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Est-il temps pour Travis Kalanick de céder les rênes d'Uber?

Le Président fondateur d'Uber est critiqué à la fois pour ses méthodes de management et sa stratégie de développement.

Le Président fondateur d'Uber est critiqué à la fois pour ses méthodes de management et sa stratégie de développement. - Money Sharma - AFP

Alors qu'Uber connaît des déboires en cascade, des voix s'élèvent pour mettre en cause le management et la stratégie de son fondateur. Certains considèrent carrément que Travis Kalanick devrait être "démissionné" et les rênes du groupe confiées à un dirigeant "plus mature".

"Travis Kalanick devrait démissionner du poste de directeur général pour le confier à "un visage nouveau", et prendre éventuellement à la place la présidence du conseil d'administration". Cette attaque en règle rapporté par l'AFP n'émane certes ni d'un actionnaire, ni d'un cadre d'Uber. Mais son auteur, Larry Chiagouris, professeur de marketing à l'université Pace de New York, dit tout haut ce que certains pensent tout bas. Cet enseignant respecté est en effet loin d’être le seul à juger que l'ombrageux patron est la principale menace à l’avenir d’Uber.

Si au départ, le caractère fougueux et impulsif de Travis Kalanick donnait à la start-up une image disruptive utile pour affronter le monopole des taxis dans le monde entier, il met désormais en danger la société non cotée la plus valorisée de la planète. Elle pèse actuellement 68 milliards de dollars et espère atteindre les 100 milliards pour son introduction en bourse.

Il faut "une personne sérieuse et mature"

En quelques semaines, le groupe a cumulé les boulettes: accusations de sexisme, plainte de vol de technologies par Alphabet (maison-mère de Google) et utilisation d’un logiciel permettant aux chauffeurs d’éviter les contrôles de police. Pour finir, l’altercation entre Travis Kalanick et un chauffeur "ruiné" a encore démontré la difficulté du dirigeant à porter l’image du groupe.

Pour Larry Chiagouris, il est temps de donner "aux utilisateurs et aux chauffeurs l'idée qu'il y a une personne sérieuse et mature pour diriger l'activité". Même en interne, cette possibilité fait son chemin. Dans un article titré "Uber est-il entré dans une spirale mortelle?", le site TheVerge indique que le départ de Kalanick serait perçu par les salariés d'Uber comme "un véritable signe de changement" de la culture du groupe. Comme le rapporte le Financial Times, de plus en plus d'employés quittent le navire pour la concurrence, voire la fonction publique, sacrifiant la possibilité d'accumuler des parts de l'entreprise leur garantissant de belles plus-values lorsqu'Uber entrera en bourse.

Dans une vidéo d’excuses publiques imposée par son board, Travis a admis qu’il devait "murir", mais pour l’heure, sa crise d’adolescence affaiblit l’entreprise. Les investisseurs, parmi lesquels le fonds souverain d'Arabie Saoudite, qui ont misé sur la "licorne" s’inquiéteraient de l’image d'Uber auprès des régulateurs et des médias et qui désormais se répercute sur les clients. "Je dirais qu'il ne lui faut plus qu'un ratage pour être promu président du conseil d'administration", ironise Scott Galloway, professeur de stratégie de marque et de marketing numérique à la Stern School of Business de New York. Le titre de président signifiant, en réalité, une mise au placard, rendue possible par le fait qu'il ne détient plus qu'environ 10% du capital.

Des précédents chez Google et Apple

Ce ne serait pas le premier patron à être écarté du pilotage opérationnel de l'entreprise qu'il a fondée. Le cas le plus emblématique est celui de Google. En confiant à ses fondateurs, Larry Page et Sergei Brin, des occupations moins stratégiques, le géant de l'internet a pu mieux maîtriser sa croissance sous la houlette d'Eric Schmidt. Ce diplômé de Princeton et de Berkeley qui a été à la tête de Sun Microsystems et de Novell a assuré la direction de Google pendant 10 ans avant d'en confier à nouveau les rênes à Larry Page en 2011.

Apple est un contre-exemple. En débarquant Steve Jobs, le groupe de Cupertino a failli sombrer. C’est le retour du fondateur qui lui a permis de devenir ce qu’il est aujourd’hui. Mais pour l’instant, Kalanick n’a pas démontré qu’il avait le charisme du fondateur d’Apple. Et encore moins le talent de Mark Zuckerberg, l’un des rares patrons-fondateurs de multinationales -avec Bill Gates- à avoir conservé la confiance des actionnaires comme des salariés.

Pascal Samama
https://twitter.com/PascalSamama Pascal Samama Journaliste BFM Éco