs entre fréquences TV... L'avis cite aussi les domaines de coopération actuels entre les deux gendarmes, qui s'avèrent bien réduit: ils se limitent à la régulation de TDF, aux avis réciproques rendus lors des arbitrages, et au brouillage entre fréquences télécoms et TV. Offensif, le CSA estime aussi que la neutralité de l'Internet, aujourd'hui traité par l'Arcep, relève de sa compétence: il "constitue le prolongement naturel de la liberté de communication dans la mesure où il conditionne l’accès aux contenus audiovisuels".

Deux collèges

Surtout, le régulateur de l'audiovisuel pose ses conditions à une fusion. Mais, là où l'Arcep posait d'importantes conditions préalables et irréalisables, celles du CSA sont peu nombreuses, réalisables et ne s'opposent pas au principe même d'une fusion.

Principale condition: maintenir deux collèges distincts, l'un pour l'audiovisuel et l'autre pour les télécoms. Ce maintien de deux collèges fait partie des "garanties" demandées par le secteur audiovisuel, qui tient à un collège audiovisuel pour défendre ses intérêts face aux télécoms. Accessoirement, il pourrait aussi permettre de sauver une partie du collège actuel du CSA... "La fusion des collèges suscite des oppositions et peut paraître prématurée, écrit le CSA. Le maintien de deux collèges constituerait une garantie contre les risques d’interférence entre des principes de régulation différents, voire divergents. Les exigences liées au respect du pluralisme et de l’exception culturelle rendent indispensable de maintenir, du moins à moyen terme, deux collèges distincts". Toutefois, le CSA accepte que les deux collèges aient un président commun.

Ce que le CSA ne veut pas

Par ailleurs, le CSA s'oppose aussi à un ménage à trois avec l'Agence des fréquences (ANFR), qui est aujourd'hui une administration, et non une autorité indépendante comme le CSA ou l'Arcep. "Une fusion totale de l’ANFR avec le CSA ou l’Arcep semble difficilement envisageable. Le Gouvernement se priverait d’un instrument qui lui est nécessaire pour rendre ses arbitrages et, par extension, d’un pouvoir important".

Le CSA ne veut pas non plus fusionner avec l'Hadopi, avec qui "les sujets d'intérêt commun sont quaisment inexistants".

Enfin, le gendarme de l'audiovisuel fait aussi un sort à l'idée de couper le CSA en deux, avancée par l'Arcep. "Il serait illusoire, voire destructeur, de déconnecter les différents aspects (techniques, juridiques, économiques) de la régulation des contenus audiovisuels, telle que l’assure aujourd’hui le CSA", qui "forme un tout".

Enfin, tout comme l'Arcep, le CSA se fait aussi plaisir en revendiquant plus de pouvoirs. Ainsi, l'idée de confier au CSA une régulation a priori de la télévision payante "mériterait d'être retenue, surtout à l'occasion d'un rapprochement entre l'Arcep et le CSA". Et tant qu'à faire, la régulation doit être "étendue à des services qui échappent aujourd'hui à toutre réglementation". Notamment, la régulation des contenus audiovisuels sur Internet est "nécessaire".

Reste maintenant à savoir si cet avis favorable du CSA relancera un projet de fusion qui a plus de plomb dans l'aile à chaque jour qui passe. Comme le dit un ancien membre de l'Arcep: "on peut se demander si le CSA et l'Arcep étaient vraiment les mieux placés pour donner leur avis sur leur propre disparition, surtout s'ils ne font que défendre leur propre intérêt, au lieu de songer à l'intérêt général".

Le titre de l'encadré ici

|||Quid des fréquences?
Hélas, l'avis du CSA -comme celui de l'Arcep- fait l'impasse sur certains sujets qui fâchent, à commencer par les fréquences: comment les partager entre télécoms et audiovisuel? Faut-il rapprocher leurs modalités d'attribution? Tout juste l'avis du CSA indique que le secteur audiovisuel a demandé à ce que la répartition des fréquences entre secteurs reste de la compétence du gouvernement. Il ajoute pudiquement que les fréquences de télévision "sont soumise à la pression des opérateurs télécoms", qui aimeraient en reprendre encore un bout -c'est ce qu'on appelle le "deuxième dividende". Lors du premier dividende, les télécoms ont pris une partie des fréquences de la télévision analogique pour lancer les services dit 4G. Ce premier dividende avait entraîné une vive tension entre les deux gendarmes, et notamment la suspension entre 2007 et 2011 du groupe de liaison qui réunissait périodiquement les deux collèges.

Jamal Henni