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EDF: pourquoi le projet d'EPR en Angleterre suscite le doute

La démission du directeur financier du groupe, en désaccord avec la stratégie à mener sur le projet de deux EPR au Royaume-Uni sème la zizanie en Bourse. Le marché sanctionne violemment l'entreprise, inquiet de la rentabilité de ce chantier et des incertitudes sur le modèle économique du groupe.

EDF est sous haute tension ce lundi 7 mars. L'entreprise souffrait énormément en Bourse, lâchant plus de 8% à mi-séance, tout près de ses plus bas historiques (10 euros pile l'action). Ce gadin boursier est le reflet d'une grande divergence sur la stratégie à mener au sein de l'entreprise.

Car la chute du titre en Bourse est une réaction directe à la démission du directeur financier du groupe, Thomas Piquemal, annoncée ce lundi. Ce dernier a, en effet, préféré quitter la société, s'opposant au projet de construction de deux EPR, les réacteurs nucléaires nouvelle génération, à Hinkley Point, au Royaume-Uni.

"Bataille d'influence"

Selon une source interne à l'entreprise, citée par l'agence Reuters, son départ vient illustrer "une bataille d'influence au sommet de l'entreprise". "Piquemal passait pour quelqu'un qui tenait les comptes. Son départ est le résultat de la lutte entre le projet du président et ceux qui manifestaient quelques résistances", ajoute cette source.

Évidemment la démission de ce haut cadre du groupe n'a rien de rassurant. Elle met ainsi en valeur "l'importante différence d'opinions au sein du groupe concernant [le projet Hinkley Point] qui, s'il se réalise comme il est prévu, va mettre les finances du groupe sous pression", soulignent les experts de Bryan Garnier.

En ce sens, Thomas Piquemal aurait estimé que le coût du projet de Hinkley Point, évalué à 23 milliards d'euros, pouvait compromettre la situation financière du groupe détenu à plus de 84,5% par l'État, EDF ayant déjà un endettement net de 37,3 milliards d'euros (au 31 décembre 2015).

L'optimisme de Macron

On est donc loin des propos rassurants d'Emmanuel Macron. Début février 2016, le ministre de l'Économie était monté au créneau sur ce sujet. "C'est un beau projet qui fera travailler toute la filière nucléaire française et signera son renouveau, et je ne comprends pas l'attitude de certains qui par leurs critiques le décrédibilisent", affirmait-il au Figaro. Emmanuel Macron assurait alors que le projet ne faisait pas "courir à l'entreprise de risque inconsidéré au plan industriel et financier". Et il a encore affirmé son plein soutien ce lundi, tant à la direction d'EDF qu'au projet Hinkley Point.

Le problème est que bon nombre d'observateurs ne partagent pas l'optimisme du locataire de Bercy. "On manque de visibilité sur le retour sur investissement sur le projet de Hinkley Point alors que l'investissement est lourd et qu'EDF est massivement endetté", fait remarquer Thibault François, de Fastea Capital sur BFM Business. Il souligne qu'il s'agit "d'un dossier sensible sur tous les échelons". "Si des partenaires financiers importants viennent participer au projet et si le Royaume-Uni et la France mettent les moyens, cela pourrait marcher", concède-t-il toutefois.

L'avenir de la filière nucléaire

Il n'empêche que ce dossier reste entouré d'incertitudes et qu'EDF vit aujourd'hui une situation difficile pour son modèle économique. "EDF fait aujourd’hui face à la faiblesse des prix de l’électricité alors que sa base de coûts n’arrête pas de monter. Elle fait face à un régulateur, l’ASN, qui privilégie avant tout la sécurité, et elle doit mettre en œuvre son programme de grand carénage d’un montant de 55 milliards d’euros", rappelle Andrzej Kawalec, analyste pour le fonds MME Moneta.

Ce pourquoi "il y a au moins une ou deux années de grande inconnue sur les équilibres financiers de cette société qui s’embarque donc sur Hinkley Point. Et jusqu’à présent, les deux EPR, ceux de Flamanville et de la Finlande (construit par Areva pour un client finlandais), ont été des catastrophes, avec de nombreux surcoûts de budget et retards. Or Hinkley Point représente deux fois la capacité de Flamanville (3.260 mégawatt contre 1.650). Il s’agit donc d’un chantier à très fort risque", développe-t-il.

L'enjeu est néanmoins énorme. "Hinkley Point c'est vraiment l'avenir du nucléaire. Si le dossier sort, le nucléaire aura toujours sa place en Europe. Si ce n'est pas le cas, j'ai peur que le nucléaire ne soit plus un métier d'avenir", conclut Thibault François.

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