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Dessertine : « le crédit, un mode complètement fou »

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Professeur d'économie, directeur de l’Institut des hautes finances, Philippe Dessertine a évoqué les conséquences de la crise financière en France.

Guillaume Cahour : Depuis la crise des subprimes l'été dernier, quelles conséquences cela a-t-il eu sur notre économie européenne et française ?

Philippe Dessertine : La première chose c'est que ce problème majeur de dichotomie entre la création de richesse et la création de monnaie s'est communiqué sur l'ensemble du système financier international. C'est-à-dire que la crise des subprimes a d'abord été un problème majeur des banques, et en particulier des banques américaines, qui n'est pas terminé. Ça veut dire que toutes les banques qui avaient fondé leur développement de dettes et de produits de plus en plus complexes sur la base de certitudes qui étaient liées à l'immobilier ont vu peu à peu leur contrepartie de dettes disparaître. Aujourd'hui, on voit donc les banques, les unes après les autres, y compris non-américaines, qui ont des pertes, des difficultés de bilan, parce qu'elles ont des dettes, et en face, elles n'ont plus d'actif, elles n'ont plus d'équivalent qui garantit la dette. Donc première contamination au système financier.

Guillaume Cahour : Mais pourquoi des banques françaises sont-elles concernées ?

Philippe Dessertine : Parce qu'on avait, du point de vue de l'économie financière mondiale, une telle interaction entre le système financier, que les banques françaises avaient des liquidités par exemple, quand elles voulaient placer de l'argent : elles allaient acheter des titres sur les marchés internationaux et ces titres étaient notamment émis par le plus grand marché financier mondial, qui est le marché américain. Les banques françaises ont utilisé, comme toutes les banques mondiales, le marché américain, comme étant un débouché possible de leurs placements et de leurs propres emprunts.

Guillaume Cahour : Ce que l'on constate aujourd'hui en France, c'est qu'il est plus difficile de vendre son bien immobilier, mais aussi d'acheter, parce qu'on a du mal à avoir des crédits. Est-ce que le fait que le taux des crédits a augmenté a un lien avec cette crise des subprimes aux Etats-Unis ?

Philippe Dessertine : Absolument. C'est-à-dire que l'idée aujourd'hui est de dire que ce mode de fonctionnement complètement fou que nous avons connu pendant des années, avec création de dettes massive alors qu'on ne créait pas de la richesse directement dans les mêmes endroits, il faut arrêter. On pourrait dire que l'on a créé de l'actif fictif dans l'économie occidentale pendant plusieurs années, et en particulier dans l'économie Américaine. On a donc dit stop, il faut arrêter. On essaie donc de restreindre les missions de crédits, donc arrêter de produire de la dette aberrante, ce que les Américains ne font pas encore réellement aujourd'hui, et ça veut dire aussi que pour le consommateur, vous ne trouvez plus de possibilités pour vous financer.

La rédaction-Bourdin & Co