Dans la tourmente, Toshiba ne publie pas ses résultats

Le conglomérat japonais, en difficulté depuis la révélation d'irrégularités relatives à une filiale américaine a repoussé d'un mois la publication de ses résultats. Le groupe devait annoncer de lourdes dépréciations d'actifs.

Le conglomérat industriel japonais Toshiba soupçonne désormais des irrégularités dans sa filiale Westinghouse, un rebondissement qui l'a conduit à annuler mardi la publication de ses résultats financiers, faute de les avoir bouclés à temps. Le groupe a demandé et obtenu auprès des autorités un délai d'un mois, jusqu'au 14 mars, pour rendre sa copie une fois établie la vérité sur de possibles agissements délictueux au sein de l'entité nucléaire américaine.

"Nous n'avons pas terminé les procédures d'audit avec le cabinet de commissaires aux comptes indépendants", a expliqué Toshiba dans un communiqué, faisant référence aux dépréciations d'actifs relatives à Westinghouse et à diverses difficultés pour établir des documents complets.

Un signalement interne à l'origine de l'affaire

Le groupe précise alors que des avocats mandatés par lui-même sont en train de vérifier l'éventualité de pressions exercées par des dirigeants de Westinghouse sur une entité non définie, pour accélérer l'opération du rachat d'une entreprise appelée CB&I dont la valorisation est à présent contestée. Ce développement découle du "signalement en interne (en janvier) d'agissements inappropriés", durant cette transaction datant de fin 2015 qui est à l'origine des malheurs actuels de Toshiba.

Les avocats "sont en train d'examiner s'il y a eu effectivement ou non des pressions et le cas échéant si celles-ci peuvent avoir une incidence sur les comptes ou non", a expliqué Toshiba, qui dit avoir décidé "hier après-midi" (lundi) que des investigations supplémentaires étaient nécessaires. "Nous avons jugé qu'il fallait attendre le rapport de ces enquêtes", a ajouté le groupe, un épisode qui rappelle le déroulé d'un précédent scandale qui a valu au printemps 2015 à Toshiba de faire la une de la chronique judiciaire, un placement sous surveillance à la Bourse de Tokyo, des abaissements de note, la cession d'activités dans la douleur et la perte de confiance des marchés.

Plusieurs milliards de dollars de dépréciations

Toshiba a plongé ses actionnaires dans l'expectative depuis des semaines en annonçant soudainement fin décembre devoir passer dans ses comptes des dépréciations d'actifs chiffrées à "plusieurs milliards de dollars", en raison des mauvais calculs de sa filiale américaine Westinghouse lors du rachat de CB&I. Le groupe aurait dû détailler mardi midi le montant de cette dévalorisation liée à des coûts inattendus dans des projets de construction de centrales nucléaires aux États-Unis.

Toshiba s'apprêtait en outre selon la presse à faire état d'une perte nette de 400 milliards de yens (3,3 milliards d'euros) pour les neuf mois d'avril à décembre derniers. 

Toshiba sortirait du nucléaire

La vigilance promise après les fraudes révélées en 2015 n'est pas allée jusqu'à passer au peigne fin les risques liés aux opérations conduites par Westinghouse aux États-Unis où l'entreprise s'est, de l'aveu même de ses dirigeants, rendu compte trop tard qu'en rachetant CB&I, une firme impliquée dans la construction de centrales nucléaires, elle avait ouvert sous ses pieds un gouffre financier. Depuis l'accident de Fukushima, les pré-requis dans ces installations ont été grandement revus et les coûts de construction ont flambé, ce que Westinghouse avait mal évalué.

Selon le quotidien Nikkei de mardi, Toshiba envisage d'inscrire pour la première fois dans son rapport de résultats une note de mise en garde de ses investisseurs quant à la continuation de ses activités. Le patron, Satoshi Tsunakawa, avait laissé entendre lors d'une récente conférence de presse que le conglomérat pourrait abandonner la construction de centrales atomiques hors de l'archipel pour se concentrer sur la fourniture de réacteurs et leur entretien. Il prévoirait aussi selon le Nikkei de céder ses parts (60%) dans NuGen, une société nucléaire conjointe avec le français Engie en Grande-Bretagne.

Radiation de la Bourse?

Toshiba est acculé à une nouvelle reconfiguration de ses activités, qui va aussi passer par le placement dans une nouvelle entité de la division des puces-mémoires afin d'en ouvrir le capital à des investisseurs tiers. Le groupe tentaculaire a déjà été condamné à maints sacrifices pour tenter de se remettre du retentissant scandale de manipulations comptables révélées en 2015.

Les développements de ce mardi vont réactiver les craintes d'une radiation de l'action Toshiba à la Bourse de Tokyo, où elle a chuté de 8% mardi et a perdu environ la moitié de sa valeur depuis l'annonce fin décembre de risques relatifs au rachat de CB&I par Westinghouse.

N.G. avec AFP