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EDF repousse les avances de la Chine

Le PDG d'EDF Jean-Bernard Levy, le président de CNNC Qian Zhimin et le directeur général d'Areva Philippe Knoche à Paris, le 30 juin 2015 lors de la signature d'un accord global entre la France et la Chine dans le nucléaire.

Le PDG d'EDF Jean-Bernard Levy, le président de CNNC Qian Zhimin et le directeur général d'Areva Philippe Knoche à Paris, le 30 juin 2015 lors de la signature d'un accord global entre la France et la Chine dans le nucléaire. - DOMINIQUE FAGET / POOL / AFP

Le groupe chinois CNNC propose depuis un an au groupe français une coopération pour construire un réacteur en commun. Mais EDF est coincé par le rachat de la filiale d’Areva.

L’avenir du nucléaire est en Chine. Avec 150 réacteurs prévus dans les 15 prochaines années, l’empire du milieu est un eldorado pour les entreprises du nucléaire. Au premier rang desquelles EDF entend jouer un rôle prépondérant. Le groupe est déjà allié au chinois CGN qui l’aide à financer les deux EPR d’Hinkley Point en Grande-Bretagne. En contrepartie, EDF aidera son partenaire à valider la technologie de son réacteur chinois "Hualong" auprès des autorités de sûreté britannique sur le site anglais de Bradwell.

Mais depuis environ un an, EDF est aussi sollicité par un autre poids lourd chinois. China National Nuclear Corporation (CNNC) propose à l’électricien français une large collaboration. "Ils souhaitent qu’EDF les aide à concevoir et optimiser leur réacteur pour le construire en Chine", explique une source proche du groupe. Une proposition issue d'un large accord de coopération entre la France et la Chine dans le nucléaire signé en juin 2015 (voir photo ci-dessus).

Pour le français, il s’agit de prendre part à la construction du parc nucléaire chinois. Une aventure florissante: le marché est estimé à 500 milliards d’euros! Cette alliance permettrait à CNNC de capter la technologie française et de profiter de la caution "made in France" dans l’atome. Contacté, EDF n'a pas souhaité faire de commentaire.

Rivalité entre les groupes chinois

Accepter une telle coopération avec un groupe d’Etat chinois reste difficile sur le plan politique. En janvier dernier, le même CNNC avait échoué à participer au sauvetage d’Areva. L’Etat français avait justifié sa décision par des désaccords sur la gouvernance mais l’influence diplomatique des Etats-Unis semble avoir pesé. Ensuite, EDF ne veut pas s’immiscer dans la rivalité entre les deux géants chinois qui connaissent le même genre d’opposition qui a régné pendant dix ans entre EDF et Areva. "CNNC vit mal qu’EDF ait choisi CGN et tente de reprendre la main, explique un bon connaisseur du dossier. Mais EDF ne veut pas se fâcher avec eux".

Depuis un an, le PDG d’EDF, Jean-Bernard Levy joue la montre en espérant que le gouvernement chinois mette de l’ordre dans la filière. L’Etat, propriétaire des deux groupes, leur a déjà demandé de travailler ensemble pour concevoir un seul modèle et éviter de se faire concurrence. Il semble avoir tiré les leçons des péripéties françaises entre EDF et Areva.

Mais EDF est aussi embarrassé par sa propre situation. A la fin de l’année, il aura finalisé le rachat de la branche réacteur d’Areva (NP) et se retrouve, de fait, constructeur alors qu’il n’était qu’exploitant. Il récupère ainsi les deux modèles de centrales développés par Areva depuis quinze ans: l’EPR et l’Atmea. Signer avec le chinois CNNC pour développer un réacteur concurrent des siens reviendrait à se tirer une balle dans le pied.

"C’est impossible maintenant qu’EDF est aussi fabricant de réacteur, explique un bon connaisseur de l’industrie. C’est pour cette raison qu’à l’origine, le groupe ne voulait pas racheter la filiale Areva NP". L’électricien français se retrouve pris au piège de son nouvel modèle d’être à la fois fabricant et exploitant de centrales nucléaires. La crainte de ne plus pouvoir développer ou exploiter d’autres réacteurs que les siens. Et de se fermer les portes du gigantesque marché chinois.

Matthieu Pechberty