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Discrimination: pourquoi les employeurs doivent se méfier du testing

Pour voir si les entreprises n'écartent pas certains candidats pour de mauvaises raisons, les associations luttant contre la discrimination vont pouvoir mener des campagnes de testing.

Pour voir si les entreprises n'écartent pas certains candidats pour de mauvaises raisons, les associations luttant contre la discrimination vont pouvoir mener des campagnes de testing. - Geralt- CC

Associations et syndicats peuvent désormais envoyer des candidatures fictives aux entreprises pour voir si elles écartent systématiquement les candidats en fonction de leur sexe, origine… Ces preuves peuvent ensuite servir à lancer des actions de groupe.

L'affaire avait fait grand bruit. En décembre dernier, le ministère du Travail avait testé les pratiques en matière de discrimination à l'embauche de 40 entreprises de plus de 1.000 salariés. Reposant sur l'envoi de plus de 3.000 candidatures fictives, cette campagne de testing avait mis en évidence le fait qu'avoir un nom à consonance magrébine était un frein au recrutement. Cette pratique est prohibée par la loi, mais les faits constatés par ce vaste testing n'avait donné lieu à aucune poursuite faute d'un cadre législatif adapté. C'est désormais chose faite. Depuis le 27 janvier 2017, la loi reconnaît désormais que le testing peut constituer un élément de preuve.

Concrètement, il s'agit de collecter des informations sur les pratiques de discriminations des entreprises en procédant à des essais permettant d'établir des statistiques. "Le gros des actions de testing va concerner les procédures de recrutement, car c'est ce qu'il y a de plus facile à prouver", souligne Déborah David, associée au cabinet Jeantet. Il peut s'agir d'envoyer deux CV relativement similaires, en changeant par exemple la photo du candidat ou le nom si l'on veut vérifier que l'entreprise n'écarte pas les personnes en fonction de leur physique ou de leur origine. Le testing peut aussi être mené lors de rendez-vous en face à face ou bien par téléphone.

Une mise en garde avant le lancement de la procédure

Les preuves collectées peuvent ensuite donner lieu à des poursuites sous la forme d'actions de groupe, là aussi un dispositif récent, mis en place dans le cadre de la loi de modernisation de la justice du XXI siècle du 18 novembre 2016. Seules les associations œuvrant depuis plus de cinq ans dans le domaine de la discrimination et du handicap ainsi que les syndicats représentatifs peuvent initier une action de groupe dans le cadre de la discrimination au travail.

"Toutes les entreprises sont donc potentiellement concernées par l'action de groupe", met en garde Patrick Thiébart, associé au cabinet Jeantet. La procédure prévoit une première mise en garde auprès de l'entreprise, une fois les faits constatés, ce qui lui laisse la possibilité de cesser ses pratiques illicites. Ce n'est qu'au bout de 6 mois, si l'entreprise persévère, que l'action de groupe pourra être engagée. "A ce stade, il n'y a pas encore eu de mise en pratique, mais cela être lourd pour les entreprises c'est un contentieux qui va s'établir sur plusieurs jours", pointe du doigt Patrick Thiébart, soulignant que le Tribunal de grande instance va devoir déterminer quel groupe de personnes peut demander réparation et établir les préjudices réparables. 

Une mauvaise publicité pour les entreprises visées

Certes, il ne faut pas s'attendre à ce que le tribunal condamne les entreprises à des millions d'euros des dommages et intérêts, comme c'est couramment le cas aux Etats-Unis. "D'ailleurs les actions de groupe n'ont pas pour visée d'obtenir réparation vis-à-vis des anciens candidats qui ont été retoqués pour de mauvaises raisons mais plutôt à pointer du doigt les entreprises qui se comportent mal", analyse Déborah David. Les employeurs vont surtout pâtir d'une mauvaise publicité et faire face à des procédures longues et coûteuses.

Quelle attitude doivent adopter les employeurs face à cette nouvelle menace: ne pas rester passifs. "Il faut mener une politique de prévention vis-à-vis des discriminations, sensibiliser les gens est fondamental même si cela ne donne pas une exonération totale vis-à-vis des actions de groupe", conclut Patrick Thiébart.

Coralie Cathelinais