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DSK: pourquoi "Welcome to New York" ne sort pas en salles

Le film est largement négatif sur DSK et surtout sur son ex-épouse Anne Sinclair

Le film est largement négatif sur DSK et surtout sur son ex-épouse Anne Sinclair - -

Le film sur l'affaire du Sofitel a été mis en ligne sur internet samedi 17 mai à 21 heures, et ne sortira pas en salles de cinéma en France. Une première pour un film de cette importance.

C'est une première pour un film de cette envergure. Welcome to New York ne sera pas projeté en salles de cinéma.

Le film où Gérard Depardieu interprète DSK est sorti, samedi 17 avril, à 21 heures uniquement sur Internet. Il est vendu 7 euros par neuf services de vidéo-à-la-demande (Vod): Orange, SFR, Canalplay, MyTF1, FiImoTV, Google Play, Videofutur, Virgin Mega et iTunes d'Apple. En revanche, le film réalisé par Abel Ferrara sort en salles dans plusieurs pays d'Europe et aux Etats-Unis.

Pourquoi un tel choix? Il y a les raisons officielles, et les raisons officieuses...

1- La peur du piratage

"Le piratage est la raison principale pour laquelle nous avons choisi de sortir le film de cette façon. Compte tenu de l'attente qu'il y avait sur le film, il serait piraté dès sa sortie. Sa durée de vie serait extrêmement courte", a expliqué Vincent Maraval au Film français.

2- Une sortie moins onéreuse

Une sortie en salles coûte cher. Il faut notamment fabriquer des copies numériques du film, faire de la publicité... Or le budget du film est limité: son tournage a coûté seulement 3 millions de dollars. "En salles, on l'aurait sorti sur 200 ou 250 copies. On aurait pu espérer 300.000 entrées, dans le meilleur des cas", a expliqué le producteur Vincent Maraval (Wild Bunch) au Monde, déplorant que "le coût d'une sortie en salles est de plus en plus élevé".

Toutefois, le producteur va quand même dépenser un million d'euros pour promouvoir la sortie sur internet. Une somme record pour une sortie en VoD.

3- Limiter les risques juridiques

Le film est largement négatif pour les ex-époux Strauss-Kahn. La scène dans le Sofitel entre le directeur du FMI et Nafissatou Diallo, même si elle reste ambigüe sur ce qui se passe précisément, montre clairement que la femme de chambre n'est pas consentante.

Mais le film est aussi très critique sur Anne Sinclair, présentée comme une ambitieuse, tenant absolument à devenir première dame de France, tout en étant au courant des addictions sexuelles de son mari. Un portait à l'exact opposé de l'image officielle donnée par la journaliste dans son interview sur France 2, interview opportunément diffusée il y a exactement un mois...

Dès lors, des poursuites judiciaires contre le film ne sont pas à exclure. Vincent Maraval raconte même avoir été menacé par un ami de la journaliste, qui lui aurait dit: "Anne Sinclair dépensera toute sa fortune à détruire ta vie..."

Toutefois, de telles poursuites ne peuvent juridiquement être engagées avant d'avoir pu voir le film, ce qui était impossible avant samedi soir. Surtout, demander une interdiction de la diffusion depuis des sites basés à l'étranger comme iTunes serait très complexe.

Samedi soir, lors d'une conférence de presse, Vincent Maraval était confiant: "c'est un film américain, qui relève de la loi américaine. Il a été vu par nos avocats, qui pensent qu'il n'y a pas de problème juridique. Mais s'ils veulent nous faire de la publicité, ils sont les bienvenus...".

4- Un financement original

Le film s'est fait sans un sou provenant des chaînes de télévision. "Aucune chaîne de télé française n'a voulu nous financer, alors que nous avions deux immenses stars internationales", a déploré Vincent Maraval dans le Journal du dimanche. "C'est le premier film avec Gérard Depardieu depuis 15 ans qui n'est pas coproduit par une chaîne de télévision", a-t-il ajouté samedi soir.

Mais ce handicap a donné une liberté totale sur la diffusion du film. En effet, les chaînes de télévision, en échange de leur financement, demandent à disposer d'une fenêtre de diffusion exclusive.

Le film sort en VoD "parce que c'est possible. Si Canal Plus ou France 2 avaient investi dans le film, il aurait fallu le sortir en salles pour qu'il soit qualifié d'oeuvre de cinéma. C'est une façon de dire aux chaînes de télé: OK, vous n'avez pas voulu financer le film, on peut faire sans vous", a expliqué Vincent Maraval.

5- Faire bouger les lignes

Aujourd'hui, le calendrier de sortie d'un film sur les différents supports (salle, DVD, VoD, télévision...) est fixé par la loi puis un décret -c'est ce qu'on appelle la "chronologie des médias". En pratique, un film ne peut sortir en vidéo-à-la-demande que 4 mois après sa sortie en salles. Il ne peut pas sortir en VoD avant les salles, ou en même temps.

Une rigidité dénoncée par le producteur du film. "Cette chronologie des médias a été pensée à un moment où Internet n'existait pas. Cela fait longtemps qu'on voulait tenter une expérience de distribution en ligne", a expliqué Vincent Maraval, qui ajoute: "en France, comme la loi interdit la simultanéité de la salle et de la VoD, on a fait le choix d'Internet. C'est un des rares pays où c'est le cas. Dans d'autres pays, aux Etats-Unis notamment, le film sortira en même temps en salles et sur le web".

Outre-Atlantique, ces sorties simultanées "donnent de très bons résultats. C'est ce qui a sauvé le cinéma art & essai là bas. [...] Ça a recréé un business. C'est triste à dire, mais c'est le mode de consommation des jeunes générations."

Jamal Henni à Cannes