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Le CSA dans le viseur de l'Assemblée nationale

La députée reprend les arguments de TF1 et M6 pour critiquer Michel Boyon

La députée reprend les arguments de TF1 et M6 pour critiquer Michel Boyon - -

La députée socialiste Martine Martinel critique l'attribution de fréquences à de nouvelles chaînes de télévision ou de radio en pleine récession publicitaire.

Mis à jour à 15h30

Martine Martinel a décidé de rhabiller pour l'hiver le CSA (Conseil supérieur de l'audiuovisuel). La moitié de son rapport sur le projet de budget de la Culture pour 2013 (disponible ci-dsssous) est une critique en règle du gendarme de l'audiovisuel.

Non sans humour, la députée socialiste a retrouvé de vieilles déclarations de Michel Boyon, où il défendait des positions inverses de celles d'aujourd'hui. Ainsi, elle rappelle qu'en 2010, le président du CSA affirmait qu'un rapprochement avec l'Arcep était "un faux, ou plutôt un non problème", car les missions et les champs de compétences des deux gendarmes étaient totalement différents. Depuis, il a effectué "un revirement spectaculaire et improbable".

Mais le rapport critique surtout l'attribution de 6 nouvelles chaînes de télévision numérique terrestre (TNT) décidée par le CSA en octobre dernier. Il rappelle que, à peine un mois et demi plus tôt, Michel Boyon avait remis un rapport qui ne plaidait pas vraiment pour une multiplication des chaînes TNT... "Les meilleurs arguments contre le lancement de ces six nouvelles chaînes se trouvent dans le rapport de Michel Boyon", ironise la députée.

"Connerie noire"

"Le lancement de six nouvelles chaînes a suscité la perplexité de la quasi-totalité des personnes entendues. Catastrophe, décision baroque, décision politique, décision incompréhensible, connerie noire… les interlocuteurs ont fait preuve d’une grande richesse lexicale pour qualifier le lancement de six nouvelles chaînes. La quasi-totalité des personnes auditionnées, y compris certains des acteurs retenus par le CSA pour ces six chaînes, a estimé que leur lancement était une très mauvaise décision, qui intervenait au pire moment", écrit la députée.

"Cette décision ne semble pas pertinente du point de vue économique", affirme Martine Martinel, qui reprend ainsi les arguments des chaînes historiques, comme TF1 et M6. En effet, "des interrogations se font jour sur la viabilité économique de certaines chaînes. L’Équipe HD est déjà venue exposer les difficultés à venir de la chaîne. Si le marché publicitaire ne grossit pas, certaines de ces nouvelles chaînes n’atteindront pas leurs objectifs". Conclusion: "pour certains observateurs, de nouvelles cessions sont à prévoir dans les années à venir".

En outre, "on peut véritablement s’interroger sur ce qui a motivé la précipitation avec laquelle le CSA a pris une décision peu opportune pour l’ensemble du secteur". En effet, le CSA n'a pas mené de consultation publique préalable. Bref, cette décision est "incompréhensible" et "constestable sur le fond et la forme".

Martine Martinel juge aussi "décevant" le bilan des chaînes TNT lancées en 2005. Leur équilibre financier est encore "fragile". Résultat: elles "ont jusqu’à présent largement privilégié la rediffusion de programmes de catalogue au détriment des productions inédites". Elles ont aussi peu investi dans les programmes de fiction. Enfin, plusieurs se revendues aux chaînes historiques, allant ainsi contre l'objectif initial de diversifier les acteurs de la télévision.

Coup fatal porté aux TV locales

La même critique est faite sur les chaînes locales, où le CSA a attribué des fréquences à tour de bras "en l'absence de modèle économique". Pour la députée, "la question du pluralisme et de l’indépendance des chaînes par rapport aux collectivités dont elles perçoivent des aides constitue un véritable sujet". Or sur ce point, le contrôle du CSA est "inexistant". En outre, "la politique de soutien du CSA et du ministère de la culture aux télévisions locales a été quasiment inexistante". Pire: le CSA a décidé que les six nouvelles chaînes TNT occuperont les numéros 20 à 25, actuellement occupés par les chaînes locales, qui seront donc repoussées au delà-du numéro 26. "Une décision effarante qui porte un coup fatal aux télévisions locales", selon le rapport.

Last but not least, la députée critique aussi l'attribution par le CSA de fréquences en radio numérique terrestre: "relancer la RNT exige un travail rigoureux mené dans la concertation, et non un redémarrage à marche forcée, sans qu’aucune des hypothèques relevées n’ait été levée".

Conclusion: "l’approche du CSA n’est pas assez économique. Des décisions qui ne sont pas suffisamment étayées par des études d’impact économique, peuvent apparaître trop politiques ou arbitraires", écrit la députée, qui "souhaite que le CSA systématise le recours à des études d’impact préalables aux décisions, et motive davantage ces dernières. Lorsque le CSA statue sur [un rachat ou un changement de format], il devrait systématiquement réaliser une analyse économique et financière. Un régulateur doit connaître son marché..."

Contre la prolongation du mandat de Michel Boyon

Toutefois, Martine Martinel admet que si le CSA distribue à tout va les fréquences, c'est aussi parce que la loi le lui impose, dès lors qu'elle ne sont pas utilisées. "Pour ne pas que cette obligation se traduise par le développement intempestifs de médias dénués de modèle économique, ce qui affaiblit l’ensemble de l’audiovisuel hertzien, il pourrait être opportun d’assouplir le dispositif", suggère-t-elle, reprenant une suggestion du CSA lui-même, qui aimerait ne pas être obligé d'attribuer les fréquences quand elles sont disponibles.

Par ailleurs, la députée plaide pour un "contrôle accru" du Parlement, qui devrait "évaluer l'action" du CSA. Logiquement, Martine Martinel s'oppose à la prolongation du mandat de Michel Boyon au delà-de son terme (janvier 2013), et juge "préférable" la nomination d'un nouveau président, au moins "par intérim", en attendant une fusion avec l'Arcep.

Le titre de l'encadré ici

|||Quand l'Arcep plaide pour une fusion CSA-CNIL... Martine Martinel exprime ses réticences sur un rapprochement entre le gendarme de l'audiovisuel (CSA) et celui des télécoms (Arcep). "S’il est décidé de conserver, pour l’essentiel, les objectifs actuels de la régulation audiovisuelle, une convergence institutionnelle n’apparaît pas forcément nécessaire, en tout cas pour le moment. En tout état de cause, le maintien de deux collèges distincts apparaît indispensable", écrit-elle. Surtout, elle dit être opposée à une fusion si "l'objectif est d'étendre le contrôle du CSA aux contenus circulant sur Internet, ou de remettre en cause le modèle de régulation du secteur audiovisuel". Le rapport ajoute: "le président de l'Arcep Jean-Ludovic Silicani a même estimé lors de son audition que le seul organisme dont il était pertinent que le CSA se rapproche était la CNIL, qui a une compétence en matière de contrôle des contenus sur Internet".

Jamal Henni