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La culture se mobilise contre les négociations commerciales avec les Etats-Unis

Le représentant américain au commerce Ron Kirk et le commissaire européen au commerce Karel de Gucht le 28 janvier à Davos

Le représentant américain au commerce Ron Kirk et le commissaire européen au commerce Karel de Gucht le 28 janvier à Davos - -

La Commission européenne doit décider d'ici au 14 juin si le secteur culturel fera partie ou non du futur accord de libre échange négocié avec Washington. Paris s'y oppose, avec le soutien de ses industries culturelles.

Le mois dernier, l'Europe et les Etats-Unis ont annoncé vouloir négocier un accord de libre échange. L'objectif de Bruxelles serait de conclure cet accord avant fin octobre 2014, c'est-à-dire avant le terme du mandat de l'actuelle Commission.

Le 13 mars, la Commission a adopté un projet de mandat de négociation. Elle a notamment décidé d'inclure le secteur culturel dans le champ du mandat, ceci malgré l'opposition de trois commissaires: le français Michel Barnier, l'italien Antonio Tajani et la chypriote Androulla Vassiliou. Celle-ci, commissaire en charge de la culture, a expliqué qu'il s'agissait d'"une condition posée par les Etats-Unis, qui veulent que la négociation porte sur tout".

"Fourberie hallucinante"

Certes, il ne s'agit pour l'heure que d'un projet de mandat. Le mandat définitif doit être adopté le 14 juin, avec une majorité qualifiée, lors d'un conseil des ministres européens du Commerce.

Mais d'ores et déjà, ce projet suscite l'ire des industries culturelles françaises, et en particulier de la Coalition française pour la diversité culturelle, qui réunit producteurs, auteurs et syndicats.

"L'Europe s'est couchée devant les Etats-Unis, a déploré jeudi 28 mars le président de cette coalition, Pascal Rogard. La fourberie de la Commission européenne est hallucinante. Elle se renie par rapport à ses engagements. Elle commet une boulette politique qui va favoriser le sentiment anti-européen".

Selon lui, "avant le vote du projet de mandat, François Hollande a fait part de son opposition à José-Manuel Barroso, qui n'en a tenu aucun compte. La Commission veut donc humilier la France."

Pascal Rogard a rappelé que, lors des négociations commerciales précédentes, la culture avait été exclue du champ des discussions au nom de "l'exception culturelle".

"Ca va être violent"

Selon lui, le commissaire européen au commerce, le belge Karel de Gucht, qui mène les discussions, serait prêt à accepter deux revendications américaines.

D'une part, Karel de Gucht serait prêt à "geler" toute la réglementation audiovisuelle actuelle, qui permet de subventionner les oeuvres européennes, d'imposer des quotas en leur faveur... En pratique, cela empêcherait tout renforcement ou toute adaptation de cette réglementation.

D'autre part, il serait prêt à mettre un terme à la réglementation européenne des Smad (services de médias audiovisuels à la demande) -en clair, la vidéo-à-la-demande et la télévision de rattrapage. Aujourd'hui, ces services doivent respecter une directive européenne, ce qui permet de les obliger à acheter ou à diffuser des oeuvres européennes. En l'absence de cette réglementation, chaque Etat membre de l'Union pourrait alors décider de réguler ou non ces services. Mais ces services seraient alors tentés de s'installer dans l'Etat le moins régulé, puis de proposer, à partir de là, leurs services dans toute l'Union.

"Mais on ne va pas se laisser rouler dans la farine. Cela va être violent", a promis Pascal Rogard.

Jamal Henni