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Espionnage à France 24: que sont-ils devenus?

Christine Ockrent et Alain de Pouzilhac ont co-dirigé l'audiovisuel extérieur de 2008 à 2011

Christine Ockrent et Alain de Pouzilhac ont co-dirigé l'audiovisuel extérieur de 2008 à 2011 - Serge Surpin Satellifax

En 2010, l'audiovisuel extérieur se déchirait entre son PDG Alain de Pouzilhac et son bras droit Christine Ockrent, sur fond d'espionnage informatique. Six ans après, que sont devenus les principaux protagonistes?

La justice a rendu jeudi 16 juin son verdict dans l'affaire d'espionnage ayant eu lieu à l'automne 2010 à l'Audiovisuel extérieur de la France (AEF, aujourd'hui France Médias Monde), qui regroupe France 24, RFI et MCD. Suite à cette affaire, les différents protagonistes ont connu des parcours divers.

Christine Ockrent (72 ans)

En mai 2011, après plusieurs mois de guerre au sommet, la Reine Christine a jeté l'éponge et quitté son poste de directrice générale déléguée de l'AEF. Depuis début 2013, elle anime une émission hebdomadaire, Affaires étrangères, sur France Culture. Parallèlement, elle est pensionnaire des Grosses têtes sur RTL depuis février 2015.

Mi-2014, elle a aussi rejoint le conseil d'administration d'Havas, un poste rémunéré 12.000 euros par an, et surtout un clin d'oeil à l'histoire: l'agence de publicité a longtemps été dirigée par son ennemi juré, Alain de Pouzilhac. Elle est aussi administratrice de la French-American Foundation, du Center for European Reform, de l’European Council on Foreign Relations, et membre du conseil d’orientation de Human Rights Watch France.

L'ancienne présentatrice du 20 heures continue à écrire des articles et des livres. Son dernier opus, Les oligarques: le système Poutine, est paru en 2014. Elle réalise également des prestations (conseil...) via sa société Alex SAS, qu'elle détient avec sa soeur Isabelle. Mais cette société réalise un chiffre d'affaires de plus en plus faible: 112.400 euros en 2014, contre 753.000 en 2007.

Enfin, elle continue à gérer les suites judiciaires de l'affaire d'espionnage, même si elle n'a jamais été inquiétée (ni même entendue) par l'enquête pénale jugée jeudi. Sa plainte en diffamation contre l'hebdomadaire Marianne est toujours en cours. Parallèlement, elle a gagné son procès contre l'AEF au sujet de ses conditions de départ. En septembre 2014, la cour d'appel de Versailles a estimé que son départ était une "révocation de fait", et a condamné l'AEF à lui versé 30.000 euros pour indemniser son préjudice moral, plus 10.000 euros de frais de procédure (cf. ci-dessous). C'est toutefois loin des 650.000 euros réclamés par la compagne de Bernard Kouchner...

Alain de Pouzilhac (71 ans)

L'ancien patron d'Havas a démissionné de son poste de PDG de l'AEF en juillet 2012. Il est toujours président du conseil de surveillance du groupe de casinos Joa depuis 2006. Il est aussi administrateur de Nafilyan & Partners, promoteur immobilier créé début 2014 par Guy Nafilyan, l'ancien PDG de Kaufman & Broad (dont Alain de Pouzilhac a été administrateur de 2003 à 2014).

Sur le plan judiciaire, Alain de Pouzilhac a remporté son bras de fer avec Vincent Bolloré, qui l'avait éjecté de la direction d'Havas. D'abord, il a obtenu le versement des indemnités de départ (2,7 millions d'euros), de la clause de non concurrence et de la retraite chapeau qui lui avaient été accordés avant leur suspension. Ensuite, il a remporté le procès pour "abus de bien sociaux" qui lui avait été intenté par le nouveau patron d'Havas. 

Candice Marchal (43 ans)

L'ex-collaboratrice de Christine Ockrent a été licenciée pour "faute grave" par l'AEF en décembre 2010. Selon son profil LinkedIn, l'ancienne collaboratrice de Christine Ockrent a retrouvé du travail comme journaliste début 2014 dans l'agence Magnéto Presse, où elle restera jusqu'en juillet 2015. Depuis, elle s'est associéée avec la journaliste Pascale Clarke pour créer une webradio baptisée Boxsons qui doit se lancer fin 2016. Une société a été crée en mars, détenue par Pascale Clarke (51%) et Candice Marchal (49%).

Sur le plan judiciaire, elle a été condamnée le 16 juin à six mois de prison avec sursis pour espionnage informatique. Sa plainte pour "escroquerie" contre l'AEF a été classée sans suite par le parquet de Nanterre. Mais sa procédure engagée aux prud'hommes contre l'AEF est toujours en cours.

Contactés, Alain de Pouzilhac n'a pas répondu, tandis que Christine Ockrent et Candice Marchal n'ont pas souhaité faire de commentaires.

Le jugement de la cour d'appel de Versailles

les"Il est établi qu’à partir de décembre 2010, Christine Ockrent n’a plus été en mesure d’exercer ses mandats de directrice générale déléguée, les directeurs et collaborateurs du groupe refusant pour la plupart de travailler avec elle. Ayant été écartée de la direction du groupe et mise dans l’incapacité absolue d’exercer ses fonctions, elle a été indiscutablement contrainte de mettre un terme à la situation anormale et intenable dans laquelle elle était maintenue, dès lors qu'il lui était acquis qu'aucune mesure de révocation ne serait prise à son encontre. L'AEF et son conseil d'administration, en s'abstenant de décider de la révocation de Christine Ockrent au motif que telle n'était pas la volonté de l'actionnaire, et en laissant perdurer une situation qui ne pouvait que contraindre Christine Ockrent à prendre l'initiative d'un départ, ont en réalité implicitement recherché le départ de Christine Ockrent sans vouloir assumer les conséquences d'une révocation. Christine Ockrent a donc été contrainte de prendre acte de la rupture de l'ensemble de ses mandats sociaux. Cette prise d'acte s'analyse, non pas en une démission librement décidée, mais en une révocation de fait ou révocation déguisée.

Les circonstances dans lequelles Christine Ockrent a été contrainte de prendre acte de la rupture de ses mandats, pour sortir de l'impasse dans laquelle elle se trouvait face à la passivité des organes sociaux, et ce après avoir été mise à l'écart de la direction générale déléguée sur la base d'une rumeur médiatique, et pour des motifs qui ne lui ont jamais été clairement exposés et sur laquelle elle n'a jamais été mise en mesure de s'expliquer, conduisent à retenir que la révocation de fait s'est accompagnée de circonstances vexatoires qui ont porté atteinte à son image, et qu'elle revet un caractère abusif.

La gravité du conflit opposant Christine Ockrent aux directeurs et aux salariés du groupe et à Alain de Pouzilhac [est] démontrée. Cela établit l'existence d'une crise de gouvernance d'une particulière gravitée et d'une situation de blocage, préjudiciable aux intérêts de l'AEF, compromettant son intérêt social et son fonctionnement. Ces éléments caractérisent à eux seuls l'existence de justes motifs de révocation de Christine Ockrent de ses mandats sociaux, en dépit de l'absence de faute établie à son encontre. La circonstance que la défiance dont a été l'objet Christine Ockrent ait été pour l'essentiel le résultat de l'affaire dite d'espionnage informatique dans laquelle elle était injustement mise en cause, n'a pas pour effet de priver de justes motifs la révocation, dès lors que cette défiance et la crise interne qui s'en est suivie compromettait sans nul doute l'intérêt social de la société. En tout état de cause, il n'est pas établi qu'Alain de Pouzilhac et/ou le conseil d'administration aient "orchestré" des manoeuvres pour parvenir à l'éviction de Christine Ockrent, ni qu'ils aient contribué de manière fautive à la situation de défiance, ni encore qu'ils aient intentionnellement laissé perdurer cette situation. Il convient par conséquent de retenir l'existence de justes motifs à la révocation de Christine Ockrent".

Jamal Henni