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Et si les employeurs étaient obligés de verser une aide aux salariés qui viennent travailler en vélo?

Les salariés utilisant leur vélo pour se rendre sur leur lieu de travail peuvent prétendre à une indemnité kilométrique spécifique. (image d'illustration)

Les salariés utilisant leur vélo pour se rendre sur leur lieu de travail peuvent prétendre à une indemnité kilométrique spécifique. (image d'illustration) - Philippe Lopez - AFP

Un rapport remis à la ministre des Transports suggère de rendre obligatoire l'indemnité kilométrique vélo. Instituée en 2015, l'octroi de cette aide financière est laissé à l'appréciation de l'employeur. L'imposer aux entreprises permettrait de doubler le nombre de salariés optant pour ce mode de déplacement écologique.

Être rétribué pour se déplacer à vélo. Afin d'encourager davantage les salariés à délaisser leurs véhicules personnels au profit de leur bicyclette ou de leur vélo à assistance électrique, un groupe de travail suggère de rendre obligatoire d'ici 2022 l'indemnité kilométrique vélo (IKV). La mise en oeuvre de ce dispositif, apparu en 2015 à la faveur de la loi de transition énergétique (dite "loi Royal"), est actuellement laissé à l'appréciation des entreprises car ce sont elles qui indemnisent leurs salariés se déplaçant à vélo. 

Selon les travaux conjoints du député LREM Matthieu Orphelin et du Club des territoires cyclables et de la Fabrique écologique, la généralisation de l'indemnité kilométrique vélo permettrait de porter à 1,4 million en 2022 le nombre de salariés cyclistes contre 700.000 aujourd'hui. Ce "changement d'échelle est indispensable pour que cette mesure d'intérêt général prenne tout son sens", souligne le texte auquel ont aussi contribué la Fondation pour la nature et l'homme (ex-Fondation Hulot) et la Fédération des usagers de la bicyclette. 

De nombreux bénéfices

Selon l'Insee, en France, plus de 70% des déplacements domicile-travail de moins de cinq kilomètres sont effectués en voiture. Or, là où l'indemnité kilométrique vélo a été mise en place, le dispositif a permis de doubler la pratique du vélo en moins d'un an (passée de 3% à 6%), indique le document remis à Élisabeth Borne, la ministre des Transports. 

Ce rapport pointe, en outre, des "bénéfices nombreux" pour la collectivité. D'abord sur la santé des salariés. Selon deux études, dont une menée aux Pays-Bas (où ce type d'indemnité existe depuis 1995), la réduction des arrêts maladie peut aller jusqu'à 15%.

Les entreprises, qui profiteront d'une meilleure productivité de leurs employés, subiront des coûts "très limités". "Le coût moyen de la généralisation de l'IKV, à horizon 2022, sera de moins de 23 euros par an et par salarié dans l'hypothèse la plus ambitieuse". C'est-à-dire avec une indemnité kilométrique vélo à 35 euros par mois, cumulée avec le remboursement d'un abonnement transport en commun. 

Pour les comptes publics, même si l'indemnité est exonérée de cotisations sociales et d'impôt sur le revenu, cette généralisation serait contrebalancée par l'amélioration des comptes de la Sécurité sociale (au moins 29 millions d'euros par an d'économies) et la hausse des recettes de TVA (surplus de consommation des employés permis par ce revenu supplémentaire). La mesure réduirait par ailleurs jusqu'à 37 millions d'euros par an les impacts négatifs de la voiture (bruit, accidents, pollution...), ont calculé les auteurs, sur la base d'un rapport de l'université technique de Dresde.

Une mesure peu connue 

Instaurée par la loi de transition énergétique de 2015, l'IKV n'a pas décollé. En 2017, seules 85 entreprises la proposaient (représentant 150.000 salariés, soit 0,5% des actifs, et in fine moins de 10.000 bénéficiaires). Parmi elles, Décathlon, RTE, Voies Navigables de France ou la communauté d'agglomération de La Rochelle. À titre de comparaison, en Belgique, 83% des actifs travaillent dans une structure proposant ce dispositif.

Selon le rapport, sa diffusion est freinée par le fait que la mesure est peu connue, par un manque de mobilisation des employeurs, des modalités parfois complexes, ou encore l'impossibilité de combiner l'indemnité kilométrique vélo et remboursement de l'abonnement transport en commun.

La généralisation du dispositif pourrait trouver sa place dans la loi sur les mobilités attendue au 1er trimestre 2018, suggère Matthieu Orphelin, pour qui "ce serait un superbe signal".

La CPME ne veut pas de la généralisation du dispositif 

La Confédération des PME réclame, dans un communiqué, que le versement de l'indemnité kilométrique vélo "conserve un caractère optionnel au choix de l'employeur", notamment "dans les entreprises de moins de 250 salariés". La CPME craint que le généralisation de l'IKV n'engendre "des coûts supplémentaires, directs et indirects pour les TPE/PME". Ses responsables réclament donc que le versement de cette indemnité soit "déductible du versement transport" effectué par les entreprises.

Comment fonctionne l'indemnité kilométrique vélo ?

Depuis le 13 février 2016, les entreprises peuvent prendre en charge (partiellement ou en intégralité) les frais des salariés se déplaçant à vélo, rappelle l'URSSAF.

En pratique, la somme perçue par le salarié "correspond au montant de l'indemnité kilométrique vélo (fixé à 0,25 euro par kilomètre) multiplié par la distance aller-retour la plus courte pouvant être parcourue à vélo par le salarié entre son domicile et son lieu de travail." Exonérée de cotisations sociales, l'IKV est plafonnée à 200 euros par an et par salarié.

À noter que cette indemnité est cumulable avec la prise en charge des frais de transport en commun lorsque le salarié utilise sa bicyclette pour se rendre vers un arrêt de transport en commun ou une gare. "L'indemnité est alors calculée en fonction de la distance à parcourir entre son domicile et la gare ou la station de transport collectif".

Antonin Moriscot avec AFP