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Emmanuel Macron adoucit ses critiques sur l'audiovisuel public

Emmanuel Macron a répondu aux questions de Laurent Delahousse dimanche 17 décembre

Emmanuel Macron a répondu aux questions de Laurent Delahousse dimanche 17 décembre - France 2

Sur France 2, le président de la République a tenu des propos plus modérés que sa sortie au vitriol il y a deux semaines devant les députés.

Deux semaines après sa sortie au vitriol devant les députés, Emmanuel Macron s'est exprimé publiquement sur l'audiovisuel public, à l'occasion d'une interview accordée dimanche 17 décembre à France 2

"Je souhaite que les acteurs de l'audiovisuel public eux-mêmes, les parlementaires, les professionnels du secteur puissent participer à un grand travail de réflexion qu'on doit faire en 2018", a déclaré le président de la République. "L'audiovisuel public français, c'est de très loin, pour l'État, le premier budget de la culture, donc il y a de l'argent. Simplement, est-ce qu'on le met au bon endroit et est-ce qu'on a surtout l'organisation collective la plus pertinente?", s'est-il interrogé.

Pour Emmanuel Macron, alors que "les usages sont en train de changer", surtout chez les jeunes qui regardent beaucoup moins la télévision, l'audiovisuel public "n'a pas suivi ce changement, notre régulation non plus au demeurant". En outre, l'audiovisuel public ne répond "pas totalement" à ses missions de service public, comme par exemple la formation des jeunes. "Il y a des contenus qu'on est dans le droit d'attendre dans l'audiovisuel public", a-t-il martelé.

"Une honte"

Ces propos sont plus modérés que ceux tenus le 4 décembre devant les députés de la commission des affaires culturelles.

Selon l'Express, il aurait déclaré que l'audiovisuel public était "la honte de la République", mais cette phrase a été démentie par l'Elysée. Selon Telerama, il aurait plutôt dit: 

"C’est une honte pour nos concitoyens, c’est une honte en termes de gouvernance, c’est une honte en ce que j’ai pu voir ces dernières semaines de l’attitude des dirigeants. [...] C’est très cher, pour une absence de réforme complète depuis que l’entreprise unique existe; pour une synergie quasi inexistante entre les différents piliers des entreprises publiques; pour une production de contenus de qualité variable".

Programmes "chers", élitistes, pour les "plus de 65 ans"

Le chef de l'État aurait fustigé les relations "complètement incestueuses" entre les chaînes publiques et des producteurs "abonnés à la commande publique". Surtout, il a fustigé les programmes, "trop chers" et ciblant "les gens les mieux éduqués, les mieux informés, les mieux protégés". En revanche, "on met très peu d’argent pour aller éduquer des gens qui sont loin de la culture". Surtout, "on fait des programmes pour les jeunes en disant, c’est super, c’est pour les jeunes, mais ceux qui les regardent ont plus de 65 ans".

Enfin, et non des moindres, il a aussi critiqué la gouvernance, déplorant que les dirigeants de l'audiovisuel public "ne [soient] responsables devant personne". Le CSA (Conseil supérieur de l'audiovisuel), qui les choisit, "ne leur demande aucun compte" ensuite. D'ailleurs, "le modèle du CSA est caduc. Il a été pensé, dans sa forme, à une autre époque, qui avait d’autres usages: il faut complètement le réadapter".

Quant aux 50 millions d'économies demandées à France Télévisions, Emmanuel Macron a peu apprécié la réaction de la PDG Delphine Ernotte, qui a critiqué ces économies et tenté de rallier à sa cause parlementaires et producteurs: "Je n’accepterai jamais qu’une entreprise publique, quand on lui demande un effort, considère que la seule réponse serait d’augmenter la redevance, ou d’aller faire du lobbying en commission".

Faible gain politique

Le chef de l'État avait conclu en assurant de sa "volonté ferme de faire une révolution". Selon le Figaro, Olivier Courson, le conseiller audiovisuel de Matignon, devait dévoiler mi-décembre une ébauche de feuille de route aux patrons de l’audiovisuel public.

Pour mémoire, le programme présidentiel d'Emmanuel Macron promettait de réduire le nombre de chaînes publiques, en "concentrant les moyens sur des chaînes moins nombreuses". Il voulait "rapprocher les sociétés audiovisuelles publiques". Enfin, il voulait que les patrons des chaînes publiques ne soient plus nommés par le CSA, mais par les conseils d'administration des chaînes, après "un appel public à candidatures". 

Emmanuel Macron, avec une telle offensive, veut sans nul doute mettre la pression sur des dirigeants de chaînes publiques qu'il n'a pas choisis. Mais il va assurément se mettre à dos personnels et producteurs, pour un gain dans l'opinion qui devrait être quasi nul...

Jamal Henni