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Exclu BFM Business: le CSA veut pouvoir réguler le web

Le président du CSA Olivier Schrameck réclame plus de pouvoirs pour son institution

Le président du CSA Olivier Schrameck réclame plus de pouvoirs pour son institution - -

Le gendarme de l'audiovisuel, dans son rapport annuel à paraître, reclame plus de pouvoirs dans 4 domaines clés, notamment le web. Il demande ainsi le pouvoir de "fixer les règles" imposées aux sites internet de vidéo et de musique.

Tant que je gagne, je joue. Il y a un an, le CSA (Conseil supérieur de l'audiovisuel) avait demandé, dans son rapport annuel, à avoir de nouveaux pouvoirs. Une demande en partie satisfaite dans la loi sur l'audiovisuel public.

Rebelotte aujourd'hui. Dans son dernier rapport annuel, le gendarme de l'audiovisuel demande à nouveau une extension de ses prérogatives, par exemple à l'occasion de la loi sur la création débattue cette année. Une partie de ces demandes a d'ores et déjà été reprise dans l'avant projet de loi sur la création rédigé par le ministère de la Culture.

Mais d'autres demandes, qui renforcent encore plus les pouvoirs du CSA dans 4 domaines clés, n'ont pas été reprises à ce stade. Revue de détail.

> 1-réguler le web

Dans son rapport annuel, le CSA dit qu'il veut faire respecter sur le web les grands principes moraux qu'il fait déjà appliquer à la radio et à la télévision: protection de l’enfance, respect de la dignité humaine, interdiction de l’incitation à la haine ou à la violence...

L'autorité administrative propose même un texte de loi pré-rédigé, qui stipule: "le CSA fixe, après consultation publique, les règles auxquelles sont assujettis les services audiovisuels numériques" (vidéo, radio et musique sur le web) pour qu'ils respectent ces grands principaux moraux.

De plus, le gendarme réclame un bâton pour se faire obéir: "en cas de manquement à ces règles, le CSA peut prononcer une sanction à l'encontre d'un éditeur de service", telle qu'une amende ou "la suspension" du service.

Enfin, le CSA propose aussi de distribuer des bons points aux bons élèves. En effet, si un site prend des "obligations complémentaires" sur la protection de l'enfance, alors le CSA pourra lui attribuer un label "site de confiance". Ce label apparaîtra sur le site, et "devra être pris en compte" par les filtres de contrôle parental. En clair, le filtre empêchera l'accès aux sites qui ne possèdent pas ce label, "si les parents le souhaitent", assure le CSA.

Rappelons que la loi impose aux fournisseurs d'accès de proposer un tel contrôle parental, que l'abonné est libre d'activer ou non. Le CSA ne demande pas son activation automatique.

> 2-des quotas de chansons française à la carte

Aujourd'hui, la loi impose aux radios de diffuser 40% de chansons francophones.

Le CSA trouve ce cadre trop rigide. Selon lui, la production de chansons francophones est "aujourd'hui très majoritairement fondée sur la variété. Elle est inégalement étoffée dans la production de titres issus de certains genres musicaux spécialisés: rap, R’n’B, etc. En revanche, elle est limitée dans les genres rock et dance. De plus, un nombre croissant d’artistes français s’expriment désormais dans une langue étrangère, majoritairement en anglais".

Face à ce constat, le CSA propose de passer à un régime plus souple, où les quotas seraient définis au cas par cas entre la radio et le CSA, puis formalisés dans la convention signée par la radio.

> 3-un même numéro par chaîne sur tous les réseaux

Aujourd'hui, une chaîne est accessible à des numéros différents selon le réseau: TNT, câble, satellite... Par exemple, France 5 est sur le numéro 5 sur la plupart des réseaux, mais en position 15 sur Numericable. Et sur CanalSat, les canaux 10 à 16 ne sont pas occupés par la TNT, mais par les déclinaisons de Canal Plus.

"Cette situation est source de confusion pour les téléspectateurs", déplore le CSA, qui propose donc "d’imposer à tous les distributeurs de reprendre l’ensemble des chaînes nationales et locales gratuites de la TNT selon leur numéro logique". Et bien sûr, ce sera le CSA qui "veillera au respect de la numérotation logique".

> 4-une régulation économique a priori

Donner au CSA un pouvoir de régulation économique a priori est un véritable serpent de mer.

L'Autorité de la concurrence en 2009, puis le rapport Hagelsteen en 2010 l'avaient réclamé pour la télévision payante -en clair, pour Canal Plus. Mais le gouvernement Fillon s'était empressé d'enterrer l'idée.

Il y a un an, le CSA avait lui-même demandé le pouvoir d'imposer des "obligations" aux acteurs en position dominante dans la TV payante -en clair, Canal Plus. Une demande qui avait été reprise dans un amendement centriste déposé lors de la loi sur l'audiovisuel public.

Mais, à nouveau, l'idée a été prestement enterrée par le nouveau pouvoir. Comme l'a expliqué Aurélie Filippetti, cela "provoquerait un bouleversement total des pouvoirs du CSA, qui seraient considérablement étendus, ce dont le secteur de l’audiovisuel n’a aujourd’hui pas besoin. Confier ce genre de prérogative au CSA en ferait une autorité sectorielle de la concurrence, ce qui n’est pas pertinent. Point n’est besoin de sortir du droit commun de la concurrence. L’Autorité de la concurrence fait très bien son travail".

Lors du débat au Sénat, la ministre de la Culture a donc émis un avis "tout à fait défavorable" sur l'amendement, qui a donc logiquement été rejetté par les sénateurs.

Aujourd'hui, le CSA remet le sujet sur la table, mais de manière bien moins ambitieuse. L'autorité administrative demande juste à pouvoir "publier des directives visant à exposer des principes généraux".

Mais c'est encore trop pour le ministère de la Culture. La rue de Valois, dans l'avant projet de loi qu'elle a rédigé, propose juste que le CSA puisse "adresser des recommandations au gouvernement" -en clair, n'avoir aucun pouvoir concret...

Mise à jour: le rapport annuel du CSA a été publié le lundi 14 avril
L'Autorité de la concurrence en 2009, puis le rapport Hagelsteen en 2010 avaient demandé que le CSA régule a priori la télévision payante sur le plan économique, comme le fait déjà son homologue britannique. Mais cette idée avait été enterrée sous Nicolas Sarkozy, suite à l'intense lobbying de Canal Plus, premier visé par une telle mesure...

Jamal Henni