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Avis d'expert: et si la carte à puce disparaissait

La demande en cartes à puce évolue doucement sur le marché de la téléphonie mobile. Le potentiel de croissance est bien plus important dans la banque, le commerce et les documents administratifs.

La demande en cartes à puce évolue doucement sur le marché de la téléphonie mobile. Le potentiel de croissance est bien plus important dans la banque, le commerce et les documents administratifs. - Gemalto

L’industrie de la carte à puce est en train de se transformer pour s’adapter à des besoins et des technologies dans lesquelles la carte à puce telle que nous la connaissons pourrait disparaître.

Encombrante, encore trop chère, l’existence-même de la carte à puce, présente dans le portefeuilles de chacun d'entre nous est remise en question sous la pression des utilisateurs et des fournisseurs de services.

L’intégration de la carte à puce aux téléphones mobiles est en marche

Il ne s’agit surtout pas de faire une croix sur les avantages sécuritaires de la carte à puce : la fraude à la carte bancaire est toujours inférieure de plusieurs ordres dans les pays qui utilisent la puce, par rapport à ceux qui persistent à utiliser la bande magnétique. La tendance est à l’intégration permanente de la puce au sein d’appareils et en particulier des téléphones mobiles. La puce elle-même reste essentiellement la même que dans une carte à puce, mais, étant soudée directement sur le circuit imprimé, elle peut se débarrasser de ses encombrants contacts dorés si familiers.

Ce changement de forme est poussé par Samsung et Sony dans leurs smartphones phares sous Android, et désormais tiré par la locomotive Apple à la fois dans le domaine du paiement (Apple Pay) et des communications mobiles (Soft SIM de l’iPad Air 2). Il induit la perte de caractéristiques majeures de la carte, qui est amovible et autonome. Comment faire pour changer de carte ou de téléphone lorsque votre carte bancaire et votre carte SIM sont soudées à l’intérieur-même de celui-ci ? D’autre part, il n’est pas question d’ajouter autant de puces à notre téléphone que nous avons de cartes dans notre portefeuille. Comment réunir les services de toutes ces cartes dans une seule puce ?

Vers de nouveaux services et de nouvelles infrastructures sécurisés

C’est là que nos entreprises nationales, leaders de l’industrie de la carte à puce, jouent gros : si d’un côté, le fait de mutualiser une puce pour plusieurs usages et de la rendre inamovible risque de réduire les volumes de vente, de l’autre, la complexification de la gestion du cycle de vie de la puce demande de nouveaux services et infrastructures sécurisés. Il faut pouvoir par exemple injecter dans la puce, à distance, un nouveau numéro de carte bancaire virtuel, ou de nouvelles données opérateur. Une chose est sûre, c’est que nos industriels ont bien compris le besoin de transformation, et les offres de gestion étaient au cœur de leur dispositif et de leur communication au salon Cartes.

Le besoin en sécurité ne fléchissant pas, la puce à encore de beaux jours devant elle. La disparition du plastique qui l’entoure est même plutôt bienvenue pour nos fabricants, tels Gemalto et Oberthur, en leur permettant de trouver des relais de croissance face à la concurrence asiatique et face à la difficulté croissante d’innover sur la carte elle-même. Ce n’est pas un hasard si elles espèrent à moyen terme faire la majeure partie de leur chiffre d’affaires sur le marché des services et du logiciel. Gageons qu’elles sauront tirer avantage de leur avance et de leur taille pour perpétuer la prépondérance française dans l’industrie de la carte à puce et de la puce sans carte.

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Hervé Sibert

Spécialiste et architecte système en sécurité chez STMicroelectronics, Hervé Sibert a obtenu son doctorat en mathématiques en 2003, après sa sortie de Polytechnique. Il a passé trois ans au département de recherche et développement de France Télécom en tant qu’ingénieur et chercheur en cryptographie et sécurité des réseaux, avant de rejoindre en 2006 la division de NXP chargée des chipsets pour terminaux mobiles, intégrée dans ST-Ericsson en 2009.

Hervé Sibert, architecte système en sécurité chez STMicroelectronics (pour 01 Business)