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Dailymotion-Yahoo!: les enjeux d'un rapprochement raté

Capture d'écran des pages d'accueil de Yahoo! et Dailymotion.

Capture d'écran des pages d'accueil de Yahoo! et Dailymotion. - -

Imbroglio autour de l'affaire Dailymotion-Yahoo!, ce 2 mai. Les enjeux et les conséquences de l'échec du partenariat entre le Français et l'Américain en trois points.

Le gouvernement s'est embrouillé sur l'affaire Dailymotion ce jeudi 2 mai. Pierre Moscovici affirme ne pas être "particulièrement impliqué" dans le dossier, après qu'Arnaud Montebourg l'a associé à sa décision de bloquer le deal avec Yahoo!.

Le ministre du Redressement productif explique son refus en mettant en avant la "santé vacillante" de Yahoo!, un groupe qui risquait selon lui de "dévorer" Dailymotion. Le point sur l'affaire en trois questions.

> Pourquoi Dailymotion a besoin d'un partenaire ?

Hors des Etats-Unis, point de salut! Face au géant YouTube, Dailymotion voulait un partenaire industriel forcément américain. "L'avenir du site n'est pas en France", lâche un cadre sous couvert d'anonymat. Un autre connaisseur du dossier résume la situation : Dailymotion, "gagne à peine de l'argent et reste cantonné à des frontières réduites".

Sur le papier, Yahoo! avait tout ce qui lui manquait : une régie publicitaire puissante, un carnet d'adresses plein de futurs annonceurs potentiels, et un accès privilégié aux internautes américains, qui mangent de la vidéo en ligne matin, midi et soir.

Pourquoi ce repreneur idéal ne s'est pas contenté d'un partenariat à parts égales, comme le proposait Arnaud Montebourg ? Selon un proche du dossier, parce que les géants américains du web détestent cela : "le 50/50, c'est loser/loser".

> Yahoo aurait-il été un bon allié ?

Le portail a-t-il une santé si "vacillante" que cela, pour reprendre les propos d’Arnaud Montebourg ? Principal point noir : le trafic. Il décline depuis deux ans, et avec lui les revenus. Le groupe a été sanctionné pour ses résultats du 1er trimestre et ses prévisions pour le 2ème trimestre ont laissé les investisseurs sur leur faim.

En réalité, Yahoo! est un groupe en pleine mutation, qui a vu passer cinq directeurs généraux en quatre ans, et qui doit réussir son passage dans le mobile. C’est l’objectif de Marissa Mayer, qui rachète des starts-up à tour de bras, six depuis neuf mois qu'elleen est la directrice générale. Des acquisitions pas toutes bien vues, comme celle de Summly, un peu trop chère payée pour certains investisseurs.

Mais le portail reste l’un des plus attractifs aux Etats Unis, n°3 derrière Google et Facebook. Pour une entreprise "vacillante", le salaire de sa directrice fait encore rêver : 36 millions de dollars l’an passé. Et depuis six mois, l’action a regagné près de 50% de sa valeur.

> Quelles sont les conséquences de l'échec du deal ?

Il y a d'abord l'aspect politique de l'affaire. Outre la cacophonie à Bercy, Arnaud Montebourg compte un accrochage avec des patrons de plus à son actif. Dans Les Echos, il reprochait à France Télécom de chercher à se "débarrasser de Dailymotion", alors qu'il aurait "dû être leur rôle de développer [la plateforme]!".

Cette fois, le ministre du Redressement productif s'en prend à l'un des rares dirigeants qui font preuve de bonne volonté vis-à-vis du gouvernement, notamment sur le plafonnement des salaires.

L'affaire pourrait aussi pâtir à l'investissement étranger en France. Selon un ancien cadre de Yahoo!, la réputation de l'Hexagone en interne n'était déjà pas très bonne.

Les médias américains, Wall Street Journal en tête, critiquent vertement ce travers nationaliste, qui ternit l'image de la France auprès des investisseurs étrangers dont le pays a pourtant besoin s'il veut retrouver de la croissance.

Anthony Morel et Aurélie Boris et BFMbusiness.com