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Pourquoi Vivendi renonce à se couper en deux

Le président du conseil de surveillance Jean-René Fourtou en assemblée générale

Le président du conseil de surveillance Jean-René Fourtou en assemblée générale - -

Le groupe a écarté jeudi 30 août l'idée d'une scission entre activités médias et activités télécoms, trop difficile à mettre en oeuvre.
Article mis à jour le jeudi 30 août

Chez Vivendi, le changement, ce n'est pas encore pour maintenant. Depuis le printemps, tout le monde spéculait sur un découpage du groupe en plusieurs morceaux. C’est le président du conseil de surveillance lui-même, Jean-René Fourtou, qui a lancé cette idée dans la lettre aux actionnaires de mars: "Faut-il séparer le groupe en deux, voire trois?". Et depuis, le groupe avait demandé à ses banques conseils de plancher sur un tel scénario, parmi moult autres.

Mais jeudi matin, le directeur financier Philippe Capron a expliqué que cette piste était écartée à ce stade.

Explication d’un banquier : "Une scission du groupe est théoriquement possible, mais en pratique très longue et complexe à réaliser".

Un des principaux problèmes d’un break-up entre activités médias et télécoms était la répartition du cash. Une grande partie est aujourd’hui localisée dans deux actifs médias : Activision Blizzard (2,8 milliards d’euros de trésorerie) et Canal Plus (1,5 milliard). Inversement, les actifs télécoms sont très endettés : 5,5 milliards d'euros chez SFR et 812 millions chez Maroc Telecom, selon une étude d'Exane.

Un problème de cash

Pour résoudre ce problème, il fallait donc faire remonter le cash depuis Canal Plus et Activision Blizzard. Mais il y a un hic: Vivendi ne détient pas 100% de ces deux actifs, mais seulement 80% de la chaîne cryptée et 60% de l’éditeur de jeux vidéo. Il faudrait donc reverser une bonne part du cash aux actionnaires minoritaires.

Par exemple, faire remonter tout le trésor de guerre de Canal impliquerait de donner 300 millions d’euros à Lagardère, l’actionnaire minoritaire avec qui les relations sont exécrables. D’ailleurs, depuis que Lagardère détient 20% de Canal Plus France, Vivendi n’a fait remonter aucun dividende et n’a apparemment aucune intention de s'y mettre. En pratique, Canal prête actuellement son cash à Vivendi à un taux d’intérêt très bas. Lors de l’assemblée générale d’avril, l’ancien président du directoire Jean-Bernard Levy claironnait ainsi avoir "accès à 100% du cash de Canal Plus".

Quant à Activision Blizzard, des dividendes sont certes distribués, mais "les dirigeants actuels sont heureux d’être assis sur une confortable trésorerie, écrivent les analystes d’Exane. Ils gardent même leur cash alors que Vivendi en a besoin. Vivendi reçoit 100 millions d’euros de dividendes, ce qui est bien maigre comparé aux 900 millions d’euros de cash flow opérationnels".

A quoi bon couper Vivendi en deux?

Dernier problème : à quoi bon se lancer dans une scission ? L'idée était de réduire la décote de holding, cette sous-valorisation du cours de Bourse due au fait que Vivendi agglomère des actifs disparates. Jean-Réné Fourtou avait déploré lors de l’assemblée générale en avril que cette décote était devenue "gigantesque" et atteignait "presque 40%". Un break-up aurait donc permis de créer une société de télécoms et une société de médias, deux pure players qui devaient en théorie être plus appréciés des marchés. Et au final cela devait faire remonter le cours de Bourse, proche de son plus bas depuis une dizaine d’années.

Mais "rien ne dit qu’un break-up fera bien remonter l’action comme espéré", craint un banquier. En effet, les actifs média seraient restés assez disparates, entre la télévision, la musique et les jeux vidéo. "Les synergies entre les trois actifs seraient quasi-nuls, et les investisseurs devraient continuer à lui appliquer une décote de holding, ce qui rend probable un démantèlement progressif de cette entité, avec un recentrage sur Canal", écrivaient mardi les analystes de Natixis.

En outre, la décote de holding est peut-être bien moins élevée que ne le prétend Jean-René Fourtou. Début mai, les analystes d’Exane affirmaient que "la décote actuelle est en ligne avec la décote moyenne des dix dernières années. La valorisation de Vivendi est aussi en ligne avec celles des autres opérateurs télécoms historiques. La chute du cours peut donc être principalement attribuée, non à une décote de holding record, mais à la révision à la baisse des perspectives –en particulier à SFR. L’idée d’un break-up qui libérerait mécaniquement une valeur cachée et réduirait la décote de holding est donc une simplification excessive. La valeur cachée est limitée".

Jamal Henni